Elhadj Cellou Dalein Diallo dresse le bilan de son gouvernement en décembre 2008 à Paris (Retro)

« Mon intervention portera sur « l’Impact de la mauvaise gouvernance sur le développement économique et la paix sociale dans les pays en développement, cas de la Guinée. » Nous nous proposons, dans cet exposé, de mettre en évidence à partir de l’exemple guinéen, les méfaits de la mauvaise gouvernance sur le processus de développement d’un pays en essayant de montrer le coût que l’économie Guinéenne a payé pour n’avoir pas encore saisi l’opportunité exceptionnelle offerte par l’initiative PPTE d’annuler la dette extérieure du pays.
  1. La crise des années 2000
A partir de 2000, sous l’effet conjugué de l’instabilité sous-régionale, du poids de la dette, d’une baisse drastique de l’aide extérieure et surtout de la mauvaise gouvernance, l’économie du pays est entrée dans une période de récession profonde. En raison d’une gestion budgétaire et monétaire hasardeuse, les déficits se creusent, les tensions inflationnistes reparaissent, les réserves de change s’épuisent et le pays a de plus en plus du mal à honorer ses engagements au titre de sa dette extérieure.
Pour faire face à ces difficultés, le gouvernement élabore un document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP), obtient son admission à l’initiative PPTE en Décembre 2000 et conclut avec le FMI un programme au titre de la Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et la Croissance (FRPC).
Malheureusement, en raison de la prolifération des marchés de gré à gré, en violation du code des marchés publics, du laxisme dans la gestion monétaire, de la persistance des dérapages budgétaires favorisés notamment par les exonérations abusives et les dépenses extra budgétaires, ce programme n’a jamais pu être mené à son terme.
En conséquence, le point d’achèvement de l’initiative PPTE n’est toujours pas atteint. Ce qui prive la Guinée d’obtenir l’annulation des 2/3 de sa dette extérieure soit l’équivalent de 2 milliards d’USD à raison de 1.2 milliards au titre de la dette multilatérale et 800 millions de la part des créanciers du Club de Paris. Une telle annulation aurait permis à la Guinée de ramener le service annuel de sa dette extérieure à moins de 60millions d’USD contre 185 millions actuellement. Mais, l’échec du programme conclu avec les institutions de Brettons Wood, au titre de la FRPC, a fait perdre à l’économie guinéenne d’autres opportunités,
En effet, en l’absence d’un programme performant, toutes les aides budgétaires qui devaient accompagner les efforts d’ajustement du gouvernement ont été suspendues ou annulées par les donateurs. Plus grave, la plupart des créanciers bilatéraux et multilatéraux ont été emmenés à suspendre les décaissements en faveur des projets et programmes en cours d’exécution parce que la Guinée n’était pas à jour dans le règlement des échéances de sa dette extérieure. Ainsi, beaucoup de projets vitaux identifiés et mis en œuvre dans le cadre de la lutte contre la pauvreté furent-ils suspendus ou arrêtés. En outre, à cause du déficit démocratique, d’autres bailleurs de fonds comme le FED ont suspendu ou réduit leur coopération financière.
Pour compenser ces pertes de ressources extérieures et les moins values de recettes fiscales entraînées par les exonérations abusives et les fraudes à tous les niveaux, la Banque Centrale et tout le système bancaire seront sollicités en permanence. L’endettement de l’Etat auprès du système bancaire qui n’était que de 174 milliards de GNF en 1999 va atteindre 771milliards en 2003 ; 1129milliards en 2005 et 1629 milliards en 2006. En conséquence, la masse monétaire explose, les réserves de change s’effondrent, les arriérés extérieurs s’accumulent, la crédibilité du pays s’effrite et sa capacité d’absorption s’amenuise pour tomber à moins de 70 millions d’USD par an en 2006 contre 339 millions au début des années 90. »
Sous l’effet conjugué de tous ces facteurs résultant de la détérioration de la qualité de la gouvernance, le taux de croissance décline pour n’être que de 1,2% en 2003, soit largement en dessous du taux d’accroissement de la population. L’inflation repart pour se hisser à 20,4% en 2004 ; à 28% en 2005 et 34% en 2006. C’est également la descente aux enfers pour le franc guinéen. S’il fallait 2000GNF pour 1$USD en 2003, il en faut 7000 en 2006. Ainsi, les prix des produits pétroliers et des denrées de première nécessité tels que le riz, le sucre, la farine flambent. Le pouvoir d’achat des salaires et des autres revenus fixes s’effrite. Le salaire moyen du fonctionnaire ne représente plus que l’équivalent de 1,5 sac de riz contre 6 sacs en 2003. La pauvreté s’étend et s’aggrave. La population qui vit en dessous du seuil de pauvreté, au lieu de diminuer conformément aux Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), s’accroît en passant de 40% en 1996 à 49% en 2004 et à 53% en 2006.
Cette accentuation de la pauvreté et de la misère et surtout l’absence de perspectives pour une jeunesse nombreuse et désœuvrée ont fini par créer des frustrations et susciter de fortes tensions sociales ponctuées de violentes grèves générales.
Cette crise, comme on le voit est loin d’être une fatalité. Elle est essentiellement le fait de la mauvaise gouvernance marquée notamment par le manque de rigueur et de transparence dans la gestion des affaires publiques ; la généralisation de la culture de l’impunité ; le non respect des règles et procédures établies ; la violation par l’Etat de ses propres engagements ; la faiblesse du système judiciaire, du leadership national et des capacités de l’administration à orienter, impulser et coordonner le développement.
Comme on l’a vu, il serait impossible d’évaluer le coût économique et social de la mauvaise gouvernance qui s’est instaurée en Guinée depuis le début des années 2000. Cette mauvaise gouvernance a certes empêché le pays d’atteindre le point d’achèvement de l’initiative PPTE, mais, en plus, elle a privé le pays de beaucoup d’autres opportunités de développement et l’expose à des risques de plusieurs natures y compris les risques de violence et d’instabilité politique. »
Paris le 14 Décembre 2008 Cellou Dalein DIALLO

Par Ben Daouda Touré 

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