Dans la Ve République, exiger le départ du président est un acte lourd et donc peu fréquent.
Demander la démission du président de la République n’est pas anodin. Si des gilets jaunes font circuler des pétitions la réclamant et taguent le slogan sur l’Arc de Triomphe à Paris, les responsables politiques sont plus prudents. C’est François Ruffin (La France insoumise) qui est allé le plus loin sur ce terrain, dans son « allocution », selon le terme grandiloquent qu’il a lui-même employé, à proximité du palais de l’Elysée, le 2 novembre : » ‘Macron démission!’ : c’est le mot d’ordre entonné partout. Cette exigence de notre peuple, c’est mon mandat, c’est ma mission, je viens la relayer ici, devant l’Elysée. Que disent les Français que j’ai rencontrés ?
Que Monsieur Emmanuel Macron doit maintenant partir.
Qu’il doit partir en auto, en moto, à cheval, en trottinette, en hélicoptère, comme il veut, mais qu’il doit partir. » Si le député de la Somme fera ensuite mine d’atténuer son propos en assurant qu’il se contentait de rapporter des propos entendus, il se montre délibérément ambigu, assortissant chacun de ses tweets du hashtag #MacronDémission.
Il est en cela rejoint par Nicolas Dupont-Aignan. Ce 3 novembre, sur BFM TV et RMC, le président de Debout la France déclare que « jamais » il ne prônera la démission d’Emmanuel Macron, avant d’ajouter aussitôt : « S’il n’y a pas de changement politique majeur, cette démission pourra arriver (…), je pense que les jours du président sont comptés. »
Les partis dans leur ensemble se montrent très circonspects. Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise) dépose une motion de censure et souhaite une dissolution de l’Assemblée nationale, Laurent Wauquiez (Les Républicains) veut un référendum. La présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, opte également pour des élections législatives anticipées : « Je ne vois pas, au niveau où nous sommes de la gravité de cette crise politique, comment sortir par le haut, à part en retournant aux urnes, dit-elle le 2 décembre sur France 3. Je pense qu’il faut mettre en oeuvre la proportionnelle et qu’il faut dissoudre l’Assemblée nationale. »
Marine Le Pen avait réclamé le départ de Sarkozy et de Hollande, elle ne demande pas celui de Macron
Est-ce la gravité de la situation qui impose aux dirigeants une forme de réserve ? Car la même Marine Le Pen a déjà, dans le passé, exigé la démission d’un président. Elle l’a même fait pour les deux prédécesseurs d’Emmanuel Macron. En juillet 2010, en pleine affaire Bettencourt, elle lance sur LCI : « Oui, je pense que [Nicolas Sarkozy] doit partir parce que le lien de confiance est totalement rompu. » Elle récidive en octobre 2013, visant cette fois François Hollande. Interrogée par France 2 sur le sort du ministre de l’Intérieur de l’époque, Manuel Valls, deux jours après que le chef de l’Etat socialiste a proposé que Leonarda, la collégienne expulsée au Kosovo, puisse poursuivre sa scolarité en France, sa famille restant interdite de retour, elle répond : « Si des gens devaient démissionner, le premier qui devrait démissionner, ce n’est pas Manuel Valls, si vous voyez à qui je pense. » A qui ? « C’est évidemment le président de la République puisqu’il a humilié la France d’une telle manière qu’il n’a plus aucune autorité. »
Pendant le quinquennat de François Hollande, demander le départ du socialiste n’est pas l’apanage de l’extrême droite. Deux centristes se lancent même dans l’aventure. Après les élections européennes de mai 2014, le président du Nouveau centre, Hervé Morin, publie un communiqué pour réagir aux résultats : la défiance à l’égard du pouvoir « impose non seulement un changement de politique, mais un retour aux urnes par la dissolution de l’Assemblée nationale ou mieux encore par la démission de François Hollande. Il rendrait service à la France. » En octobre 2014, sur Radio J, c’est Jean-Christophe Lagarde, alors candidat à la tête de l’UDI, qui lance : « François Hollande est ligoté, paralysé, abandonné par ses propres amis. En quoi influe-t-il sur le réel, la vie réelle des Français ? Pratiquement plus en rien. Quand on est en échec et mat, il faut quitter l’échiquier, c’est le plus grand service qu’il pourrait rendre à la France. »
Un tabou qui a sauté
Longtemps, dans la Ve République, suggérer que la clé de voûte des institutions s’en aille a été un tabou absolu. Le 1er septembre 1982, un peu plus d’un an après la première alternance provoquée par l’accession de François Mitterrand à l’Elysée, Jacques Chirac s’avance sur ce terrain. En déplacement à Nouméa, celui qui est président du RPR et encore volontiers adepte des formules à l’emporte-pièce qu’il finira par abandonner, met en cause « la légitimité des gouvernants ». « L’évolution de la situation politique et économique en France fait que l’expérience socialiste ne durera pas deux ans. » La gauche dénonce aussitôt des propos « factieux ». Jacques Chirac expliquera par la suite qu’il voulait simplement calmer la colère en Nouvelle-Calédonie.
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Un seul président a démissionné depuis 1958: le général de Gaulle, à la suite de la victoire du Non au référendum portant sur une réforme du Sénat et un élargissement des compétences des régions, en avril 1969. Il avait préalablement annoncé qu’il quitterait le pouvoir s’il était désavoué dans les urnes.
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