Dr. Ousmane Kaba : « La crise au RPG est plus un problème d’emploi que politique »

 

La situation économique et financière actuelle de la Guinée, l’état du budget 2016, le bras de fer entre gouvernement et syndicats autour de la réduction du prix du carburant à la pompe, les arriérés des universités privées, la crise au RPG Arc-en-ciel, sont, entre autres, sujets d’actualité ayant animé une interview à bâtons rompus que l’ancien ministre de l’Economie et des Finances et président de la Commission Economie, Finances et Plan de l’Assemblée nationale, Dr. Ousmane Kaba a accordée la semaine dernière à quelques organes dont Guinéenews. Lisez ! 

Guinéenews© : Le parlement a récemment voté la loi de finances 2016. Vous, en tant que président de la Commission Economie, Finances et Plan de cette institution, quel tableau pouvez-vous nous dresser sur la situation actuelle de l’économie guinéenne ?

Dr. Ousmane Kaba : Je commence par rappeler que nous sommes dans une situation économique et financière très difficile. Il est important de savoir avant tout que nous avons eu à discuter le budget 2016 en retard. Il a été étudié en janvier au lieu de le faire entre octobre et décembre. Cela était dû au fait que nous avons accusé du retard dans les négociations avec nos bailleurs de fonds notamment le FMI qui a un programme de reforme avec la Guinée. Il s’agit d’un budget équilibré autour de 15 mille milliards de francs guinéens dans lequel il n’y avait pas mal de problèmes. La première difficulté, c’est le fait que nous avons mal terminé l’année 2015. Il vous souviendra qu’en 2015, nous avions eu deux grands obstacles : d’une part, Ebola qui a fait fuir tous les investisseurs et qui a fait ralentir tous les projets anciens. Quant aux nouveaux, ils ont été reportés. Ensuite nous avons eu la baisse des cours des matières premières que nous exportons dans le monde. Donc ces deux éléments liés ont fait que nous avons eu une situation politique et économique extrêmement difficile. Nous avons terminé l’année avec une position nette du Trésor dans les livres de la Banque Centrale très négative. Près de 1800 milliards de rouge. Donc une année très difficile. Nous avons eu comme on le dit, menace sur l’équilibre macroéconomique. Ce qui signifie simplement que nous avions une menace d’inflation. Sur ce, nous avons négocié un programme avec le FMI et avons adopté un budget d’austérité.

Guinéenews© : Pourquoi un budget d’austérité ?

Dr. Ousmane Kaba : Tout simplement parce que les dépenses prévues cette année sont inférieures aux dépenses de l’année dernière de 745 milliards.  Cela est inhabituel dans un budget. Généralement dans un budget, on a une hausse des dépenses et des recettes d’une année sur l’autre. Mais cette fois-ci, nous avons des dépenses un peu moindres. Parce que nous avons estimé que nous voulons préserver les équilibres macroéconomiques et éviter l’inflation.  Il faut non seulement que l’Etat paie les 1800 milliards de l’année précédente mais que l’Etat soit excédentaire de 166 milliards de francs sur les livres de la BCRG. Donc, l’Etat doit se désendetter. Ça fait à peu près 2000 milliards de désendettement de l’Etat dans les livres de la Banque Centrale. Alors baisse des dépenses mais lesquelles ont été coupées dans les fonctionnements des institutions et des Ministères. Cependant, on est resté au même niveau d’investissement de près de 5000 milliards. Ce qui veut dire que le niveau d’investissement n’a pas baissé d’une année sur l’autre. Cette année, on va investir autant que l’année dernière.

Vous avez parlé de coupe dans le budget de fonctionnement des institutions… Pouvez-vous nous donner une idée de ce qui a été coupé chez les unes et les autres…?

Dr. Ousmane Kaba : Au niveau des institutions, il y a eu des baisses drastiques. Notamment la Présidence de la République a connu une baisse spectaculaire de près de 200 milliards. On est passé de 500 milliards à 300 milliards de francs comme budget de la Présidence en tant qu’institution. L’armée aussi a connu ne coupe importante. De 1700 milliards, on est passé à 1400 de nos francs. Tous les Ministères ont pratiquement connu la cure d’amaigrissement. Sauf au niveau du volume total des investissements. Donc un budget très difficile pour 2016. D’où vient maintenant le problème ? Comme je l’ai dit tantôt, l’année passée,  l’Etat a surinvesti et de ce fait, ses caisses sont au rouge puis qu’il a été dit qu’on ne dépensera pas sauf ce qui va rentrer. Puisqu’il y avait ralentissement économique, c’est-à-dire que les recettes de douanes et d’impôts prennent du temps pour se mettre en place, l’Etat est donc obligé de ralentir encore les dépenses budgétaires en 2016. C’est là que ça pose problème d’un point de vue social. Puisque chaque ligne du budget qui n’est pas payée,  est une tension sociale qui se dresse. Donc, si on ne paie pas les enseignants, c’est un problème. Idem pour les étudiants et l’armée. Mais pour 2016, l’Etat a fait un effort puisqu’il a revalorisé le niveau des salaires. Il a concédé une hausse de 40 pour cent de salaires indiciaires malgré la baisse général des dépenses. On a des difficultés parce que l’Etat est au rouge à la BCRG et c’est une position que nous regardons de très près pour ne pas créer de l’inflation.

Ces difficultés d’ordre budgétaire sont-elles suffisantes, à votre avis, pour justifier la réticence du gouvernement à baisser actuellement le prix du carburant à la pompe alors que le coût du baril continue son plongeon sur le marché international ?

Dr. Ousmane Kaba : Tout à fait. Comme on le sait, le prix du pétrole comprend deux grandes parties. Il y a le prix international du carburant et les différentes taxes qui  s’y greffent comme dans tous les autres pays. Bien sûr les prix ont baissé et de ce point de vue, les revendications des syndicats pour une baisse du prix du carburant à la pompe, sont légitimes. Ceci dit, le gouvernement ayant fait des efforts, d’une part, sur le problème des salaires et sur le niveau des investissements, d’autre part. Le gouvernement dit : si nous baissons maintenant le prix du carburant à la pompe, ça va venir directement en déduction des recettes budgétaires. Vu la réticence compréhensible des ministres des Finances et du Budget pour accepter une baisse des prix à la pompe parce que ça va diminuer directement les recettes de l’Etat. Je n’ai pas participé à la discussion donc, je n’ai pas vu la structure des prix en détail mais je sais que les difficultés viennent de là. Mais comme les discussions sont en train de continuer sur ce sujet, je pense qu’on va laisser aux négociateurs le soin d’arriver à une solution.

Est-ce que ces négociations ont leur sens aujourd’hui lorsqu’on sait que dans les protocoles d’accords signés entre le gouvernement et les syndicats, il est prévu l’application du principe de la flexibilité ?

Dr. Ousmane Kaba : C’est en cela que j’ai tantôt dit que les revendications des syndicats sont légitimes. Le principe de la   flexibilité…  Je crois que le gouvernement a donné deux arguments. Le premier, consiste à dire que ça va diminuer nos recettes dans un moment difficile où on n’a pas encore les autres recettes même si elles doivent venir. Deuxièmement, le gouvernement a fait déjà un effort sur les salaires payés aux employés de la fonction publique. Surtout troisièmement, le niveau des prix actuels en Guinée, reste inférieur à celui des autres pays limitrophes. Voilà les arguments qui sont développés par le gouvernement et qui sont tout aussi légitimes.

Ce qui est paradoxal aux yeux de beaucoup de Guinéens aujourd’hui, c’est le fait que le prix du carburant à la pompe en Sierra Leone et au Liberia, qui ont été tous frappés au même titre que la Guinée par l’épidémie d’Ebola, est moins cher qu’en Guinée ?

Dr. Ousmane Kaba : Pour une fois, je précise que je n’ai pas participé aux discussions. Donc, je n’ai pas les chiffres devant moi. Ce qui fait que je suis maintenant dans l’incapacité de donner une réponse définitive par rapport à ce point précis.

Est-ce que vous ne pensez pas que c’est une aberration de comparer le prix appliqué en Guinée à celui des pays comme le Mali ou le Burkina qui sont pourtant des pays continentaux ?

Dr. Ousmane Kaba : Pas du tout. Comme on le sait, nous avons des frontières communes avec le Mali par exemple. Toute la zone de Siguiri, lorsqu’il y a des écarts importants de prix  et que ces prix au Mali sont de loin, supérieurs aux prix en Guinée, les gens exportent du carburant de la région de Siguiri et Kankan vers le Mali. C’est donc fait pour aussi éviter une telle contrebande. Nous avons aussi la frontière avec la Côte d’Ivoire, le Sénégal… Donc on est obligé de comparer avec les pays limitrophes y compris aussi la Sierra Leone et le Liberia. C’est cette logique qui est derrière tout cela. C’est la peur de la réexportation de nos produits pétroliers lorsqu’ils sont moins chers en Guinée.

Est-ce que cette réticence de l’Etat que vous qualifiez de compréhensible ne s’explique pas aussi, selon vous, par le fait que la Guinée soit actuellement sous programme avec les institutions de Bretton Woods ?

Dr. Ousmane Kaba : Nous sommes dans le cadre d’un programme global que nous négocions avec les institutions de Bretton Woods. Il comprend tous les aspects de la vie économique. Donc, ces institutions de Bretton Woods regardent aussi bien du côté recettes que du côté dépenses. Côté recettes, nous nous entendons sur un chiffre donné. Et lorsqu’il y a des changements par rapport à ce chiffre de recettes, évidemment ça pose problème et demande beaucoup d’explications entre des partenaires qui, par ailleurs, nous rapportent assez d’argent pour boucler le budget. Nous avons beaucoup d’appuis budgétaires qui proviendront essentiellement cette année du FMI, de la BAD, de la Banque Mondiale, de l’Union Européenne et du fonds d’Abu Dhabi.

Mais selon certaines personnes, le pouvoir est en train de faire payer à la population les conséquences de sa mauvaise gestion ?

Dr. Ousmane Kaba : Chacun est responsable de ce qu’il pense et de ce qu’il déclare. Mais il faut reconnaître que l’Etat fait de son mieux. N’oublions pas que la Guinée est un pays très pauvre. Il est vrai que ça pèse sur la population mais on demande au même Etat de faire des routes avec des bitumes partout, d’assurer la desserte en électricité… Mais où l’Etat va prendre tout cet argent ?  Lorsqu’il y  a des routes ou de  l’électricité, ça bénéficie au même peuple aussi. C’est pourquoi, il faut cerner le problème dans sa globalité.

Et si l’Etat aussi réduisait considérablement son train de vie ?

Dr. Ousmane Kaba : Mais c’est ce que j’ai dit plutôt. Parce que les gens ne regardent pas le problème dans sa complexité. On regarde qu’on paie des impôts en payant le carburant, c’est vrai. Mais de l’autre côté, on bénéficie des routes, de l’éclairage public. Toutes ces infrastructures doivent aussi être financées par l’Etat. Ce sont des taxes et  les impôts qui sont payés par les citoyens qui permettent à l’Etat de faire des infrastructures. C’est pourquoi, chacun doit faire un effort pour cerner le problème dans sa globalité.

Cette année, il y a une hausse des taxes, on interdit l’importation des véhicules de plus de 8 ans, il y a la mise en place des compteurs prépayés. Au même moment, le gouvernement ne veut entendre parler de baisse du prix du carburant. N’est-ce pas un cocktail explosif social à l’horizon ?

 Dr. Ousmane Kaba : Ecoutez, les compteurs prépayés, je suis d’accord avec parce qu’on ne consomme pas d’électricité sans payer. Là où je ne suis pas d’accord, moi je suis économiste et il ne faut pas être irresponsable… il y a par exemple beaucoup de personnes qui ne paient pas l’électricité alors qu’ils consomment. Il faut que les Guinéens acceptent de payer l’électricité dont la production coûte chère. La seule chose pour laquelle il faut veiller, c’est de faire en sorte que le tarif soit proportionnel aux revenus des Guinéens. Mais sur le principe de payer l’électricité, je pense qu’il faut être raisonnable.

Guinéenews© : Les universités privées envisagent d’aller en grève ce lundi 15 février pour amener l’Etat à payer ce qu’il leur doit. Et vous en tant que fondateur de la première universitaire du pays et président de l’association de ces fondateurs, certains vous accusent d’être de ceux qui tirent dans l’ombre la ficelle dans ce bras de fer qui vous oppose au gouvernement. Qu’en dites-vous ?

Dr. Ousmane Kaba : Dans cette histoire, je pense qu’il faut être absolument clair. L’Etat envoie des étudiants dans les universités privées qui ne lui ont d’ailleurs jamais demandé  une subvention. Ce sont les frais de scolarité des étudiants que l’Etat envoie dans ces universités qu’il doit payer. C’est tout à fait normal. Je rappelle que les tarifs des universités en Guinée font parties des plus bas en Afrique de l’ouest. Le tarif moyen est de 4 à 5 millions de francs en Guinée quand il est de 12 millions au Mali tout près. Donc, je ne vois pas pourquoi l’Etat tout comme n’importe quel parent d’étudiant ne paierait pas les frais de scolarité des étudiants qu’il envoie. Ce qui s’est passé, c’est que depuis l’année dernière, les universités privées n’ont pas été payées. Déjà elles ont commencé l’année très difficilement et la nouvelle année a commencé sans qu’elles ne reçoivent aussi quoi que ce soit. Comment est-ce qu’elles vont alors pouvoir payer les travailleurs, le corps professoral, les tables-bancs, les locaux, l’électricité, les ordinateurs… En réalité, il ne s’agit pas de grève mais c’est plutôt une suspension des cours qui, à mon avis, a été dictée par le comportement de l’Etat. Ce ne se sont pas les universités qui l’ont décidée, elles sont plutôt obligées. L’argent est une contrainte pour faire marcher ses institutions comme toute autre institution. Je pense que l’Etat aussi doit être cohérent. S’il n’est pas prêt à financer les frais de décollage des étudiants, il suffit de ne plus envoyer d’étudiants. C’est aussi simple.

Vous vous êtes retrouvés récemment entre vous fondateurs d’universités privées. Dites-nous ce qui a été décidé  à la faveur de réunion ?

Dr. Ousmane Kaba : C’était un échange d’informations, il s’agissait de faire simplement le constat. Les universités privées devaient suspendre les cours le 31 du mois passé mais par souci du dialogue avec le nouveau gouvernement, le bureau de l’association des universités privées a fait reculer cette suspension de deux semaines. C’est-à-dire jusqu’au 15 février. On attend de voir ce que l’Etat va faire dans la régularisation de ces arriérés. Je n’ai pas envie de rentrer dans des discussions de chiffre. Il faut simplement savoir que l’Etat a accumulé trop d’arriérés vis-à-vis de ces universités qui n’ont plus le moyen de payer leur personnel. Nous espérons que le dialogue qui est engagé, pourra être fructueux pour éviter à tout le monde cette interruption qui n’est à l’avantage de personne. C’est parce que les fondateurs d’universités sont obligés… Sinon personne ne souhaite suspendre les cours.

Cette année, l’Etat privilégie plutôt le paiement des dettes que de s’engager dans de nouveaux investissements. Est-ce qu’une telle option ne risque pas d’impacter négativement la croissance économique ?

Dr. Ousmane Kaba : Je rappelle qu’on envisage pour 2016, une croissance économique de 4 pour cent d’après tous les experts. Cette prévision est basée sur la reprise du secteur agricole qui est le grand secteur porteur  de croissance en Guinée. Il y a aussi la reprise du secteur minier. C’est qu’on espère créer le retour des investisseurs dans ce secteur minier, effrayés qu’ils étaient par Ebola. Heureusement qu’Ebola est désormais derrière nous. Tout ceci mis bout à bout, ça va donner une croissance de 4 pour cent. Ceci dit, le niveau des investissements, il faut le préciser encore, ne va pas baisser dramatiquement. On est toujours aux alentours de 5 mille milliards de francs aussi bien l’année dernière que cette année. Donc, il n’y a aucune raison que cette croissance autour de 4 pour cent qui n’est du tout énorme, soit atteinte. C’est la tendance naturelle en Guinée qu’on appelle encore le taux de croissance tendancielle. Il n’a pas été projeté 10 pour cent de croissance pour dire que c’est exagéré. Avec 4 pour cent de prévision, je pense que c’est une croissance normale que l’économie guinéenne est capable d’atteindre en 2016.

Aujourd’hui, votre parti, le RPG Arc-en-ciel est confronté à une fronde de sa jeunesse. Quelle lecture faites-vous d’une telle crise d’ailleurs sans précédent au RPG ?

Dr. Ousmane Kaba : Ma lecture par rapport à cette question est toute simple. Le problème qui se pose au RPG Arc-en-ciel, ce n’est pas tout à fait un problème politique. C’est un problème d’emploi. Parce que nous avons beaucoup de jeunes qui ne sont pas satisfaits parce qu’ils n’ont pas trouvé d’emploi. C’est ce qui est à la base de cette fronde. Mais en réalité il s’agit d’un défi pour l’ensemble de l’économie guinéenne. Il nous faut créer des millions d’emplois pour tous nos jeunes. Malheureusement, le problème d’emploi est très souvent mal posé en Guinée. Parce que les gens assimilent le problème d’emploi à un problème de formation. Tout simplement parce que les gens sont mal formés. Ce qui n’est pas correct. Parce que la formation ne fait partie que de la demande d’emploi. L’offre d’emploi est faite par les entreprises privées. Encore une fois, il faut que la Guinée encourage les entreprises privées. C’est la seule solution pour créer de l’emploi. Pourquoi ? Parce que d’abord, l’Etat a fini d’embaucher ses 120 mille emplois. Donc au total, tout le secteur public confondu ne dépasse pas les 150 mille emplois. Deuxièmement, on parle du secteur minier mais les gens oublient que l’ensemble du secteur minier est seulement à 52 mille emplois. Même si une ou deux nouvelles entreprises viennent s’installer et créent 3 ou 4 mille emplois, ce n’est pas beaucoup pour la taille d’une économie. Il faut donc que l’économie guinéenne puisse croître et créer des emplois. Il faut favoriser l’émergence d’un secteur privé national. Il faut créer par milliers, des PME qui utilisent 5 à 10 personnes. C’est ce qui crée l’emploi. En Côte d’Ivoire, la croissance de 10 pour cent actuellement est basée sur le secteur agroindustriel. C’est-à-dire des usines de transformation de la production agricole. C’est pourquoi nous avons insisté que la Guinée fasse des barrages à l’intérieur du pays. Un en Haute Guinée, celui de Kôgbèdou  et un autre en Guinée Forestière, celui de N’Zébéla. Au lieu de cela, le gouvernement est actuellement engagé dans un gros barrage qui coûte 1,5 milliards de dollars pour pouvoir exporter de l’électricité en Gambie, au Sénégal… Mais nous, nous sommes des députés, légitimes représentants du peuple guinéen et non du peuple de Gambie ou du Sénégal. Nous estimons à l’Assemblée nationale et nous avons écrit dans nos recommandations qu’il est mieux pour l’Etat guinéen de se tourner vers ces deux petits barrages à l’intérieur du pays qui vont permettre d’envoyer l’électricité sur 60 pour cent du territoire national. C’est cela qui va permettre l’implantation des usines de transformation agricole dans ces zones agricoles. Et c’est qui pourra créer des milliers d’emplois dans l’agriculture et autant dans des usines. Voilà comment on tire la croissance dans un pays et c’est de la même manière on crée des emplois pour les jeunes. Il faut utiliser les PME guinéennes ici à l’intérieur de la Guinée. C’est la raison pour laquelle nous avons recommandé à l’Etat de payer les arriérés intérieurs vis-à-vis du secteur privé guinéen. Comme ces centaines d’entreprises qui sont impliquées dans des travaux des fêtes tournantes de l’indépendance à l’intérieur du pays qui méritent d’être repayées. Si l’Etat accumule des arriérés vis-à-vis de ces entreprises, au moment de les payer, ça trouvera qu’elles n’existent plus. Et pendant ce temps, des centaines d’emplois ont été déjà sacrifiés. Donc le défi pour notre économie, c’est de créer ces milliers d’emplois et la seule réponse qui puisse se faire, c’est d’encourager encore une fois le secteur privé guinéen. Car, il est la source des emplois comme partout ailleurs. Voilà un point important que je voulais souligner avec force. Nous sommes condamnés à le faire si nous voulons résoudre le problème d’emploi. Si ce n’est pas le cas, les mêmes crises vont se  répéter. Aujourd’hui, c’est à l’intérieur du RPG, demain, elle va contaminer toute la jeunesse guinéenne.

Vous estimez que cette fronde s’explique d’emblée sinon en partie par un manque d’emploi. Cependant ces jeunes frondeurs du RPG, dans leur mémorandum, soulignent avec force d’autres revendications qui sont d’ordre politique. Ils dénoncent des nominations de certains ministres au gouvernement, réclament l’organisation du congrès national du parti et bien d’autres choses qui ne sont pratiquement pas liées à l’emploi ?

Dr. Ousmane Kaba : C’est vous qui le dites ainsi. Parce que ces jeunes qui avaient fermé le siège du RPG… lorsque nous sommes allés leur demander, ils nous ont dit qu’ils vont chercher des emplois et ils n’en trouvent pas. Je ne nie pas qu’il y ait des problèmes politiques qui s’y greffent. Mais le fond de la crise, c’est le problème d’emploi, à mon humble avis. Ceci dit, il y a toujours eu des problèmes politiques d’insatisfaction… Beaucoup de gens reprochent que ce sont ceux qui ont le plus lutté contre le RPG qui ont les meilleures places. C’est aussi quelque chose qui se dit beaucoup dans ce milieu là. Mais en réalité, le problème n’est pas que les gens du RPG ne veulent pas voir les autres. Mais ce sont des personnes spécifiques qui ont un passé très lourd vis-à-vis du parti, qui se trouvent dans des positions ministérielles. Je pense qu’il y a lieu de ne pas mélanger les choses et ça c’est insupportable pour les militants de n’importe quel parti.

Comment réagissez-vous aujourd’hui  à l’assassinat de notre confrère, Elhadj Mohamed Diallo qui a été froidement abattu d’une  balle dans le corps au siège de l’UFDG alors qu’il exerçait sa mission de journaliste le 5 février dernier ?

Dr. Ousmane Kaba : Je pense qu’il y a deux problèmes distincts. Il y a le problème de mésentente entre deux groupes rivaux  à l’intérieur de l’UFDG qui est un parti opposé à nous… Mais il y a le problème de l’assassinat du journaliste, donc celui de la violence politique, de la sécurité… On le sait les journalistes dès qu’on commence à les assassiner, il y a de quoi s’inquiéter pour la démocratie. Cela n’est pas seulement une affaire de gouvernement puisque la preuve, c’est cette tragédie n’est pas du tout du côté du gouvernement. C’est une question d’intolérance dans notre société et dans nos organisations politiques. Il est très important qu’en Guinée on privilégie le dialogue  et que l’on s’éloigne de la violence politique. Parce que chacun sait où ça peut commencer mais personne ne sait où ça prendra fin. De ce point de vue, je déplore fortement cet assassinat et pense que nous devons tous le prendre au sérieux pour situer les responsabilités et essayer de pénaliser ses auteurs et commanditaires. Cela est extrêmement important. Que ce soit le journaliste ou une autre personne, c’est tout aussi important d’assurer la sécurité. Mais dans un régime qui est en période d’apprentissage, l’assassinat d’un journaliste, c’est ce qu’il faut éviter. Parce que cela va bâillonner et la presse et la liberté de tout le monde.

Votre dernier mot ?

Dr. Ousmane Kaba : Je pense simplement que les Guinéens doivent se donner la main. Les vrais problèmes de la Guinée comme de beaucoup d’autres pays, c’est le problème économique. Il faudrait qu’il y ait un dialogue économique et que l’on sorte des politiques économiques qui font consensus et qui vont permettre rapidement à ce pays d’entamer une forte croissance économique. Donc tirer la Guinée de la pauvreté et créer des milliers d’emplois aux jeunes. Voilà les véritables défis. Tout le reste, ce sont des discours politiques qui n’apportent pas grand-chose.  

Entretien coréalisé par Camara Moro Amara pour Guinéenews et Mamadou Ciré Savané pour Mediaguinee.com

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