Guinée : Alpha Condé et les chantiers de la reforme,Qu’en est-il ?

 

« J’ai hérité d’un pays et non d’un Etat » dixit, le Prof Alpha CONDE fraîchement élu en 2010. Cinq ans après, ce cri de cœur du leader charismatique devenu premier président démocratiquement élu d’un pays qui, à 58 ans d’indépendance, est plus que d’actualité.

En effet, en 58 ans d’indépendance, pourquoi parlons-nous de la reconstruction d’un Etat quand les pays voisins parlent d’émergence ? Pourquoi l’Etat s’est-il effondré en Guinée ? Quel est le champ d’action du Président Alpha CONDE pour reconstruire un Etat en cinq ans ? A-t-il les moyens ? Et dispose-t-il d’hommes ? Mais surtout, aura-t-il le courage d’affronter ces clans qui se sont formés ces vingt-cinq dernières années et qui se sont enrichis avec le bien public au détriment du peuple, formant des lobbys au sein des différentes communautés jusqu’au sommet de l’Etat obligeant ainsi toute nouvelle autorité politique à collaborer avec eux pour diverses raisons ?

Aussi, devant l’étendue du champ à labourer et des actions à entreprendre, quelles devraient être les priorités pour le Prof Alpha CONDE élu pour un deuxième quinquennat ?

Les causes de l’effondrement de l’Etat en Guinée, qui remontent à notre mode d’accession à l’indépendance en 58, les colons français se sentant humiliés par le NON du peuple de guinée, ont plié bagages et documents pour laisser place au PDG RDA. Devant cette situation, l’Etat se confondra au parti avec pour vocation première pendant 25 années, la protection de la révolution à tous les moyens. Avec le second régime, qui n’a pas puis faire l’autopsie du mal guinéen, s’est aussi caractérisé par des excellences venues de la diaspora qui regretta la situation des anciens dignitaires mettrons en place un mécanisme d’enrichissement de leur clan (fonctionnaires et privés).

Dans cette tribune, notre réflexion portera essentiellement sur les différents chantiers de la réforme nécessaire pour continuer à reconstruire l’Etat Guinéen.

Réforme structurelle de l’appareil Etatique :

« On ne peut plus fonctionner sur la verticalité du sachant ». Michel Maffesoli

  • l’Administration et les collectivités ;

L’Administration publique est au cœur des institutions étatiques. Composée d’agents publics recrutés avec un régime particulier, elle est au service des pouvoirs publics reconnus pour satisfaire les besoins des citoyens. Dans tous les pays avancés ou sur la voie de développement, elle impulse le développement par la compétence des cadres et des modèles de gestion publique comme la Gestion Axée sur les Résultats.

Si au cours du premier quinquennat, le Pr Alpha CONDE, a fait du progrès sur le plan macroéconomique, l’administration guinéenne reste mal en point. En effet, la faible définition d’une vision commune de développement pour le pays, acceptée et partagée par tous, fait que les départements ministériels ayant pour rôle la conception et l’orientation des politiques générales sont devenus des agences d’exécution des projets et programmes définis selon les compétences des ministres nommés.

Pire, les effectifs desdits ministères ainsi que les profils des agents ne sont pas en adéquation avec les missions. La verticalité des services rend lourde la procédure administrative, faisant de certains chefs de divisions et directeurs nationaux des supra cadres. Tout ceci est soutenu par l’anoblissement des cadres à leurs postes et leur enrichissement au fil des années avec un manque de plan de carrière faisant que certains cadres des services déconcentrés font plus de 15 ans dans une préfecture, facilitant ainsi leur socialisation dans le milieu, favorisant la corruption. Quant aux cadres de l’administration centrale, ils sont des milliers à ne pas connaître la Guinée après Mamou donc tout se planifie à l’image de la capitale.

Par ailleurs, les budgets de fonctionnement des ministères sont conçus, planifiés et exécutés à  Conakry créant des riches à chaque année budgétaire. C’est ainsi que la mafia administrative s’est installée en Guinée. L’effectif pléthorique des départements ministériels ainsi que le favoritisme des ministres dans la nomination des cadres aggrave cette situation.

Par ailleurs, la décentralisation est en panne en Guinée. La centralisation du pouvoir et l’inexistence d’une administration locale dans les communes urbaines et rurales soutiennent cette situation. Aussi, il faut pointer du doigt les élus de ces communes. Les partis politiques ne mettent pas en avant les compétences mais désignent les candidats sur des bases non saines ne permettant pas aux élus de mettre en œuvre des projets de développement en faveur des populations. Un autre constat amer est le fait que les tutelles des élus posent des problèmes dans la mise en œuvre de la décentralisation comme décrite dans la loi fondamentale actuelle. Pour rappel, le Ministre de l’Administration du territoire (2010-2014) disait au cours d’une de ses sorties que le modèle actuel de la décentralisation décrite dans nos textes ne peut pas être mis en œuvre.

Comme le dit cet adage « les mêmes causes produits les mêmes effets », celles décrites pour l’administration centrale sont identiques aux communes mais surtout aggravé par le fait que les subventions de l’Etat n’arrivent pas à destination des communes, obligeant celles-ci à gérer comme elles peuvent et veulent les recettes locales sans compte rendu aux citoyens.

Aujourd’hui, plus que jamais la RECONSTRUCTION de l’Etat Guinéen devra obligatoirement passé par la restauration de l’autorité de l’Etat à tous les niveaux. Cette restauration passera nécessairement tout d’abord par la visite de notre histoire des cinquante dernières années et son acceptation par le peuple à travers (1) le processus vérité- réconciliation ou vérité – Justice – Réconciliation afin que le peuple de guinée se réconcilie avec son histoire ; (2) la  continuation de la réforme judiciaire entamée qui nécessite un renouvellement des cadres judiciaires (magistrats et auxiliaires) par une nouvelle génération de jeunes à former ; (3)  la réforme des services de sécurité et de défense afin que les citoyens saisissent les services de police et de gendarmerie dans les conflits mais aussi permettre à ces deux entités importantes de protéger les personnes et leurs biens et de lutter contre la fraude et la corruption,  (4) lutter contre l’impunité surtout au niveau de l’administration publique, (5) lutter contre le favoritisme et le régionalisme dans la nomination des cadres et enfin (6) élaborer et mettre en  œuvre des programmes de développement répondant aux attentes du peuple.

  • les institutions de la république.

En référence à l’un des grands socialistes français Jean Jaurès « Toute grande réforme, toute grande œuvre suppose, en même temps que la fois dans l’individu, la transformation du milieu où il doit agir ».

De toute façon, le Président doit avoir le courage d’affronter la classe politique notamment l’opposition pour ouvrir des discussions franches et responsables sur l’avenir de la CENI et de son modèle. Une CENI politique n’est pas le modèle qui nous convient maintenant. Elle a montré ses limites notables à travers les différentes élections organisées. Ceci est dû au fait que les partis politiques au lieu de se faire représenter par des techniciens au sein de cette importante structure délèguent des personnes sur des bases fantaisistes. Aussi, la configuration actuelle fera toujours l’objet de revendication à chaque fois que la classe politique se recompose. Très prochainement le Bloc Libéral de Faya Millimono sorti victorieux de ces élections présidentielles comme  force politique va revendiquer une recomposition de la CENI en sa faveur et ce droit lui doit être accordé à cause de son score.

Réforme constitutionnelle :

La CONSTITUTON est la colonne vertébrale de la République et de la Démocratie. Outre le fait qu’elle définisse les différentes institutions composant l’Etat ainsi que leurs relations, elle dicte le mode  d’accession au pouvoir et sa perte.

Notre pays étant à l’apprentissage de la démocratie, a montré, à travers ces trois dernières élections (2010, 2013 et 2015) que les élections sont source de tension et si mal gérées constituent un facteur notable d’instabilité politique pouvant effriter la stabilité sociale.

A notre avis, à travers un processus franc et concerté, le chantier de révision de la constitution doit être inscrit à l’agenda politique du Président de la République pour ce deuxième quinquennat. Ceci doit se faire dès le début de ce second mandat avec une implication de tous les acteurs concernés pour que les concertations nationales devant valider les différentes révisions ne soient pas mal interprétées et deviennent source de tension même si les intentions sont bonnes. Pour nous, certaines questions doivent abordées à savoir : (i) la durée du mandat (cinq renouvelable une seule fois ou huit ans non renouvelable), (ii) l’âge minimum et maximum pour être candidat (iii) le niveau de décentralisation et des compétences à transférées (iiii) cas de force majeure entre deux tours des présidentielles (v) régularité à date précise des élections nationales et communales.

En fin, le Prof Alpha CONDE peut aborder n’importe quelles questions indispensables pour continuer la construction de l’Etat car au cours de ce premier quinquennat, ses réalisations à travers toute la guinée, suffisent pour justifier sa sincérité et ses bonnes intentions pour une NATION GUINÉENNE. C’est maintenant ou à jamais car sorti réconforter de ces élections, il est la personnalité guinéenne qui pourrait faire des réformes osées et indispensables sinon un autre Président de la république aurait du mal à le faire pour diverses raisons.

Mohamed Sanguiana  Camara 

Tel : 666 08 35 26 

 

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