La chronique de Siaka Kouyaté : Il fallait s’y attendre

La relance de la crise politique en Guinée était prévisible. La raison, me semble-t-il, est que les acteurs réels ne sont pas autour de la table. Cellou, n’est finalement, qu’un figurant. Le chef idéologique, celui par qui, la paix se fera ou ne se fera pas, c’est Bah Oury. Derrière lui, une masse importante d’irréductibles fanatiques, nourris d’une idéologie dont les racines n’ont absolument rien de politique. A leur commande, les pouvoirs d’argent, ceux dont les intérêts sont réellement menacés par les perspectives de la nouvelle gouvernance en gestation.

Parfois, les faits politiques n’ont qu’un lointain rapport avec les causes qui les génèrent. Ce qui arrive en est la plus parfaite illustration. Qu’on se souvienne, qu’Alpha Condé a produit un article à la veille de son départ pour le Sommet des G8 2013, publié dans un journal de l’étranger. Dès la première lecture, on est fixé sur la détermination du chef de l’Etat guinéen à radicaliser le processus du changement annoncé. Il est des phrases dans cet article, qui ne pouvaient laisser tranquilles certains milieux d’affaires en Guinée et à l’Etranger. Ce sommet lui-même, par son affiche, annonçait une révolution qui ne disait pas son nom. En fait, il ne s’agissait ni plus ni moins, que d’une remise en cause fondamentale de la façon de faire les affaires entre Etats, mais plus spécifiquement, entre les multinationales et les Etats. Un séisme politique à la manière de celui de 1989 avec le discours de la Baule.

La vision du président guinéen de cette aubaine n’a pas pu échapper à ceux qui la redoutent le plus : les milieux maffieux qui tiennent toujours dans leurs serres les administrations et les pantins politiques, leurs marionnettes. C’est de cela, qu’il s’agit. Le dialogue dont il est question en Guinée, n’aurait de sens aux yeux des commanditaires de toutes les agitations politiques, que si Alpha Condé renonçait à son programme de restauration de l’Etat. Un pas a même été esquissé par ce dernier, donnant à espérer aux prédateurs, c’es cette notion de gouvernement d’union nationale. Cette formule, à elle seule, sape l’esprit de la démocratie, à mon avis. De mon point de vue, l’équipe ayant remporté les élections présidentielles est la seule responsable pendant le mandat qui lui est constitutionnellement imparti. Si, par hasard, un point du programme de l’adversaire s’avérait utile au mandat en cours, il n’y a aucun complexe à l’insérer à celui du vainqueur, sans oublier de le signaler à son auteur, qui pourrait, au besoin, suggérer des cadres capables  de le mener à bon port.

Le citoyen n’a rien à voir à l’ethnie ou à la région de ceux qui gèrent les problèmes d’eau, d’électricité, de route ou de santé, aussi longtemps que ça marche. Mais si le pouvoir est perçu comme source d’enrichissement personnel et illicite, son contrôle ou sa perte entraîne des réactions qui s’observent dans toute l’Afrique. On regarde le Pouvoir d’Etat comme un gâteau à partager. C’est pour contenter une élite incapable d’assurer le décollage économique de son peuple, que cette notion de gouvernement d’union nationale a été inventée et soutenue. La proposer à un peuple majeur comme la Guinée qui a juste besoin de justice, de bonne justice, de gouvernance, de bonne gouvernance, c’est simplement faire de la complaisance coupable.

Pour changer la vision et la faire partager par le peuple, il y a des préalables qui n’ont hélas, pas toujours été au rendez-vous. Il eut fallu, que ceux qui prônent le changement soient au-dessus de tout soupçon. A défaut, que toute personne reconnue coupable de quelque délit que ce soit, soit punie de façon exemplaire ; que le mérite seul mette l’homme à l’emploi, faisant perdre tout sens au dosage ethnique ou régional ; que l’impunité soit un vieux souvenir dans ce pays; que les concepts de démocratie et d’autres valeurs à caractère universel comme les droits de l’homme, les questions du genre et autres, ne soient pas exercées par voie de placage systématique sur nos réalités culturelles, mais re-possédées de façon consciente.

Le Président Condé tient le bon bout. Ce qui lui reste à faire, c’est de balayer devant sa porte sans état d’âme. Il est peu qu’il dise et redise que tous les Guinéens sont égaux à ses yeux. Il faut encore qu’il pose des actes forts qui rassurent tous. On a beau aimer et soutenir Alpha Condé, c’est lui rendre mauvais service en acceptant un poste de responsabilité dont on n’a pas la compétence ou de s’y pousser par voie de délation.

Pour revenir au dialogue, il est temps que les institutions jouent leur rôle. Par leur absence, elles poussent en avant le chef de l’Exécutif, fragilisant ainsi tout l’édifice étatique. L’opinion internationale a suffisamment de preuves de sa bonne foi. Il est plus que temps de montrer un peu plus de nerfs. Les termes de référence du dialogue n’ayant pas changé, il n’y a pas lieu de le donner pour interrompu s’il reste deux voix contradictoires, pourvu qu’elles soient guinéennes ces voix.

Siakarichar@gmail.com

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