L’épilogue des élections législatives commence à épouser les contours d’une tragi-comédie. Toujours plus inspirés les uns que les autres dans les coups fourrés et autres entourloupes, ceux qui ont la prétention de gérer notre cité se fourvoient dans leurs petits calculs au grand dam des électeurs qui devront attendre encore longtemps pour voir leurs rêves se réaliser.
A l’occasion d’un déjeuner, un ami pince-sans-rire nous a relaté une anecdote cocasse résumant bien l’état d’esprit des nos « honorables » députés quand ils veulent conserver leur dose d’humour noir et justifier leurs coups bas.
Une personnalité, en réalité plus bavarde qu’honorable, leader de son parti, lui a dit en rigolant qu’en présence de son second sur la liste du parti, il ne prend jamais le risque de boire dans son verre laissé sur place si jamais il arrive à se déplacer pour une raison quelconque. Le motif d’un tel comportement étrange ? Il ne voudrait pas se faire… empoisonner ! A sa décharge, son second, porté par le même humour caustique, affirmait sourire en coin qu’il a fait secrètement des prières nocturnes pour provoquer un crash aérien au moment où son leader était dans les airs entre l’Afrique et un autre continent !
Ainsi va la Guinée, le pays où l’on peut se réveiller moustique et finir milliardaire ou presque à la fin de la journée, par un simple tour de passe-passe pudiquement maquillé en « élection ». Pour ne pas faire de notre ami élu la risée publique, nous préférerons donc taire son nom. Mais notre bonne volonté ne saurait empêcher les Guinéens de constater le spectacle hallucinant auquel se livrent nos politiciens aguerris, temporaires ou par accident, loin très loin des vraies aspirations des citoyens. Tenez !
A l’UFDG de Cellou Dalein Diallo, ce n’est pas la joie. Entre un Bah Oury qui n’a jamais accepté la manière peu élégante dont il a été éjecté des grandes décisions du parti et les ambitions de « monsieur 43% », le parti est désormais transformé en ring, avec pour arbitre un certain Diallo Sadakaadji. Ne rigolez pas. Le commerce de voitures Toyota permet de se glisser en politique. La situation n’aurait pas été aussi dramatique s’il ne s’agissait pas de la formation politique dont le candidat a outrageusement dominé le premier tour de la présidentielle de 2010 et qui, pour ces élections législatives, a remporté pas moins de 35 sièges.
Vous remarquerez que nous avons sciemment omis 2 sièges dans le décompte (Aboubacar Sylla du UFC et Mouctar Diallo des NFD) parce que leurs titulaires, conscients de leurs limites ont plutôt cherché une aile protectrice (qui est fou ?).
Bah Oury, lâché par les siens, préfère jeter un gros pavé dans la mare en endossant les habits du justicier de minuit chargé d’honorer la mémoire de tous ceux qui sont « morts pour la démocratie ». On aurait applaudi si sa démarche n’affaiblissait pas la direction d’une formation politique qui, sans aucun doute, a encore des chances d’accéder un jour au pouvoir en République de Guinée
Au RPG-Arc-en Ciel, le ciel coloré se fissure également depuis la « désignation » d’un inconnu au bataillon des célébrités, Kory Claude Kourouma, comme candidat du parti au perchoir de l’Assemblée nationale. C’est vrai que ce n’est pas parce qu’on est petit qu’il faut se donner des airs de grands.
Toutefois, cette sourde guéguerre est d’abord le résultat d’ambitions étouffées. Les 2 camps en face, même s’ils tentent de sauver les apparences, ne se rendent même pas compte qu’ils manœuvrent contre l’intérêt général. Pourquoi n’avoir pas organisé un vote des militants ? Passons sur l’argument pathétique d’un président du parlement ressortissant de la Guinée forestière, d’un premier ministre de la Basse Côte, etc. Sur quelle base peut-on tenir un tel raisonnement ? Le Guinéen, animé d’un vrai sentiment national, se sentant aussi bien chez lui à Labé, Nzérékoré, Kankan ou Conakry, peut s’étrangler de rage.
L’autre danger, et ce n’est pas le moindre, c’est de voir le futur parlement être le théâtre de jeux aussi mesquins que puérils, en dépit d’une idée bien établie selon laquelle le RPG est un parti « discipliné ».
Foutaises, pour reprendre l’expression favorite d’un certain Laye Junior Condé.
Les géants dans la tourmente des ambitions personnelles, les nains ne sont pas en reste. C’est le cas par exemple de la NGR où le numéro 2 du parti, le « Belge » David Camara (sauvé in extremis par la liste nationale, la veine quoi !) et Najette Chaady, jusqu’à une date récente coordonnatrice de la NGR à Kaloum, se crêpent le chignon. Nous avons bien écouté les arguments douteux de Camara et les explications laborieuses de Chaady. Ce qui transparait, c’est le manque de sérieux pour une formation politique qui avait réussi à classer son candidat parmi les 7 premiers lors de la dernière présidentielle. La volubile dame n’a pas eu droit à un avertissement, encore moins à des explications. Elle a été tout bonnement exclue du parti, chassée comme une inconnue qui n’a jamais rien semé pour la NGR.
Quelques jours avant les législatives, nous avons eu l’occasion de rencontrer David Camara. Quand nous l’avons vu improviser un speech à Mouna Internet pour convaincre du journaliste, nous avons compris qu’il y avait quelque chose qui clochait au sein du parti dirigé par Abe Sylla.
Avec la décision (unilatérale ?) de quitter l’opposition, la NGR, qui avait déjà perdu Faya Millimouno, joue réellement à pile ou face.
En définitive, toutes ces manœuvres politiciennes nous ont au moins convaincu d’une chose : de l’UFR (orpheline d’Ousmane Kaba et Rougui Barry) au RPG-Arc-en-Ciel (écrasé par la personnalité de l’actuel président de la République) en passant par l’UFDG (submergé par l’image de Cellou Dalein Diallo), la démocratie ne règne pas. Tout le monde quitte pour les mêmes raisons et tout le monde cherche à se positionner pour les mêmes motivations. Prenons un simple pari : laquelle de nos formations politiques est capable d’organiser une primaire avant de rendre publique toute décision importante ? Aucune.
Des politiciens qui usent et abusent de la soupape démocratique pour accéder au pouvoir ou s’opposer, mais qui refusent énergiquement que le jeu démocratique renforce les bases de leur propre formation politique, voilà le drame de la Guinée.
Alima Camara pour mediaguiné