Réaction à une« Lettre ouverte au Président Alpha CONDÉ » de Michel Jannette Tolno, Professeur de Droit Public(Sonfonia)

 

Professeur Michel,

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre lettre ouverte à notre cher Président Professeur Alpha CONDÉ, publiée dans l’Hebdomadaire d’information « Le Défi » n° 356 du 06 avril 2015, page « Opinion ». Puisqu’il s’agit d’une lettre ouverte à tout le monde et qu’elle vise aussi, comme vous le dites vous-même «…à prendre à témoin les guinéens », je fais part, en tant que Guinéen pris à témoin, de mes appréciations. Il s’agit d’une analyse différente de la vôtre, pas dans un but de polémique conflictuelle, mais plutôt dans le cadre d’échanges fructueux sur cet important sujet que vous traitez et qui, au-delà des 2 protagonistes que nous sommes, intéresse de très nombreux Guinéens.

Inquiétude compréhensible a priori : le syndrome du passager face au conducteur

A travers les conseils que vous donnez au Président de la République dans la composition de son équipe, on sent tout l’intérêt que vous portez à la réussite de son action, à telle enseigne que vous convoquez Machiavel, connu normalement de tous les Politiques, pour lui donner des indications en apparence évidentes pour un Président de la République : par exemple « Si vous voyez un Ministre rechercher son propre intérêt dans toutes ses actions…jugez aussitôt qu’il n’est pas tel qu’il doit être », etc. C’est une inquiétude compréhensible car elle participe de la même appréhension généralement inhérente au passager face au conducteur d’un véhicule automobile, le passager ayant tendance à faire à ce dernier des recommandations, par exemple, de diminution de vitesse, de dépassement d’un autre véhicule à aborder prudemment, de stop à respecter, etc. Tout se passe ici comme si le conducteur n’était pas censé connaître ces règles de conduite, alors qu’il les maîtrise parfaitement. Mais le passager a tellement envie d’arriver à bon port qu’il s’approprie la conduite de la voiture. C’est la même analyse que je fais de vos conseils au Président de la République, à savoir que vous êtes tellement imprégné du désir de réussite de son action, et c’est louable, que vous vous appropriez le mode de composition de son équipe. Dans ce même état d’esprit, vous recommandez par exemple au Président, en vous référant toujours à Machiavel, après le choix de son équipe, « pour ne pas tuer des vocations et détruire l’engagement, [de] penser à [ses] Ministres en les comblant de richesses, d’honneurs et de dignité… ». Je relève ce point car je peux affirmer, à travers le cas des compétences guinéennes en France par exemple, que le Président encourage les vocations et l’engagement, en incitant ces compétences à venir s’engager, travailler dans leur pays en les assurant d’un niveau de rémunération au moins égal à celui qu’elles perçoivent à l’étranger. N’est-ce pas là l’exemple d’un conseil qui n’avait pas lieu d’être donné ? Cela ne corrobore t-il pas le fait que l’on s’imagine à tort que le conducteur ne connaisse pas les règles de conduite de l’action qu’il mène ? Evidemment, il n’a été nulle part question, dans une quelconque déclaration du Président de la République, de combler de richesses ces compétences guinéennes, mais de leur assurer une rémunération juste, et j’imagine qu’il en est de même, au-delà des Ministres auxquels vous faites allusion, pour tous les Serviteurs de l’Etat.

C’est pourquoi, contrairement à vous, je trouve que le Président de la République, fin Expert de la chose politique, maîtrise parfaitement les techniques de conduite d’une action d’Etat et qu’il sait pertinemment s’entourer d’une équipe appropriée pour atteindre le but fixé, même si, comme pour le conducteur de véhicule, le passager peut rester difficilement rassuré tant que la destination finale n’est pas encore atteinte.

Exemplification par le sport

Dans le domaine du sport, notamment dans le football, les équipes dans cette discipline ont chacune un entraîneur. Ainsi, chaque équipe dans son jeu est le reflet du style de son entraîneur, notamment de sa stratégie et de sa ligne de conduite. Quand une équipe de football ne va pas, il arrive souvent que l’on change d’entraîneur, et chaque nouvel entraîneur met en place son équipe, à partir des éléments existants, et il peut arriver qu’il fasse appel à des joueurs décriés ou qui avaient été bannis, pour constituer une équipe conforme à ses objectifs de résultats, à partir de son appréciation sur la qualité contributive de ces joueurs à l’obtention des résultats recherchés. Mais ce qui est important de souligner, c’est que ces joueurs décriés ou bannis rentrent dans le moule de l’entraîneur, dans la stratégie qu’il a définie, dans les règles de conduite, de discipline et de déontologie qu’il a mises en place. A telle enseigne que les défauts collés à ces joueurs passent au second plan face à l’enjeu de résultats de l’équipe, tant il est vrai que l’entraîneur bénéficie de la confiance idoine de ses mandants pour mener à bien l’objectif qui lui a été assigné. Dans mon analyse contraire à la vôtre, j’applique cet exemple d’entraîneur et de son équipe de football au cas que vous avez traité dans notre pays, et je trouve ainsi qu’il n’y a pas lieu de s’alarmer sur les collaborateurs (j’utilise votre mot) du Président de la République dès lors que ceux-là sont sous la ligne directionnelle de celui-ci, qu’ils acceptent de suivre et d’appliquer pour l’objectif défini par le Président de la République pour le bien du pays.

Intérêts du pays, rassemblement le plus large possible

Une raison de plus dans le sens de mon analyse, c’est l’esprit de dépassement du Président de la République au profit de la Nation. Il aurait pu, fort de sa victoire à la présidentielle, faire preuve de repli uniquement sur son parti pour gouverner le pays. Au contraire, il a fait montre d’un grand esprit de rassemblement, en prenant en compte l’intérêt supérieur de la Nation, pour procéder à une ouverture la plus large possible aux composantes politiques qui ont voulu accepter cela. En réalité, je trouve que l’histoire politique de notre pays commandait une telle attitude, car depuis notre indépendance en 1958, notre Nation a été traversée par des déchirements douloureux et il était normal qu’avec le 1er pouvoir démocratiquement élu, une telle attitude d’apaisement des cœurs soit initiée, de façon inclusive, pour ne pas donner l’impression d’une chasse aux sorcières à la Samuel Doe par exemple, où la Nation aurait eu plus à perdre qu’à gagner. Cette tentative d’unité ne rime cependant pas avec impunité. Il n’est que de voir l’exemple sud africain où Mandela a composé son gouvernement avec ses anciens geôliers, c’est-à-dire les Blancs tenants de l’apartheid, système qui avait oppressé l’immense majorité du peuple sud-africain. Comme quoi, la sortie de lourds passés de déchirements nécessite une forme appropriée de gestion du Pouvoir, qui n’a rien à voir avec la forme classique de gestion des vainqueurs uniquement.

En définitive, Professeur Michel, voilà pourquoi, avec une telle analyse différente de la vôtre, je comprends et approuve notre cher Président Professeur Alpha Condé dans le choix qu’il s’est donné à ce jour.

 Ibrahima Sory KEÏTA

Economiste – Expert Consultant

Tel de www.actuconakry.com: +224 622 56 56 67

 

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