Dr Ibrahima Kourouma, ministre de l’Enseignement Pré-Universitaire et de l’Alphabétisation à bâtons rompus
« Plus jamais, nous n’allons garder dans notre système quelqu’un qui ne travaille pas »
Au ministère de l’Enseignement Pré-Universitaire et de l’Alphabétisation, le maître des céans est au four et au moulin. Des tâches à accomplir sont nombreuses et complexes. Mais Dr Ibrahima Kourouma ne se laisse pas déborder. Tel un chef d’orchestre à la manœuvre, il veille sur tout, et le moindre détail ne lui échappe pas. A cheval sur ses rendez-vous où il alterne VRP et anonymes, ainsi que ses réunions, nous avons bousculé son agenda. Histoire de se mettre sous la dent une interview. Celle-ci obtenue au quart de tour, nous avons choisi de vous la servir sous forme de causerie à bâtons rompus.
D’abord de l’ambiance au cabinet…
Un climat plutôt bon enfant, fait de convivialité et de travail acharné. « Les réunions ici, c’est quasi quotidien. Et nous parlons de toutes les préoccupations du moment au département ». Dieu seul sait qu’il y en a. Allant de la poussée de fièvre du côté des enseignants contractuels à la vaste opération de redéploiement des enseignants en cours sur l’ensemble du territoire. En passant évidemment par bien d’autres actualités du secteur. Entre autres la construction et l’équipement des salles de classes, l’état d’avancement des programmes scolaires, les préparatifs des examens scolaires ou encore la mission qu’il a effectuée sur les cendres des écoles calcinées de Kankan, par la folie des élèves. Par ailleurs, le ministre n’a pas fait abstraction des efforts dans le cadre de l’alphabétisation. Faut-il le rappeler, son département a deux pieds : L’Enseignement formel et l’Enseignement informel. Toutefois, sans tomber dans l’autosatisfaction béate, Dr Kourouma a affiché le sentiment de satisfaction de constater que le premier quinquennat du Pr Alpha Condé a remis sur les rails l’école guinéenne alors que ses acteurs n’y croyaient presque plus. Et de promettre que ce second quinquennat ne dérogera pas à la ligne tracée, avec la promesse que tout sera mis en œuvre pour consolider les acquis.C’est dans ce sens qu’indiquant le chemin à suivre, le ministre a déclaré : « Si les cinq dernières années ont été consacrées à rapprocher l’école des communautés par la mise en place des infrastructures, les cinq prochaines seront dédiées au perfectionnement du système éducatif, grâce notamment à la mise à disposition du personnel enseignant et à sa qualification ».
Situation des infrastructures et du redéploiement des enseignants
Selon le ministre Kourouma, en cinq ans, le gouvernement Alpha Condé a réalisé plus de cinq milles classes là où d’autres ont fait 1200. « Déjà cette année, nous avons inauguré au niveau des préfectures de Dabola et de Dinguiraye, 88 écoles de trois classes, chacune. Pour la préfecture de Faranah, il n’y a pas longtemps, nous sommes allés poser la première pierre pour la construction de 53 écoles de trois classes. Egalement nous sommes très avancés sur la construction des 200 salles de classes qui sont prévues pour les 50 collèges. Cela ferait plus de 600 salles de classes. Avec le programme sectoriel de l’éducation, nous allons entamer la construction de nouvelles écoles au niveau des zones rurales où on a constaté des déficits évidents ou encore là où des salles de classe sont en banco. La réalisation des infrastructures constitue une véritable préoccupation du chef de l’Etat tout comme des partenaires de la Guinée à qui j’adresse ici mes vifs remerciements pour ce qui est déjà fait ».
Le ministre a toutefois précisé que s’ils ont créé de nouvelles infrastructures, le recrutement d’enseignants, lui, n’a pas suivi. A cause notamment des contraintes financières. « Les difficultés qui en découlent font que nous avons un problème de gestion du personnel. Par endroits sur le territoire, nous avons des villages qui ont des classes et des élèves, mais pour les doter, les habitants sont obligés de recourir à des enseignants communautaires qu’ils prennent en charge. Même si nous savons que ce phénomène regrettable n’est pas propre à la Guinée, il n’en demeure pas moins que l’Etat doit y remédier rapidement. Outre le fait que nous recrutons à la fonction publique et engageons des contractuels que nous prenons en charge, cette année nous avons entrepris une vaste opération de redéploiement du personnel enseignant », a expliqué le ministre qui a aussi fait le point de ce redéploiement. A l’en croire une semaine avant l’ouverture des classes, des missions ont été dépêchées sur l’ensemble du pays en vue de faire l’état du personnel enseignant.
« Il existe environs 3000 contractuels communautaires,parce que les centres-villes sont engorgés d’enseignants. Ce phénomène n’est pas propre à Conakry. Dans la préfecture de Kindia par exemple, nous avons détecté près de 250 enseignants excédentaires, pendant que Télimélé est confrontée à une crise aiguë d’enseignants au point que les parents d’élèves engagent à leurs propres frais des enseignants. A Kindia, on a rencontré des écoles primaires où un directeur d’école peut avoir deux adjoints. Bref, tout est fait pour justifier cette pléthore qui est pourtant injustifiable. Des cas similaires comme celui-ci existent dans tous les grands centres urbains. Dans un village où il y a 50 élèves pour deux enseignants. Cela veut dire qu’il y a un enseignant qui est là pour encadrer les enfants avec le système de multi gradation. Pendant ce temps, son second fait son petit commerce ».
Quant à Conakry,« le constat est ahurissant. Au niveau de la direction communale de l’éducation de Ratoma, au lieu de 20 personnes à la section pédagogique, il y en avait 54. Celle de Matoto en avait 60 pour un personnel de 126 agents à la direction. Pour des enseignants, on en a plus de 800 excédentaires qu’on va naturellement tous redéployer ». Et d’ajouter que« grâce à cette opération, à date, le nombre d’enseignants communautaires a baissé de 3 400 à 1200».
Au regard de ce qui précède, Dr Kourouma est catégorique : « Notre schéma de redéploiement, nous l’appliquerons à la lettre. Celui qui ne rejoint pas son poste, nous le déclarerons enseignant en situation d’abandon de poste et rendrons la liste au ministère de la Fonction Publique pour dire qu’ils ne relèvent pas de notre personnel. Celui qui a une maladie invalidante qui l’empêche de tenir normalement le cours, nous envoie son dossier médical que nous annotons avant de le transmettre à la Fonction publique pour qu’il quitte le fichier des enseignants. Plus jamais, nous n’allons garder dans notre système quelqu’un qui ne travaille pas ».
Etat d’avancement des programmes et préparatifs des examens de fin d’année
Dr Ibrahima Kourouma rassure que les programmes d’enseignement sont à un taux d’exécution qui est satisfaisant. « On est aujourd’hui à 51,72 pour cent pour les 15 semaines. A l’élémentaire, 48,76 pour cent. Au secondaire, nous sommes à 48,67 pour cent. Certes nous avons un léger retard dû à de petites perturbations, mais je rassure que nous allons tout mettre en œuvre pour que ce petit retard soit rapidement rattrapé d’ici à la fin de l’année ».
Quant aux examens scolaires, le ministre qui se réjouit des avancées dans ce sens déclare qu’à ce niveau le dispositif reste le même et le chronogramme exécuté correctement. « Nous avons fini complètement avec la liste des candidats à tous les niveaux, et nous sommes en train de faire des prises de photos numériques qui sont d’ailleurs très avancées, techniquement parlant. Les remontées des moyennes du premier trimestre sont aussi finies au niveau de toutes les écoles. Je pense que sur le plan de l’organisation des examens, nous avançons normalement sans aucune fausse note, avec l’espoir que ce rythme se poursuivra et qu’au bout, nous n’enregistrerons aucun couac dans l’organisation des examens sur tout le territoire national. Et comme on l’a réussi jusque-là, deux semaines après la dernière épreuve, les résultats seront publiés pour chaque examen ».
De la grève des contractuels et des lycées brûlés de Kankan
Le ministre Kourouma note que la brouille est terminée. Ces contractuels qui sont d’accord de passer le concours de recrutement à la Fonction publique auront néanmoins des sujets qui portent sur des notions d’enseignement de l’ENI pour l’élémentaire et de l’ISSEG pour le secondaire. Alors qu’au sujet des sinistres événements de Kankan, le ministre a indiqué que tous les élèves des lycées Samory Touré et Alpha Yaya Diallo ont été réinstallés et suivent correctement des cours. Mais a tout de même ajouté que des mesures administratives et judiciaires ont été prises. Le DPE suspendu, les deux proviseurs relevés de leur fonction et les auteurs des incendies arrêtés et mis à la disposition de la justice. Un jugement est même prévu dans cette affaire.
Enfin parlant de l’Alphabétisation, Dr Kouroumaa dévoilé qu’au plan pédagogique, les programmes sont conçus pour que le contenu de ce qui doit être enseigné soit élaboré. « Nous avons travaillé pour non seulement garder ce qui est déjà fait en appliquant la politique de faire faire mais aussi nous avons travaillé pour que dans les différents villages et à l’échelle du pays, nous puissions recruter des enseignants afin qu’eux-mêmes, à leur tour, puissent assurer la formation des populations.En plus de cette technique de faire faire, le département a travaillé pour qu’il y ait du faire. C’est-à-dire que les enseignants que nous avons dans les villages puissent prendre en charge la formation des analphabètes. Il y a eu le recrutement, la désignation de tout le personnel qui doit faire le travail. Au niveau du non formel, nous œuvrons pour que les choses aillent vite. Déjà, on a commencé à avoir des réunions avec des ONG pour définir avec elles ce qui doit être fait, y compris la formation des enseignants qui doivent évoluer dans les différents villages ».
Elhadj Koutoubou