Alors que les réactions étaient attendues du côté de l’opposition, c’est de la mouvance présidentielle, ou plutôt du RPG originel que les clameurs nous viennent. Non pour saluer et réaffirmer un quelconque attachement au leader, mais pour fustiger ses choix. Et si ce n’est pas une première, cette fronde spontanée qui a fait tache d’huile de Conakry à Siguiri met le doigt sur le grand mal qui mine les rangs des erpégistes pratiquement depuis la conquête de l’impérium par Alpha Condé.
On se souvient que pour arriver à ses fins, le président du RPG s’était appuyé sur un faisceau de partis pour fonder l’alliance arc-en-ciel. Si la stratégie a été payante, il n’en demeure pas moins que l’élu s’est enferré dans une logique qui risque de lui couter cher.
En lieu et place d’un gouvernement de technocrates qui lui aurait permis de faires de réelles avancées sur tous les plans, il a cru devoir nous servir un gouvernement de récompense. Ce qui, au vu des innombrables candidats posait déjà problème dans les choix à opérer. C’est ainsi que le gouvernement Mohamed Saïd Fofana 1er a vécu et c’est ainsi que celui de Mohamed Saïd Fofana II n’est visiblement pas le bien venu. Loin, très loin s’en faut !
De toute évidence, comme une lame de fond, le malaise ambiant semble s’approfondir sur toute l’échelle du parti présidentiel. Et semble donner raison aux militants de première heure, ces hommes et femmes dont rien n’a pu altérer l’attachement aux idéaux du parti. Et c’est bien le lieu et le moment de rappeler aux courtes mémoires certains hauts faits et qui ont marqué le combat du RPG ne serait-ce qu’au cours de la dernière décade.
Soulignons d’emblée que depuis le fameux meeting du stade de Coléah le 17 mai 1991, les militants et sympathisants du RPG garderont leur détermination à livrer la bataille politique.
Battus, molestés, humiliés jamais comme l’âne ne fut, ils ont été victimes de tous les abus de l’administration territoriale appuyée par les forces de l’ordre. De mémoire de journaliste, il est difficile de faire le bilan d’une lutte aussi monstrueuse, longue et ardue.
Au bas mot, on dénombrera 33 fusillés à bout portant, 1.715 blessés, 2.000 prisonniers y compris Alpha Condé lui-même. Qui pourrait aujourd’hui taire le mécontentement des militants et sympathisants de ces années de braise ?
Assurément personne. Il n’est que de noter ces grincements de dents qui se font ressentir dans les cafés et autres milieux fréquentés par les militants du parti au pouvoir pour s’en convaincre. Il n’est que de prendre le pouls des erpégistes invétérés de Conakry ou de l’intérieur qui se disent floués et rappellent à qui veut l’entendre que déjà 2015, c’est déjà hier. La formule vaut son pesant de rappel. En un mot comme en mille, ceux qui avaient vécu dans leur chair l’arbitraire et à la brutalité de l’administration Conté sont aujourd’hui taraudés par un doute compréhensible.
En retour, ils méritent tout au moins des gages de reconnaissance de la part du Pr. Alpha Condé, pour qui ils ont consenti d’ultimes sacrifices. Ces fidèles parmi les fidèles ne réclament pas de postes ministériels, mais plutôt le bénéfice d’une vie décente qui les éloignerait de la faim et de la misère. Et par les temps qui courent, ils ont le profil bas si d’ailleurs ils n’éprouvent pas de la honte vis-à-vis des autres, car ils ont fini par tomber au bas de l’échelle économique qui les portait auparavant. Qui plus est, ceux qui ont tout perdu en raison de leur engagement politique pour le RPG méritent-ils un soutien réparateur.
Malgré les troublants méfaits du régime de Conté, ils ont porté dans leurs fidèles mémoires d’incorruptibles militants, tout le parcours de leur leader. Comme ce 15 décembre 1998 quand le Pr. Alpha Condé fraichement arrêté à Piné est conduit à l’aérogare de Kissidougou. Ils n’oublient pas qu’au terme d’un procès sous haute pression et marqué les intimidations administratives et en l’absence des avocats constitués par l’accusé, remplacés par ceux commis d’office, Alpha Condé écope de cinq ans de réclusion criminelle.
Après deux ans de prison et une pression internationale sans commune mesure, Lansana Conté finit par faire libérer son encombrant prisonnier.
Fait remarquable, on aura noté que depuis ‘’l’affaire Alpha Condé’’, les arrestations d’opposants politiques ou de journalistes ont quasiment disparu des mœurs politiques. Quant aux protagonistes de cette monstrueuse affaire, c’est comme si une malédiction divine s’était abattue sur leurs têtes. En chaine, le ministre de la Sécurité, celui de la Justice, le procureur général et les conseillers qui ont siégé perdent leur poste.
Pour sa part, Alpha Condé a plutôt gardé un fascinant silence sur cet épisode marquant de sa carrière politique.
Toujours est-il qu’accueilli en triomphe le 3 juillet 2005 par ses milliers de militants, il a fait noter que malgré l’éloignement que le cours des évènements a imposé, il n’a cessé de songer au destin de son pays.
«Croyez-moi, je suis renforcé dans la conviction qui m’a toujours habité, à savoir qu’un jour ou l’autre, et sans doute plus proche, que certains peuvent le penser, la Guinée empruntera à son tour la voie tant espérée du changement ».Après cette prophétie, le leader du RPG assure son auditoire que « rien, absolument rien et pour peu que les Guinéens s’unissent autour de valeurs de fraternité, de solidarité, de liberté et de démocratie, ne peut nous empêcher de reconquérir la dignité que chacun d’entre nous porte en lui ».
En tout état de cause, on est loin du temps de ces prophéties et l’homme qui parle ainsi porte désormais sur ses épaules le destin du pays. Pour ne pas se laisser aveugler par cette grave responsabilité, Alpha Condé qui le savait hier mieux que quiconque doit se rappeler que les capacités de nuisance d’une opposition sont incommensurables.
Dire alors qu’elles proviennent de l’intérieur même du parti et sont le fait d’hommes, de jeunes et de femmes conscients du bien fondé de leurs réactions…
Sanou Kerfalla CISSE (in Le Diplomate)
Photo: l’auteur du texte avec le président Alpha Condé lors d’un meeting…
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