Le tribunal devra apprécier la légalité de l’acte d’interdiction des manifestations avant de condamner les manifestants (Kalil Camara ,juriste)

http://Actuguinee.org / Dans son communiqué en date du 28 juillet 2024, le procureur général près la Cour d’appel de Conakry, a rappelé l’acte du gouvernorat de la ville de Conakry interdisant toute manifestation de nature politique sur les voies publiques et a indiqué avoir mis des parquets en veille pour engager l’action publique contre des manifestants en cas de non-respect.

Il est constant en Guinée que suite à la décision des autorités administratives d’interdire de manière systématique et permanente les manifestations, plusieurs citoyens se font condamner pour délits de provocation directe ou de participation délictueuse à un attroupement.

Ces condamnations sont faites par les cours et tribunaux sur le fondement de l’acte d’interdiction des manifestations pris par les autorités, sans apprécier si l’acte est légal ou illégal.

Or l’article 4 du même code pénal qui prévoit les infractions à la manifestation dispose que « Les juridictions saisies en matière pénale ont compétence pour interpréter les actes administratifs, réglementaires ou individuels et pour en apprécier la légalité, lorsque la solution du procès qui leur est soumis dépend du sens ou de la légalité, suivant le cas, de l’acte concerné.»

Il résulte clairement de cette disposition que les cours et tribunaux saisis sur des infractions liées à l’interdiction des manifestations sont compétents pour se prononcer sur l’acte pris par les autorités administratives. Car la condamnation des manifestations ou la constitution de l’infraction dépend de l’acte d’interdiction.

Les dispositions de l’article 621 et suivants du code pénal évoqué par le procureur général près la Cour d’appel de Conakry est clair et précis: « L’autorité administrative responsable de l’ordre public peut interdire une réunion ou une manifestation publique, s’il existe une menace réelle de trouble à l’ordre public».

La manifestation est un droit fondamental consacrée par des textes internationaux et nationaux, permettant aux citoyens d’exprimer leurs opinions, pensées etc. Elle ne peut être interdite que par exception « s’il existe une menace réelle de trouble à l’ordre public ».

Les autorités ne peuvent l’interdire de manière systématique et permanente. Un tribunal saisi sur des infractions résultant de l’acte du gouvernorat de la ville de Conakry dont le parquet général se prévaut, devrait apprécier la légalité de l’acte. Il ne devrait pas se contenter à constater si les faits qui lui sont soumis constituent ou pas une infraction.

Par un arrêt rendu le 21 novembre 2017, la chambre criminelle de la Cour de cassation française « a considéré que saisie sur le fondement de l’article 710 du Code de procédure pénale d’un incident contentieux relatif à l’exécution, la justice pénale était compétente en vertu de l’article 111-5 du Code pénal, pour apprécier, par voie d’exception, la légalité d’un acte administratif.»

L’article 111-5 du code pénal français équivaut à l’article 4 du code pénal guinéen.

Kalil Camara Juriste Journaliste

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