Recours contre le retard ou le refus d’un juge à rendre une décision dans une affaire qui lui est soumise ? (Juriste Kalil Camara)

L’accès à un juge impartial et indépendant est  un Recours contre le retard ou le refus d’un juge à rendre une décision dans une affaire qui lui est soumise ? (Juriste Kalil Camara)droit fondamental consacré par des lois nationales et internationales. L’Etat a l’obligation de faciliter et de garantir ce droit à toute personne. Une demande introduite en justice régulièrement ou non contraint le juge à statuer et dans un délai raisonnable. Le fait pour un juge de refuser ou  de retarder de statuer (rendre une décision) est un qualifié de « déni de justice »,   sanctionné par la loi.

Quels sont les cas d’ouverture du déni de justice ?

Quelle est la procédure pour déni de justice contre un juge?

Quels en sont les effets ?

I-    Cas du déni de justice

Le code civil guinéen prévoit dans son article le déni de justice. Conformément à ce texte : « Le juge qui refusera de juger sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance peut être poursuivi pour déni de justice.»  

Il résulte de cette disposition que quelle que soit la question qui lui est soumise, le juge doit statuer, rendre une décision favorable ou défavorable au demandeur. Il ne peut refuser sous prétexte des trois ca indiqués à l’article susvisé :

1-    Le Silence de la loi :

C’est lorsque la loi ne s’est pas prononcée sur une question donnée. Il peut arriver qu’une question de droit soit soumise à un juge, mais la loi n’y a rien prévu. L’article 10 du code civil oblige pourtant le juge à rendre un jugement.

Dans le cas du silence de la loi, le juge se fonde sur les principes généraux du droit, la coutume etc. En matière pénale, le silence de la loi sur un fait ramène soit à une relaxe soit à un acquittement. En tout état de cause, le juge doit statuer.

2-    L’obscurité de la loi

Ce terme fait cas des situations où  la loi s’est prononcée sur une question, mais elle n’est pas suffisamment claire ou elle est ambiguë. Dans ce cas, le juge a l’obligation de  donner une interprétation claire. Il ne peut refuser de statuer sous prétexte que le législateur n’a pas été suffisamment clair sur une question.

3-    L’insuffisance de la loi

Une loi peut prévoir une situation de droit tout en étant clair, mais  sans en donner plus de détail. C’est fréquent en Guinée de trouver le législateur reprendre une disposition du législateur français, sans aller en profondeur. Lorsqu’une telle situation se présente, l’interprétation peut être difficile, mais il n’exempte pas le juge du déni de justice. Il doit s’inspirer des autres législations pour trancher.   

Bref, le fait pour le juge de classer un dossier sans donner suite à l’action est un refus. Et cet article du code civil guinéen ne laisse aucun argument au juge pour justifier  son refus de statuer. Cependant, cette disposition ne sanctionne que le refus et non le retard ou la négligence du juge à statuer. C’est pourquoi nous allons étendre l’explication de la notion du « déni de justice »  au code de procédure pénale économique et administrative (CPCEA), tout en évoquant le principe de délai raisonnable défendu par des textes nationaux et internationaux.

Aux termes de l’article 670 du CPCEA,  il y’a  déni de justice « lorsque le juge omet volontairement ou non, de donner suite aux requêtes qu’on lui présente, refuse ou néglige de juger des affaires pourtant en état d’être jugées. »  

Le CPCEA vient compléter le code civil en ajoutant deux moyens d’ouverture pour déni de justice contre le juge : l’omission et la négligence. Mais avant de définir ces deux, intéressons-nous  à une « affaire en état d’être jugée ».

Affaire en état d’être jugée

Une affaire est en état lorsque les actes et formalités requis par la loi ou par l’instruction ordonnée par le juge ont été accomplis par les parties et toute autre personne qui y concourt.  De là il est important de préciser que le refus ou l’absence d’une des parties de comparaître  ne disculpe pas le juge pour déni de justice. La loi prévoit des solutions  en cas de refus de comparution pour chaque partie. En matière civile, lorsque, sans motif valable, le demandeur ne comparaît pas au jour et l’heure fixés pour l’audience, l’affaire sera rayée au rôle. Pour y faire droit désormais, il doit reprendre l’introduction de l’instance. Si le défendeur ne comparaît pas et insiste dans son refus, le juge va trancher sur le mérite des éléments qui lui sont soumis par le demandeur.

L’omission du juge

Une fois que la demande est introduite au tribunal, l’affaire doit immédiatement être programmée au rôle de l’audience prochaine, à moins qu’il y ait un encombrement des rôles pour cette audience. Le greffe est généralement chargé de la programmation des dossiers.

Lorsque l’audience est programmée au rôle, le fait pour le juger de dérouler l’audience sans donner suite à l’affaire constitue l’omission susvisée. Et la loi se montre plus ferme en disposant « volontairement ou non ». C’est d’ores et déjà rejeter l’argument pour le juge qui dirait, par exemple, qu’il aurait oublié.

Précisons que le fait pour le greffier de refuser ou de retarder de  programmer un dossier sans motif légitime est également sanctionné par la loi.

Négligence du juge de statuer

Les renvois injustifiés, retard sans motif légitime du délibéré constitue des actes de négligence. Le renvoi d’une affaire inscrite au rôle ou le retard du délibéré  ne peut être ordonné que dans des cas déterminés par la loi ou des cas de force majeure. Exemple : Le juge peut décider d’un renvoi à la demande des parties. Il en est de même pour des cas d’empêchement du juge pour causes de maladie, de décès d’un parent proche etc.

En tout état de cause, il doit statuer dans un délai raisonnable. La notion de délai raisonnable a été relevée par la Cour européenne des droits de l’Homme en trois éléments qui se trouvent dans les dispositions que nous avons expliquées. Dans certaines procédures, la loi impose des délais au juge. C’est le cas en matière de litige entre employeur et travailleur (article 523.1 du CT). En cas de non-respect de ce délai ou de retard non justifié, le principe de délai raisonnable est violé.

II- Procédure pour déni de justice contre le juge

Le déni de justice est l’un des moyens d’ouverture de la prise à partie prévue à l’article 667 et suivants du CPCEA et 145 et suivants de la loi sur la Cour suprême. C’est un recours extraordinaire contre un juge qui aurait abusé de son autorité afin de le faire condamner à des dommages intérêts. La requête  est portée à la Cour d’appel lorsqu’il concerne les membres d’une justice de paix ou d’un tribunal. Si c’est contre un membre de la Cour d’appel ou de la Cour des comptes, la requête est portée devant le président de la Cour suprême. Le déni de justice constituant également une faute professionnelle,  il est aussi possible de saisir le ministre de la justice qui dispose des mesures conservatoires telles que la suspension pour interpeller un magistrat devant le Conseil supérieur de la magistrature pour des sanctions disciplinaires.

III-   Effets du recours pour déni de justice

Les effets sont à examiner à l’égard du juge mis en cause et à l’égard du requérant.

Effet à l’égard du juge :

Lorsque la requête est fondée, c’est-à-dire s’il est avéré que le magistrat a commis un déni de justice dans les cas que nous avons expliqués ci-haut, il sera condamné à des dommages intérêts, sans préjudice des sanctions disciplinaires.

Effet à l’égard du requérant :

Il est soit positif soit négatif. Un justiciable fondé dans sa requête contre le juge pour déni de justice a droit aux dommages intérêts couvrant tout préjudice occasionné par ce déni. La loi sur la Cour suprême rend l’Etat civilement responsable des dommages intérêts. Et à l’Etat de se retourner contre le juge fautif de déni de justice (effet positif).

Lorsque la requête est dilatoire ou diffamatoire, c’est-à-dire que celui qui l’a engagée n’avait aucune raison valable ou ne s’inscrivait pas dans les cas que nous avons expliqués, son acte pourrait se retourner contre lui.

Conformément à la déclaration universelle des droits de l’Homme, le législateur guinéen avec le code civil, le CPCEA, la loi sur la Cour suprême et la loi sur le statut des magistrats, garantit l’accès à la justice avec des mesures de contrainte qui forcent non seulement le juge à statuer, mais surtout dans un délai raisonnable.

Kalil Camara, Juriste

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