Inculpation de Dadis: Human Rights Watch invite l’Etat à protéger les juges, les témoins et les victimes

Le 28 septembre 2009, plusieurs centaines de membres des forces de sécurité guinéennes ont fait irruption dans un stade de la capitale guinéenne, Conakry, et ouvert le feu sur des dizaines de milliers de partisans de l’opposition qui s’y étaient rassemblés pacifiquement.

Au moins 150 personnes sont mortes et des dizaines de femmes ont subi des viols ou d’autres violences sexuelles. Une Commission d’enquête internationale soutenue par les Nations Unies, ainsi que Human Rights Watch et d’autres organisations indépendantes de défense des droits humains, ont estimé que le rôle éventuel de Dadis Camara dans les meurtres, les viols et les autres abus commis ce jour-là, devrait faire l’objet d’une enquête.

« Les juges guinéens ont fait faire un grand pas en avant à la cause de la justice dans l’affaire du massacre et des viols de 2009 au stade de Conakry en inculpant Dadis Camara », a déclaré Corinne Dufka, directrice de la division Afrique de l’Ouest à Human Rights Watch. « Les victimes de ces crimes atroces cherchent à obtenir justice depuis plus de cinq ans et aujourd’hui, elles sont un peu plus près de connaître la vérité sur ce qu’il s’est réellement passé ce jour-là. L’achèvement de l’enquête ouvrirait la voie à des poursuites en justice attendues depuis longtemps.»

Dadis Camara s’était proclamé président de la Guinée à l’occasion d’un coup d’État, réalisé sans effusion de sang après la mort du président Lansana Conté en décembre 2008. À l’époque du massacre, Dadis Camara était également commandant en chef des forces armées guinéennes.

Dadis Camara vit en exil au Burkina Faso depuis décembre 2009. Il a abandonné la présidence après avoir été blessé par balles en Guinée. Une requête introduite en 2011 par le panel national de juges pour l’interroger au Burkina Faso dans le cadre de son enquête, a été satisfaite cette semaine, après de longs retards. Dadis Camara a été interrogé le 8 juillet, selon des informations de presse.

« La nature sensible d’une telle inculpation d’un ancien responsable de haut rang peut comporter des risques accrus », a affirmé Corinne Dufka. « Les autorités guinéennes devraient s’assurer que les juges, les témoins et les victimes dans cette affaire soient protégés contre toute menace et violence éventuelle. »

Le panel de magistrats a effectué des progrès significatifs dans son enquête, a déclaré Human Rights Watch. Les juges ont interrogé des centaines de victimes et inculpé plus d’une dizaine de personnes, y compris des officiers supérieurs de l’armée. Parmi les autres inculpés, figurent le ministre guinéen chargé de la lutte contre le trafic des stupéfiants et le crime organisé, le colonel Moussa Tiégboro Camara, le lieutenant-colonel Claude « Coplan » Pivi, ministre chargé de la sécurité du président, et le colonel Abdoulaye Chérif Diaby, ministre de la santé à l’époque du massacre.

Toutefois, plus de cinq ans après les crimes, l’enquête n’est toujours pas conclue. Certains suspects sont en détention préventive depuis plus de deux ans, soit au-delà de la durée maximale autorisée par la loi guinéenne.

En décembre 2012, Human Rights Watch a identifié plusieurs critères de référence que le gouvernement guinéen devrait satisfaire pour faciliter l’aboutissement de l’enquête effectuée par le panel. Parmi ceux-ci, figuraient la nécessité d’assurer que les juges disposent de ressources adéquates et travaillent dans la sécurité, et de faire aboutir la requête visant à interroger Dadis Camara, alors restée en souffrance.

En attente de justice

La nécessaire traduction devant les tribunaux guinéens des responsables du massacre, des viols et autres exactions perpétrés dans le stade le 28 septembre 2009.

Les suspects devraient également être suspendus de leurs postes gouvernementaux – notamment le colonel Camara et le lieutenant-colonel Pivi – là où existent des risques qu’ils s’ingèrent dans l’enquête. Ceci est particulièrement important compte tenu du rôle prééminent joué par les militaires dans la société guinéenne, a déclaré Human Rights Watch.

En octobre 2009, le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a confirmé que la situation en Guinée faisait l’objet d’un examen préliminaire – mesure qui peut éventuellement mener à l’ouverture d’une enquête. La CPI a observé de près la situation et a joué un rôle essentiel en persuadant le gouvernement de maintenir à son ordre du jour la nécessité de faire rendre des comptes pour le massacre de 2009 et en facilitant les progrès en se rendant régulièrement en visite en Guinée et en s’entretenant avec les médias locaux.

« Il est essentiel de traduire en justice de manière équitable tous les responsables des meurtres et des viols de 2009 afin d’assurer réparation pour les victimes et de signaler que de tels crimes ne seront pas tolérés en Guinée », a conclu Corinne Dufka.

Source: Human Rights Watch

Laisser un commentaire

Démarrer le chat
Actuguinee.org
Avez - vous une information à partager?
Besoin d'un renseignement?
Contacter Actuguinee.org sur WhatsApp