Au Soudan, l’ancien président Omar el-Béchir a été condamné à deux ans de
« résidence surveillée » pour corruption, quelques mois après sa
destitution par l’armée sous la pression de la rue.
Omar el-Béchir, 75 ans, destitué le 11 avril après 30 ans de pouvoir, était
jugé par un « tribunal spécial » depuis le mois d’août pour fonds perçus de l’Arabie
saoudite. L’ancien président soudanais a finalement été condamné à deux ans de
« résidence surveillée » ce 14 décembre 2019.
« C’est un procès politique », a répété à la presse
Mohamed al-Hassan, son avocat, qui a notamment assuré que l’argent n’avait pas
été utilisé à des fins personnelles mais sous forme de dons. Selon un témoin au
procès, l’ex-président aurait ainsi donné quelque cinq millions d’euros au
groupe paramilitaire des Forces de soutien rapide (RSF). Si l’ancien chef
d’État a reconnu avoir perçu un total de 90 millions de dollars de la part de
dirigeants saoudiens, le procès ne concerne que 25 millions de dollars reçus,
peu avant sa chute, du prince héritier Mohammed ben Salmane.
Extradition?
Ce premier procès n’a pas évoqué les lourdes accusations portées contre
Omar el-Béchir par la Cour pénale internationale (CPI), qui a émis contre lui
deux mandats d’arrêt pour « crimes de guerre », « crimes contre
l’humanité » et « génocide » au Darfour. Cette province occidentale soudanaise a été
le théâtre d’une guerre entre rebelles et forces progouvernementales qui a fait
300 000 morts et 2,5 millions de déplacés, selon l’ONU.
À ce jour, le gouvernement soudanais de transition n’a pas autorisé
l’extradition de l’ex-dirigeant à La Haye où siège la CPI. Si le Soudan n’a pas
ratifié le traité fondateur de la CPI, le pays a l’obligation juridique
d’arrêter Omar el-Béchir. Car l’enquête sur les crimes au Darfour a été
effectuée sous mandat de l’ONU, dont le Soudan est membre. Les Forces pour la
liberté et le changement (FFC), qui ont mené la contestation contre M. Béchir,
ont dit n’avoir aucune objection à une extradition.
En plus de l’affaire de corruption et les accusations devant la CPI, Omar
el-Béchir pourrait devoir répondre d’autres crimes présumés devant la justice
de son pays. Le 12 novembre, les autorités soudanaises ont émis un nouveau
mandat d’arrêt à son encontre pour son rôle dans le coup d’État de 1989, sur
lequel une commission spéciale du parquet enquête. Selon le procureur général,
Omar el-Béchir est aussi mis en cause pour des meurtres commis lors des
manifestations ayant conduit à son éviction. À ce jour, il n’a pas eu à
répondre de ces accusations.