EXCLUSIF: Les vrais dessous de l’affaire BSGR

Le différend entre la Guinée et la compagnie BSGR a connu un surprenant rebondissement avec l’arrestation aux Etats-Unis de Frédéric Cilins, un homme de l’ombre considéré comme incontournable dans le dispositif qui a permis à la compagnie israélienne de faire main basse sur les blocs 1 et 2 de la riche réserve de fer du Mont Simandou. En exclusivité, Mediaguinee, vous restitue l’essentiel du contenu du premier document qui a mis en lumière les activités de Cilins en Guinée.

En refusant de poursuivre aveuglément les projets de BSGR en Guinée, le président Alpha Condé a-t-il eu le nez creux ? Pour la manche actuelle qui se joue dans les dédales des palais de justice aux Etats-Unis, plusieurs réponses pourraient être fournies à cette interrogation.
Au départ, en 2004, il y a le Franco-israélien, Frédéric Cilins, un personnage discret qui, selon les témoignages recueillis par le Comité technique de revue des titres et conventions miniers (CTRTCM), a été chargé par le patron de BSGR, Benny Steinmetz, pour ne pas le nommer, de « décrocher la lune » en Guinée (1).
A cette époque, c’était avant la rétrocession qui a permis à BSGR de s’emparer de la moitié de la réserve du Simandou, Rio Tinto y régnait en maître absolu, fort de sa concession sur les 4 blocs que constituent l’ensemble de la réserve.
La compagnie BSGR, qui avait bénéficié de permis miniers à proximité du Simandou (Zogota), nourrissait le secret espoir de voir une partie de la riche réserve passer sous son contrôle. C’est en ce moment que Cilins apparaît, disposant d’une subtile carte blanche pour assouvir les ambitions de Steinmetz.
« BSGR a conclu un accord, par la suite formalisé dans un contrat de commission, avec un mandataire confidentiel, M. Frédéric Cilins, chargé de prendre des dispositions pour le compte de BSGR et de promouvoir les intérêts de cette dernière en République de Guinée », affirme la lettre du CTRTCM.
« La société a notamment indiqué à M. Cilins qu’elle « désirait la lune » en République de Guinée, ce qui après clarification signifiait une part substantielle dans le gisement de minerai de fer de Simandou », précise le document vu par Mediaguinee.
« M. Cilins devait intervenir en concertation avec BSGR mais ne pas se présenter comme représentant ou mandataire de celle-ci, et devait percevoir une somme substantielle en contrepartie de son travail et de ses frais, assortie d’une prime de réussite importante s’il parvenait à obtenir des droits dans le gisement de Simandou pour BSGR », ajoute le CTRTCM.
Pluie de cadeaux pour les contacts
Selon le document, Cilins aurait résidé « à temps partiel » à Conakry entre 2004 et 2009 où il a rencontré à plusieurs reprises « un ancien membre du gouvernement guinéen » qui lui aurait fourni des conseils sur l’approche à privilégier face aux autorités de l’époque. Cet entretien aurait permis à Cilins d’avoir une liste de personnalités ayant un pouvoir décisionnel qu’il fallait mettre au parfum et dont il fallait absolument s’assurer du soutien, moyennant quelques « cadeaux, distractions et… repas ».
Après avoir fait le tour de la question, Cilins se serait rendu à l’évidence : pour accomplir sa mission, il fallait établir un pont direct entre lui et la famille de l’ancien président Lansana Conté (décédé en décembre 2008).
Le document du CTRCM nous apprend que l’intermédiaire de BSGR va commencer par tenter de nouer une première relation particulière avec Mme Henriette Conté, la première épouse de Conté, qui aurait bénéficié d’un don de produits pharmaceutiques d’une valeur d’environ 10000 dollars USD destiné à sa fondation.

Par la suite, Cilins aurait noué une relation avec Ibrahima Sory Touré dit « IST », qui n’est autre que le grand frère de Mamadie Touré, présentée comme la quatrième épouse de Conté. Dans son sillage, Marc Struik et Asher Avidan de BSGR aurait joué « un rôle fondamental » dans le développement de la relation entre IST et BSGR. A son tour, IST leur aurait facilité l’accès à Mamadie Touré, affirme le CTRTCM.
Sur ce point précis, les enquêtes que nous avons menées nous laissent confus. Selon une source proche de la famille Touré, Mamadie Touré – qui entretiendrait des relations exécrables avec son frère – ne serait pas la protectrice de son grand frère dans cette affaire. La source parle plutôt de l’ancien vice-gouverneur de la Banque centrale (BCRG), Fodé Soumah, décédé il y a quelques mois et qui n’est donc pas en mesure de confirmer quoi que ce soit.
Selon le document du CTRTCM vu par Mediaguinee, ce n’est qu’en 2005 que BSGR a obtenu sa première audience avec Conté. Cilins était accompagné d’un certain M. Oron (dont le nom complet n’a pas été révélé). Selon les enquêteurs du CTRTCM, M. Oron aurait offert au président guinéen une montre sertie de diamants d’une valeur d’au moins 60000 dollars USD.
Conclusion du document : « BSGR a par la suite versé une somme substantielle à M. Cilins en rémunération de son travail, lui remboursant les frais qu’il aurait encourus et lui offrant une prime de réussite substantielle pour l’acquisition des droits sur les gisements de Simandou et de Zogota. BSGR a également proposé de nommer M. Cilins en qualité de responsable pays en République de Guinée. M. Cilins a refusé cette nomination et est retourné en France ».
Dénégations de BSGR
Toutes les allégations contenues dans la lettre du CTRTCM ont été rejetées avec vigueur par la compagnie israélienne qui dénonce une cabale orchestrée par des membres de l’entourage du président Alpha Condé, désirant retirer les droits de BSGR sur le Simandou et Zogota pour imposer une compagnie de leur choix.
« Les droits que nous avons obtenus à Simandou et Zogota ont été acquis dans une parfaite légalité. Mieux, nous avons rempli tous nos devoirs par rapport à ce que la loi impose aux détenteurs de permis miniers. L’étude de faisabilité a été déposé à temps par VBG et c’est le gouvernement qui a fait traîner l’octroi de notre concession minière sur le Simandou qui est un droit dès lors que nous avons franchi toutes ces étapes », affirme une source proche de BSGR.
Sur ce point précis, BSGR a signé en 2010 une joint venture avec le géant brésilien Vale (dénommée VBG). Vale qui a acquis 51% des droits de la compagnie israélienne dans le Simandou, moyennant un paiement promis de 2,5 milliards de dollars USD.
Selon les informations de Mediaguinee, seuls 500 millions de dollars USD ont effectivement été versés par Vale qui ne s’attendait certainement pas à s’embourber dans l’impitoyable marécage guinéen où les requins se croisent tous les jours avec les caïmans, chacun attendant la première occasion pour ne faire qu’une seule bouchée de l’autre.
Il y a quelques semaines, suite à la désillusion avec Rio Tinto, Nava Touré, l’ancien président du CTRTCM ( et actuel DG d’EDG) s’est personnellement rendu à Londres pour, selon nos sources, entamer une approche conciliante avec BSGR afin de trouver un terrain d’entente avec la compagnie pour que cette dernière reprenne ses activités en Guinée.
Vexée par son traitement en Guinée, BSGR a non seulement exigé des excuses publiques mais s’est attaqué de front à son ancien « conseiller » Lord Malloch Brown, président de FTI consulting LLP, l’accusant de faire le jeu du camp adverse notamment celui du milliardaire Georges Soros, ami personnel et conseiller d’Alpha Condé.

Dans ce « duel de milliardaires » pour reprendre l’expression d’un confrère qui nous suit de près, le pauvre Cilins s’est retrouvé au gnouf, comme un mouton tremblant sur l’autel du sacrifice.
Par Alima Camara
(1) L’expression n’est pas de Mediaguinee mais du CTRTCM, dans le tout premier document qui a mis le feu à la case Steinmetz.

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