La mendicité forcée, face cachée du travail des enfants en Afrique

 

Moins médiatisée et plus difficile à comptabiliser dans les rapports officiels, l’exploitation des enfants par leurs parents est un réel fléau en Afrique. La mendicité, dans les rues, au profit des adultes, comprend des risques importants pour l’hygiène et la santé des mineurs – parfois des nouveaux nés – et les éloigne toujours plus du chemin de l’école.

L’Afrique est le continent qui compte le plus d’enfants au travail dans le monde. 41% des enfants de moins de 15 ans y seraient économiquement actifs, selon les chiffres de l’Organisation internationale du travail (OIT). En moyenne, plus de 30% des enfants africains entre 10 et 14 ans sont des travailleurs agricoles. Si les plantations sont régulièrement dénoncées pour l’emploi de main d’œuvre mineure, dont certaines servent à l’approvisionnement de multinationales comme Nestlé, Mars, ou Hershey’s, récemment visées par trois plaintes collectives pour traite et travail forcé des enfants, nombreux sont les parents qui exploitent leurs enfants pour mendier dans les rues.

Au-delà des plantations, les enfants sont aussi victimes de l’exploitation de leurs parents

Impossible à comptabiliser dans les chiffres officiels, ils sont pourtant nombreux à arpenter les rues aux bras de leurs parents. Jeunes enfants et nourrissons ne sont pas exclus. La détresse économique des parents les pousse à exploiter leurs enfants, dont la vulnérabilité sert également à attendrir les passants. Ce système pervers a pour effet de familiariser les enfants avec le monde de la mendicité alors qu’ils devraient se trouver soit à la maison, soit sur les bancs de l’école, avec pour résultat la reproduction du modèle parental et la chute dans la mendicité permanente. La pauvreté des parents entraine adultes et enfants dans l’impasse. Aussi des mesures devraient être prises pour extraire les enfants de ce milieu et instituer un système de prestations directes en faveur des familles vulnérables, avec des programmes de sensibilisation et d’accompagnement. Sont en jeux l’accès à des soins de santé de base, l’entrée à l’école, l’aide alimentaire, l’assistance psychologique.

ONG contre la mendicité

En 2013 déjà, le Forum de participation des ONG réuni à Banjul, en Gambie, en marge de la 54ème session ordinaire de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP), dénonçait la mendicité comme nouvelle forme d’exploitation des enfants. Dans une déclaration commune, les ONG présentes se disaient « très préoccupées » par « la persistance et l’ampleur du phénomène de mendicité forcée des enfants qui prend des proportions de plus en plus inquiétantes à l’échelle nationale et régionale et qui est au cœur des violations flagrantes des droits de l’homme, au point de se muer en un véritable « drame social » qui met en péril la vie et le développement de plusieurs milliers d’enfants ». Le Sénégal a récemment haussé le ton en promettant amendes et peines d’emprisonnement allant jusqu’à cinq ans. « Nous avons un programme d’accompagnement de ces familles, de ces parents, de ces tuteurs pour la prise en charge des enfants, explique Niokhobaye Diouf, directeur des droits et de la protection de l’enfant. Mais dans l’urgence, le retrait des enfants constitue pour nous une priorité et une nécessité ».

L’UNICEF, la branche des Nations Unies pour l’enfance, a décidé de soutenir le gouvernement sénégalais en mettant en place un programme qui cible 10 000 enfants à Dakar où les enfants mendiants sont légions dans les rues. Mais il n’est pour l’heure pas prévu d’étendre ce programme, alors que toute la sous-région est concernée par le phénomène. En Côte d’Ivoire, les actions de terrain sont mises en place par la société civile. La Fondation Children of Africa a ouvert plusieurs centres pour recueillir les enfants des rues. Depuis quinze ans, l’ONG accueille les enfants démunis ou orphelins à la « Case des Enfants », une structure conçue pour permettre leur réinsertion sociale et leur accompagnement en milieu scolaire.

Un arsenal juridique existe pour faire cesser les pratiques déshumanisantes de mendicité forcée. Des outils qui restent pourtant inutilisés et ne mobilisent pas les partenaires internationaux de la Côte d’Ivoire. La société civile engagée dans la protection de l’enfance ne peut pas à elle seule assumer cette charge. Il serait temps de passer des paroles aux actes et de lancer une mobilisation massive pour éradiquer la mendicité forcée.

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