Histoire déchirante : à cause de son patronyme atypique et jugé ‘’non guinéen’’, il fait la maison centrale

« Boubane c’est mon propre nom de famille. Je suis Bassari. Je suis Guinéen… ». Elles sont nombreuses ces personnes issues des communautés minoritaires de la préfecture de Koundara avec des patronymes jugés ‘non guinéens’’ à se justifier de cette façon, pour prouver leur « Guinéîté ». Elles sont souvent victimes de rejet et de tracasserie administrative dans les services publics. C’est le cas de la communauté « Bassari », une minorité ethnique dont les noms de famille sont atypiques et peu connus. Ce sont entre autres : Bonang, Bianquich, Bindia, Bemoune, Bangonine, Bidiar, Boubane etc.

Dans certains services publics à Conakry et dans les zones urbaines, cette communauté ultra-minoritaire est discriminées et traitées d’étrangères. Devant les commissariats de police, dans les mairies pour avoir un document administratif, les Bassaris sont souvent assimilés à des Togolais, Camerounais, des burkinabé ou des Béninois

Edouard Kaly Boubane a été victime de cette dure et triste réalité dans un service public à Conakry. Parti dans un commissariat de police pour se faire une pièce d’identité, Boubane s’est vu discriminer et traiter d’étranger par des agents à cause de son patronyme qualifié ‘’pas guinéen’’. Mani militari, le jeune de la minorité Bassari a été embarqué dans un pick-up pour être déposé à la maison centrale de Conakry

A Cause de mon nom (de famille) j’ai fait la maison centrale

« A Cause de mon nom (de famille) j’ai fait la maison centrale. En 2012 quand j’ai fini l’université, je me suis dit de chercher une pièce d’identité au commissariat centrale de Dixinn à la Bellevue. Je viens pendant la récupération, un commissaire me dit : tu es Guinéen ? J’ai dit oui ! Qu’est-ce qui prouve que vous êtes Guinéen ? J’ai dit mon extrait de naissance. Je l’ai montré, il dit non, j’ai fabriqué cela. Il demande à un de ses agents de m’embarquer pour la maison centrale, que je suis togolais. Un autre dit est-ce que ce ne sont pas les burkinabés ou les camerounais qui viennent souvent chercher des pièces d’identité ici et puis qui créent des soucis à l’extérieur au nom de la Guinée ? J’ai dit non. Donc Mani militari, ils m’ont embarqué dans leur véhicule, ils m’ont déposé à la maison centrale », raconte-t-il

J’ai dit au régisseur de la maison centrale de me laisser rentrer, je suis seul, personne ne viendra ici me faire sortir. Il me dit : demande à ton ambassade…

Inquiet, Boubane se demande vers qui se tourner pour sortir de prison où il a été injustement embastillé  « Je me suis dit : je connais qui ici à Conakry pour me sortir de là ? Il fallait joindre qui à l’époque je ne connaissais pas quelqu’un. C’est ainsi j’ai appelé mon frère Dr Boubane à l’époque étudiant. Je lui ai dit que je suis à la maison centrale, s’il pouvait m’aider à travers ses connaissances. Il m’a dit qu’il va joindre commissaire Kassé qui a été commissaire général à Koundara. De 9h jusqu’à 17h, on a pas trouvé le numéro du commissaire Kassé (ancien directeur régional de la police ndlr). Il était 19h, j’ai dit au régisseur de la maison centrale de me laisser rentrer, je suis seul, personne ne viendra ici me faire sortir. Il me dit : demande à ton ambassade. J’ai dit qu’elle ambassade ? Moi je suis Guinéen, je suis Bassari. J’ai dit appelé le commissariat central de Koundara, ils peuvent vous montrer même ma famille. A partir de là, vous comprendrez que je suis purement guinéen. Il dit non, d’envoyer une pièce qui va justifier », explique le jeune Bassari originaire de Koundara

Par miracle dit-il, « à 21h commissaire Kassé a appelé en disant qu’il y a un jeune qui est détenu à la maison centrale du nom de Boubane, qui effectivement un Bassari qui est une petite communauté à Koundara. Ils sont des Guinéens, ils ont juste des noms bizarres. Donc c‘est à 22h qu’on m’a libéré pour rentrer chez moi », se rappelle Edouard Kaly Boubane

Cette triste histoire aussi surréaliste et étonnante qu’elle soit, pose le débat sur la nécessité impérieuse pour les agents des services publics, de maitriser l’ethnologie de la Guinée et le processus de peuplement des régions du pays

Mbella Diallo pour Actuguinee.org

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