Pertes de 100 milliards GNF en 2013, Ciments de Guinée dans le rouge !

L’un des fleurons de notre industrie traverse, aux nez et à la barbe des autorités, sa période la plus noire depuis sa privatisation en 1992. Suite à des pertes déclarées de plus de 100 milliards de francs guinéens pour l’exercice 2013, l’entreprise est dans le rouge au moment où elle est assignée en justice par un groupe d’actionnaires.

Avec une production annuelle de 500000 tonnes, Ciments de Guinée détenait jusqu’à une période très récente le monopole absolu du marché du ciment dans notre pays. Mais ce long fleuve tranquille semble avoir été perturbé par la création de nouvelles unités industrielles d’une capacité de production similaire à celle de l’ancienne entreprise nationale, au point de faire chuter son chiffre d’affaires de près de 60%.
« Le chiffre d’affaires net de l’exercice (2013) s’élève à 269266431000 francs guinéens contre 422678477000 francs guinéens pour l’exercice précédent, soit une baisse de 57%. Cette forte baisse du chiffre d’affaires est due à l’effet de la concurrence avec la mise en activité sur le marché de deux nouvelles unités industrielles du ciment », précise un rapport interne à Ciments de Guinée destiné à l’assemblée générale des actionnaires.
« Les frais de structure ont baissé de 29929498000 francs guinéens contre 35198707000 francs guinéens pour l’exercice précédent et représentent 11% du chiffre d’affaires », ajoute-t-il.
« Le résultat net de l’exercice ressort une perte nette de 100495823543 francs guinéens, du fait de l’annulation du projet d’expansion de capacité pour une valeur de 73953209647 francs guinéens », précise le rapport.
Il ressort de la lecture de ce rapport que la mauvaise appréciation de l’évolution du marché du ciment en Guinée a conduit les responsables de l’entreprise à opérer un choix stratégique (augmentation des capacités de production de l’usine avec le projet Sonfonia) avant d’annuler la décision in extremis. Le gros hic, c’est que l’opération elle-même n’a pas fait l’objet d’un audit indépendant pour au moins confirmer les chiffres avancés et certifiés par le commissaire aux comptes.
Comment, dans ces conditions accepter de valider l’idée d’une autre augmentation de capital de 11 milliards GNF- le capital devant passer de 46393000000 GNF à 57393000000 GNF par l’émission de 110000 actions (l’opération etait prévue le 27 juin)- sans que cette vérification normale soit opérée afin de clarifier la situation ? Mystère et boule de gomme.
L’actionnariat de Ciments de Guinée, selon que l’on se fonde à la structure livrée par l’entreprise elle-même ou les décisions judiciaires qui lui sont défavorables est sujet à controverse.
Selon l’entreprise (avant l’augmentation de capital si elle est opérée), sur un total de 110000 actions, la République de Guinée dispose de 43019 actions (environ 39% du capital), SA investissements Cimentier internationaux contrôle 65878 actions (environ 60% du capital), le reste du capital (soit 1%) étant entre les mains de Habibatou Fall, Lansana Conté, représentant des héritiers de feu Alassane Conté, et Fatou Fall, représentant des héritiers de feu Oumar Boiro.
Cependant, la justice guinéenne ne dit pas la même chose. elle a annulé la première augmentation de capital de Ciments de Guinée opérée en 2006, suite à une plainte les actionnaires minoritaires (Habibatou Fall, Lansana Conté et Fatou Fall) regroupés au sein de la Société de distribution et de participation (SODIPA). Parce qu’en réalité, avant cette première augmentation de capital, fait à l’insu de la majorité des membres de la SODIPA, cette dernière société détenait 25% de Ciments de Guinée (part réduite à 1% avant l’annulation de la décision par la justice). La justice somme actuellement et avec insistance Ciments de Guinée de transférer les 25% de son capital à la SODIPA avec, tant que l’ancienne société nationale ne se plierait pas à son arrêt, une astreinte de 5 millions GNF par jour.
La SODIPA a par ailleurs exigé le paiement intégral des dividendes (des 25% et non des 1%) sur 4 années à partir de 2005, soit au bas mot environ 5 à 8 milliards GNF.
Face à cette situation pour le moins embarrassante, Ciments de Guinée a introduit un recours auprès de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), sise à Abidjan (Côte d’ivoire), pour casser les jugements définitifs prononcés par les tribunaux guinéens. Les 2 parties (Ciments de Guinée et la SODIPA) doivent s’y retrouver dans les semaines à venir pour chacune défendre son dossier dans cette affaire palpitante qui pourrait réserver bien des surprises.
En effet, si Ciments de Guinée remporte le procès elle pourra continuer dans sa logique actuelle, au grand dam de la SODIPA. Par contre si la SODIPA, déjà forte des arrêts rendus par les tribunaux guinéens, remporte le procès au niveau de la CCJA, cela pourrait porter le coup de grâce à Ciments de Guinée. L’entreprise pourrait voir ses comptes saisis jusqu’au remboursement intégral des sommes réclamées par la SODIPA…
« En fait, ce sont les représentants de l’Etat qui auraient dû eux-mêmes s’impliquer pour réclamer toute la transparence requise dans ce dossier où un audit indépendant ne peut être évité si en tout cas l’objectif est de redresser cette société importante pour notre économie », affirme une source proche du dossier.
En attendant, la SODIPA rumine sa colère et sa frustration. L’auditeur choisi par elle, sur injonction de la justice (M. Tougna Doré pour ne pas le nommer) dans le but de vérifier les comptes présentés par Ciments de Guinée aurait été gentiment éconduit : il n’aurait jamais eu en sa possession toutes les pièces comptables pour lui permettre de vérifier ce qui s’y passe réellement. Mais Ciments de Guinée a ses arguments ; la procédure judiciaire n’est pas complètement épuisée.

Alima Camara in mediaguinee

Laisser un commentaire

Démarrer le chat
Actuguinee.org
Avez - vous une information à partager?
Besoin d'un renseignement?
Contacter Actuguinee.org sur WhatsApp