Les éternelles sacrifiées dans l’éducation

Il est 6 heures le quart à Simanbossia, un quartier populaire  de la banlieue de Conakry, la capitale guinéenne. Le soleil ne s’est pas encore levé mais N’Camara réveille sa nièce Aïcha  CAMARA âgée de 12 ans. La jeune fille doit rapidement aller chercher de l’eau dans une cité située à 500m de la maison de ses parents. Elle doit en moyenne approvisionner la famille en 10 bidons de 50 litres. C’est sur la tête qu’elle transporte tous ces bidons d’eau. Après cette corvée, il faut qu’elle fasse le ménage avant de se laver pour l’école. « Parfois  j’arrive à l’école tellement fatiguée que je m’endors. Mon maître me frappe tout le temps parce je dors en classe » nous confie t elle le regard perdu dans le vide. Aïcha n’avait que 5 ans quand son père et sa mère, l’ont donné à N’Camara qui s’est engagée à lui donner une éducation de qualité. Aujourd’hui elle a l’impression d’être beaucoup plus une femme de ménage qu’un enfant.  À l’image d’Aïcha, de nombreuses jeunes filles font la queue à l’aube devant des puits, des bonnes fontaines ou des pompes modernes situées parfois à des distances très éloignées de leur lieu d’habitation. « Parfois, quand je sors tôt, et qu’il n’y a personne sur la route, j’ai très peur parce qu’il ne fait pas encore jour » explique Mariam BALDE, âgée de 15 ans et habitant le quartier Wanindara dans la commune de Ratoma.

Dans les marchés de la capitale, on rencontre de nombreuses filles, parfois certaines n’ont pas atteint 10 ans. Elles font le petit commerce en vendant des oranges, du piment, de la tomate et autres condiments nécessaires à la cuisine. Parmi elles, de nombreuses sont déscolarisées ou n’ont jamais été à l’école. Elles sont déscolarisés parce que la Guinée étant ce qu’elle, la pauvreté grandissante, les parents peinent à donner à manger aux enfants donc il faut mettre tout le monde au travail. La jeune fille est souvent la personne sacrifiée. Elle est vite retirée de l’école pour travailler et augmenter le revenu de la famille. « Maman est malade et mon papa ne travaille pas. Je dois vendre les œufs tous les jours pour donner à manger au moins à ma mère » affirme Elisa GUILAVOGUI, fille unique de ses parents.

Aux heures de pointe et dans les embouteillages les soirs et le matin, les jeunes filles faufilent entre les véhicules et proposent divers articles aux passagers. Le mois dernier, au carrefour de bambeto dans la commune de Ratoma, une jeune fille fut heurtée par un taxi alors qu’elle courait derrière une femme assise sur une moto dans la circulation. Cette dernière voulant acheter une carte de recharge que la jeune fille vendait. Cette situation est courante à Conakry. C’est le quotidien de nombreux enfants, surtout filles, qui n’ont pas de soutien, qui ne vont pas à l’école et qui doivent travailler pour survivre. « La place d’un enfant, c’est vraiment l’école » estime Fatoumata Yarie BANGOURA, ancien membre de l’ONG SABOU GUINEE, une organisation qui s’occupe des enfants en difficulté. Mais l’école n’est pas la priorité de certains parents. « Ils peinent à trouver de quoi remplir quantitativement et qualitativement leur ventre, comment vont-ils penser envoyer les enfants à l’école ? » se demande Marie Louise BILIVOGUI, présentatrice d’une émission radio sur les droits des enfants à Conakry.

Pourtant le gouvernement guinéen depuis quelques années s’est engagé à améliorer le taux de la scolarisation de la jeune. En 2012, ce taux était estimé à 74% alors que la moyenne nationale est de 81% d’après le rapport d’analyse des indicateurs de l’éducation. De plus en plus de filles sont mises à l’école mais le constat révèle aujourd’hui qu’elles ne finissent pas dans la majorité des cas les études. Pour  des raisons économiques, des raisons de mariage précoce ou encore en raison des pesanteurs socio culturelles, les filles sont retirées de l’école. Parfois, elles ne finissent même pas l’école primaire. Malgré donc le fait que le taux de scolarisation de la jeune ait connu une certaine amélioration ces dernières années, leur maintien  à l’école nécessite aujourd’hui une attention particulière des autorités guinéennes selon Mamadi Keita, citoyen de Matoto, une commune de Conakry.

La Guinée n’est pas le seul pays à être dans cette situation. En 2010 dans le monde, près  de 61 millions d’enfants ne vont pas à l’école  contre 107 millions en 1999. En 2012, l’UNESCO publiait sur le site du centre d’information des nations que le nombre d’enfant scolarisé dans le monde est en récul. D’après cette étude réalisée par l’Institut de statistique de l’UNESCO et le Rapport mondial de suivi sur l’éducation pour tous, un enfant sur quatre en âge de fréquenter l’école primaire (23%) n’a jamais été scolarisé ou a quitté l’école sans terminer le cursus primaire.

Les filles sont celles à qui on refuse souvent le droit à l’’éducation. Le futur de ces filles reste souvent limité, incertain parce qu’elles n’ont pas eu la chance de faire des études de qualité. « Je crois que l’éducation des filles est plus que d’actualité, on doit penser à de nouvelles politiques pour leur permettre d’étudier » propose un journaliste lors d’une conférence de presse sur la journée internationale de la fille à Conakry.

En effet, l’humanité a célèbré le 11 octobre 2013, la journée internationale de la fille. Cette année, les NATIONS UNIES invitent les différents gouvernements à innover en faveur de l’éducation des filles. A Conakry, le gouvernement et certains de ces partenaires publient officiellement le rapport mondial sur la situation de la jeune fille dans le monde, rapport intitulé : parce que je suis une fille. Le rapport de cette année indique la situation des filles dans les situations d’urgence. Et dans ces situations de crise, l’éducation des filles est souvent sacrifiée. Mais selon Julien YOMBOUNO, conseiller éducation à PLAN Guinée, aucune raison ne peut justifier la déscolarisation d’un enfant. « Il y a toujours une solution », poursuit-il confiant. De nombreux observateurs estiment en tout cas qu’il faut de meilleures politiques pour respecter le droit à l’éducation des enfants. Aujourd’hui plus que jamais, il est évident que l’objectif l’éducation pour tous ne peut pas être atteint en 2015.

Afiwa Mata pour www.actuconakry.net

E-mail : afiwamata@gmail.com

 

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