En s’opposant frontalement et bruyamment au projet
de nouvelle constitution voulue par le Gouvernement, le parti au pouvoir et une
bonne frange de la société civile, le Kountigui Sèkhouna n’est-il pas en train
de scier lui-même la branche sur laquelle il est assis ? On pourrait le penser.
Toutefois, en dépit
du flirt naissant entre le FNDC
et lui, que traduisent ses déclarations publiques et les photos postées en
compagnie de quelques jeunes se
réclamant ouvertement de cet ensemble hétéroclite, appendice de certaines
formations politiques bien connues de la place, il est peu probable que le patriarche
de Tanènè continuasse sur une
voie qui pourrait fortement ébranler son
trône ; déjà, les clameurs en provenance
du domicile d’Elhadj N’Doungou Lamine Soumah
de Kaporo, doyen des Bagas, ne sont pas très rassurantes.
Avant d’aborder les conséquences certaines dans
l’éventualité où le vieil homme, en dépit de tout, voudra persister dans son
attitude de défiance vis à vis du pouvoir, faisons une petite incursion dans le
passé pour appréhender quelques éléments à prendre en compte dans l’analyse de
ce qui pourrait s’apparenter à un véritable Hara-kiri pour son auteur.
Le retour d’une certaine forme de chefferie coutumière
Après avoir mis fin à la chefferie traditionnelle,
grâce à la Loi cadre Gaston Defferre, dans les derniers moments de la
colonisation, le régime du PDG, durant ses 26 ans de règne, ne tolérera aucune
forme d’association ou d’organisation, en dehors des structures politiques, à
se substituer à l’Etat, ou à servir d’intermédiaire entre celui-ci et les
populations.
Il aura fallu l’arrivée au pouvoir des militaires,
en 1984, pour voir renaître des associations aux relents communautaristes,
contrairement à la volonté du Général Lansana Conté dont l’idée sera galvaudée,
travestie, vidée de son contenu pour être utilisée à d’autres fins. En effet,
de bonne foi, le Général Président avait estimé qu’envoyer des natifs aux
postes de Commandement dans leur lieu de
naissance ferait d’eux de meilleurs agents de développement,parce que
supposés plus sensibles aux problèmes de
leur localité. Malheureusement, il n’en
fut rien. D’abord, on assista à la naissance d’associations regroupant les
ressortissants d’un même village, d’une
même préfecture, d’une même région pour, dira-t-on, s’occuper des affaires
sociales. Mais, progressivement, ces associations se transformèrent en groupes
de pression, en lobby, pour revendiquer, et même exiger des avantages fondés
uniquement sur l’appartenance communautaire. Ces associations régionales prirent les noms de coordinations qui
étaient dirigées chacune par un Président. Il y’en avait une dans chacune des
4 régions naturelles de notre pays.
Ces coordinations investiront plus tard le champ politique à un
degré tel,qu’aujourd’hui, elles sont devenues
presque incontournables. Le
Président de la coordination de la basse côte finira prendra plus tard l’appellation de Kountigui.
Un homme et son parcours
Indiscutablement, le patriarche de Tanènè est
certainement le plus politisé, ou, tout au moins, l’un des plus politisé parmi
lesdirigeants de nos coordinations ethno-politico régionales. Très tôt, il fit
ses premières armes dans les structures politiques du PDG (Parti Démocratique
de Guinée) où il occupera respectivement les postes de Secrétaire Général du
bureau JRDA (Jeunesse de la Révolution Démocratique Africaine) de la section de
Tanènè, puis de secrétaire Général du Comité Directeur de la section de Tanènè,
et enfin, membre du bureau fédéral de la fédération de Dubréka.
A l’avènement du régime du 3 Avril 1984, il sera
membre fondateur du PUP(Parti de l’Unité et du Progrès) à Mamou, et intègrera
directement le bureau fédéral de ce parti à Dubréka, au poste de secrétaire à l’organisation. Continuant son
ascension, il sera porté à la tête de la CRD (Commune Rurale de Développement)
de Tanènè, puis Président des Présidents des CRD de Guinée jusqu’à la mort du
Général Lansana Conté, et même quelques temps après.
A partir de 2010, on observera l’existence de 2 branches
pour la coordination en Basse Guinée. La première qui fut dirigée par Feu Sèkou
Ismael Soumah de Dabondi , soutiendra le camp présidentiel, une deuxième, qui sera
installée à Tanènè,avec comme
Président ,Elhadj Sèkhouna Soumah, soutiendra l’opposition, et plus
spécialement l’UFDG(Union des Forces Démocratiques de Guinée), par le biais
de son OPA(offre publique d’achat)
réussie sur le PUP(Parti de l’Unité et
du Progrès) auquel appartenait l’actuel Kountigui.
Cependant, le Kountigui Sèkhouna est un fin
politique et un homme chanceux ; peu avant 2015, il rejoindra la mouvance
présidentielle, en accordant un appui sans équivoque au Professeur Alpha
Condé. Suite à cela, et grâce au soutien actif de la COBAD
(Coordination pour le Développement de la Basse Guinée) de MalickSankhon, et
avec l’onction du pouvoir, il sera
choisi parmi des aspirants tout aussi méritants que lui, en remplacement du
défunt Sèkou Ismael Soumah de Dabondi, et
intronisé avec faste et solennité à Kindia, avec, cette fois ci, le titre
de Kountigui pour toute la Basse Guinée.
Quelques temps plus tard, avec la bénédiction de
l’opposition, Ehladj Mamoudou Soumah de Dixinn sera à son tour installé comme
Kountigui de la même région, au siège de l’UDG (UnionDémocratique de Guinée) d’El hadj Mamadou Sylla, à
Kagbélén. Il s’est d’ailleurs raconté, à l’époque, que cette cérémonie aurait
été perturbée par les partisans du premier Kountigui susnommé.
Un choix et ses conséquences
Il ne fait aucun doute que le Kountigui Sèkhouna est
face à un choix difficile dont les conséquences influenceront, d’une manière ou
d’une autre, son avenir en tant qu’autorité morale des habitants de la zone
côtière de notre pays.
S’il
persistait dans sa position actuelle, les conséquences seront les suivantes :
-Pour le pouvoir : le pouvoir y perdrait une forte
voix, certes, mais non indispensable pour garder les faveurs de sa base basse
côtière dont les membres ont, à
plusieurs reprises, réitéré leurs soutiens indéfectibles au Président de la
République, en raison des nombreux succès remportés ; en outre, convaincus que
Dieu donne le Pouvoir à qui il veut, et le reprend quand il veut, nos
compatriotes de la Basse Côte ont toujours soutenu les Présidents que le Tout Puissant a eu à placer à la tête
de notre pays, depuis l’Indépendance
jusqu’à ce jour. Les exemples d’AHMED SEKOU TOURE et du GENERAL LANSANA
CONTE en sont des illustrations parfaites.
-Pour le FNDC : contrairement à ce que l’on
pourrait imaginer, l’arrivée du Kountigui Sèkhouna au sein du FNDC pourrait
constituer une patate chaude dans les mains de cette organisation. En effet,
pour le contrôle du « Kountiguiya », il entrerait inévitablement en concurrence
avec l’autre Kountigui, Elh Mamoudou Soumah, quoique plus discret sur sa
position par rapport à la nouvelle Constitution, qui est et reste, cependant,
celui-là même qui aura été adoubé et installé dans ses fonctions par des
formatons politiques aujourd’hui membres du FNDC, en l’occurrence, l’UDG, et
son parrain du moment, l’UFDG. Ne dit-on pas qu’il n y a pas 2 capitaines dans
un même bateau ? De même, il ne saurait y avoir 2 Kountiguis pour un seul et
même fauteuil.
-Pour le Kountigui sèkhouna, lui-même, il pourrait
en être le grand perdant. Il y perdait son autorité, ou, en tout cas, une bonne
partie de cette autorité car, comme annoncé plus haut, les échos en provenance
de « N’Doungouya », sont annonciateurs de lendemains pas très gais pour lui ;
il y perdrait également de son influence car, lâché par le pouvoir. Adieu ! Les
nombreux courtisans qui viennent remplir sa cour en espérant y trouver
réconfort,mangeaille,aide ou protection auprès des autorités.
Encore une fois, nous disons que le Kountigui
Sèkhouna est un politique avéré et avisé ; c’est également un sage.
Cette sagesse qui lui a permis de traverser, dans
l’honneur et sans dommages, les temps du
PDG et du PUP, c’est à cette même sagesse qu’ il devrait faire
appel pour éviter toute épreuve de force
avec le pouvoir, épreuve dans laquelle il aurait tout à perdre, et rien à gagner.
Pour ce faire, il devra, comme le font ses
homologues Présidents des coordinations
des autres régions naturelles du pays, éviter toutes déclarations publiques
pouvant être considérées
comme une prise de position politique par l’un ou l’autre camp.
Puisse le Tout Puissant inspirer notre Kountigui dans ses prises de position futures !