La Chine veut devenir le leader des smartphones en Afrique
Avec ses publicités mettant en scène un faux Mark Zuckerberg et un vrai Lionel Messi, WeChat fait le buzz en Afrique. Il s’agit d’une application pour téléphones portables 100 % chinoise. Un concurrent direct des Américains WhatsApp, Facebook, Twitter et PayPal. Un mélange des quatre, mais au final quelque chose de différent et de bien plus complet.
Gratuite, elle compte déjà 580 millions d’abonnés dans le monde dont 5 millions sont des Africains (le nombre d’utilisateurs de Facebook en Afrique est 12 millions). Un résultat plus qu’honorable pour une application encore peu connue en Occident et qui a fait ses classes sur les marchés émergents. Après l’Afrique du Sud en 2011, WeChat est présent au Kenya, en Angola et au Nigeria avec des services spécifiques. L’Afrique francophone est la prochaine sur la liste.
Le succès de WeChat en Afrique est aussi le fruit d’un mariage de raison avec le Sud-Africain Naspers. Ce géant des médias possède 34 % de Tencent, le numéro un chinois de l’Internet et maison mère de WeChat. Contrairement aux investissements industriels et miniers pour lesquels on reproche souvent aux entreprises chinoises de fermer la porte aux employés africains, Tencent a nommé le Sud-Africain Brett Loubser à la tête de son WeChat Africa. Sous sa direction, des équipes dédiées ont été déployées en Afrique et l’application fonctionne comme un deuxième écran permettant d’interagir avec les programmes de Naspers : les utilisateurs peuvent ainsi envoyer des messages diffusés en direct sur les plates-formes DStv, MultiChoice et SuperSport, et recevoir des informations spécifiques de WeChat.
L’impact de la diaspora chinoise en Afrique
Mais le point fort de cette application, c’est sa messagerie instantanée, gratuite, peu gourmande en mémoire et compatible avec tous les programmes OS du moment. Sur le modèle de ce qui se fait déjà en Chine, WeChat permet de payer des services et des achats de façon sécurisée, de regarder des vidéos et de téléphoner gratuitement. « Le continent africain n’a pas de système unifié de paiement, souligne Brett Loubser. WeChat doit donc permettre à tous les Africains d’être connectés sur une plate-forme commune de transactions. »
« Il y a un gros potentiel en Afrique, notamment via la diaspora chinoise, explique Alexis Bonhomme, directeur général du cabinet Curiosity China spécialisé dans les nouvelles technologies. Le micropaiement est l’un des domaines clefs pour le développement de WeChat sur le continent et dans les pays émergents. »
Reste un problème : WeChat n’a pas de serveur dédié pour le continent africain et tous les messages transitent donc par la Chine, un pays peu respectueux de la vie privée. Mais la polémique ne prend pas sur le continent. WeChat multiplie en effet les coups de marketing, sur le modèle de son succès considérable en Chine continentale. Dernier en date : le programme M4Jam qui, sur le continent africain, permet de mettre en relation des employeurs et des employés.
Tencent n’est pas la seule entreprise chinoise à lorgner le continent. Deux autres géants des télécoms sont en embuscade et proposent cette fois des smartphones polyvalents, de grande qualité et pas chers. De quoi faire la nique à l’iPhone dont le dernier modèle sort cette semaine.
Huwaei est la marque qui monte en Afrique. Le continent représente avec l’Europe et le Moyen-Orient déjà 35 % de ses revenus, et l’Afrique du Nord est en pointe avec 164 % de hausse des revenus en 2014. Du jamais vu, même en Chine, pour la marque de Shenzhen. « Notre objectif, explique Jerry Huang, le responsable de la communication, est de devenir le numéro un des smartphones en Afrique et de dépasser Samsung (la marque sud-coréenne est actuellement le leader sur le continent). »
L’entreprise chinoise pèse lourd : 170 000 employés et seize centres de recherche et développement. Huawei a dévoilé récemment un plan d’investissement d’1,5 milliard d’euros sur cinq ans en France. Un pays vu comme une porte vers le marché africain par les patrons du groupe.
Troisième marque à cibler le continent : Xiaomi
Surnommé l’« Apple chinois », Xiaomi – prononcer Chiao Mi – est passé en quelques années du statut de start-up à celui de géant industriel. Ses téléphones portables sont désormais les plus vendus en Chine et la marque se classe au troisième rang mondial, juste derrière Apple et Samsung. Elle est le symbole de la déferlante des produits chinois sur les marchés émergents. Le fabricant de téléphones portables est ainsi valorisé 45 milliards de dollars, soit davantage que l’Américain Uber ! Son patron est l’une des cinq premières fortunes de Chine et son succès est aussi discret que fulgurant.
Xiaomi assure avoir vendu 61 millions de smartphones en 2014. Une hausse de 227 % des ventes par rapport à 2013 ! Sur la période, son chiffre d’affaires a plus que doublé pour atteindre 12 milliards de dollars. Objectif : 100 millions de combinés vendus en 2015, en grande partie sur les marchés émergents. « Xiaomi représente une percée considérable du high-tech chinois sur les marchés internationaux et notamment les économies émergentes, explique Frédéric Raillard, le fondateur de l’agence de publicité française Fred & Farid installée à Shanghai. Elle révolutionne le modèle Internet. »
Xiaomi ce n’est pas seulement un combiné aussi puissant que l’iPhone, mais bien moins cher, c’est aussi un système efficace de télévision par Internet, de sites de ventes sur mobile, des jeux, des applications et des réseaux sociaux. « La recette de son succès est d’avoir su utiliser le meilleur de la technologie du mobile, le meilleur du marketing mobile et d’avoir le meilleur rapport qualité-prix du marché. En outre, la marque a su apparaître “branchée” dans un environnement très concurrentiel où les jeunes ont tendance à vouloir acquérir les derniers modèles à la mode », assure Frédéric Raillard.
Xiaomi vend ses appareils à prix coûtant et se rémunère sur la vente d’applications, de services et de jeux. Jusqu’en 2012, la marque ne visait que le marché intérieur chinois, mais depuis avril 2013, elle s’est étendue d’abord à l’Asie, avant de partir à l’assaut de la Russie, de la Turquie, du Brésil et du Mexique. Objectif 2016 : le continent africain.
Pour cela, le géant chinois va poursuivre la stratégie qui lui a tant réussi ailleurs en ouvrant des boutiques en ligne dans quatorze pays africains. Le groupe en est persuadé : l’avenir des télécoms se jouera en Afrique.
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