Bras de fer entre le gouvernement et les syndicats: Comprendre le Droit du travail et l’action syndicale (Par Paul Antoine Bangoura)
La relation de travail peut opposer, de par sa nature même, deux parties ayant des intérêts divergents, sinon contradictoires. Si des mesures sont prises (code de travail, convention collective, code de la sécurité sociale…) pour rendre les rapports entre salariés et employeurs moins conflictuels, il n’en demeure pas moins que des différends surgissent assez fréquemment entre ces parties.
Si notre constitution garantie le droit de grève, il n’en demeure pas moins que les motifs ou les fondements pour jouir de ce droit peuvent susciter d’énormes interrogations. Naturellement la thèse défendue semble être le bien-être de la population. Un intérêt contradictoire par rapport à certaines stratégies mises en place.
Il serait donc indispensable d’appréhender les différentes notions afin d’éclairer la lanterne des uns et des autres :
- La négociation collective :
Nous pouvons résumer la négociation collective comme des « discussions sur les conditions de travail menées entre un employeur, un groupe d’employeur ou une ou plusieurs organisations d’employeurs d’une part, d’autre part en vue de parvenir à un accord. » ou il s’agit du « Le dialogue intervenant entre les représentants des syndicats de salariés les plus représentatifs ou les unions syndicales de salariés, d’une part et un employeur ou plusieurs employeurs ou les représentants des organisations professionnels d’employeurs, d’autres part et ayant pour but.
– Fixer en améliorant les conditions d’embauche ou (d’emploi) ou de travail.
– Régir les rapports entre les employeurs et les salariés.
– Organiser les relations entre les employeurs ou leurs organisations d’une part et un ou plusieurs syndicats de salariés les plus représentatifs d’autres part »
D’une manière générale, et d’après les définitions doctrinales rapportées, la grève se caractérise par trois éléments essentiels
– Elle n’intéresse que les relations de travail salarié, ce qui écarte par exemple des grèves politiques ou avancées comme telles.
– Elle implique arrêt total ou partiel du travail
– Des revendications professionnelles
– Les Syndicats (Rôle des syndicats)
Les syndicats considérés comme les plus représentatifs dans leurs secteurs d’activités peuvent signer avec l’Etat ou le patronat des conventions collectives qui règlent les conditions de travail pour l’ensemble des salariés. Ils assurent la défense collective et individuelle des intérêts des salariés au niveau national, régional et à l’échelle de l’entreprise.
Les syndicats défendent les intérêts des salariés auprès des directions et peuvent engager toute sorte d’actions de protestation ou de revendications, en cas de différends avec l’employeur. Dans les cas de conflits individuels, ils peuvent accompagner les salariés à des entretiens, défendre leurs intérêts auprès des instances hiérarchiques, les soutenir en cas de litiges débouchant sur une procédure judiciaire.
A travers les différents points de presse et comptes rendus, on peut déduire que la question du carburant est le principal point de désaccord et le motif réel de la grève déclenchée, une grève nationale générale illimitée de tous les secteurs : public, mixte, privé, informels et retraités de Guinée » (Selon les dirigeants syndicaux). Pas besoin de rappeler ou de préciser que l’Etat, partie prenante au conflit de travail n’est pas employeur du secteur privé encore moins du secteur informel. Un appel sans doute beaucoup plus stratégique que rationnel. Un détail peu significatif aux yeux de certains mais dont les répercussions ou effets restent très important d’autant plus que cela donne plus de poids au mouvement syndical, donc plus de pressions sur le gouvernement.
La baisse du prix du carburant peut-il être considérée comme un motif de suspension de travail?
Comme mentionné ci-haut, les négociations collectives portent sur les conditions de travail : réflexion sur le travail décent (sécurité sur le lieu de travail, protection sociale, traitement équitable des salariés etc…) A ce stade, le motif évoqué de la grève ne relèverait pas du domaine des syndicats, mais de la société civile ou des associations de consommateurs. Sauf s’il s’agit d’une action commune entre les acteurs précités.
Autre grande interrogation, Le secteur privé et formel doit-il être solidaire des actes gouvernementaux ? C’est en tout cas ce que l’on pourrait déduire dans cette grève.
Dans de telles circonstances, on ne peut uniformiser les démarches aboutissants à une grève. Dans le secteur privé, le conflit de travail oppose plutôt les syndicats de travailleurs aux organisations patronales ou les représentants d’employeurs dans un cadre bien défini qu’on appelle le dialogue social, l’Etat est logiquement partie prenant dans une position moins conflictuel d’ailleurs notre nouveau code du travail en fait largement mention (les articles 515.7 et suivants).
A titre illustratif, en lieu et place d’une grève lié au carburant dans le secteur privé, on peut mieux concevoir une grève ou un bras de fer autour d’une « prime de transport » lui donner un caractère obligatoire dans les contrats de travail afin de permettre aux travailleurs de ce secteur d’atteindre directement impliqué dans ce conflit.
Le protocole d’accord de Mai 2014 signé entre les centrales syndicales, les organisations patronales et le gouvernement regorgeait pourtant de nombreux points très importants relevant sans risque de se tromper du domaine des syndicats, le contexte est bien différent cette fois.
Il est nécessaire également de rappeler les effets d’une grève par l’article 431.8 du Code du Travail: « La grève suspend le contrat de travail ; le salarié recouvre son emploi en fin de grève et ne peut pas être sanctionné du fait de sa participation à la grève. L’employeur est dispensé de verser au travailleur sa rémunération correspondant à sa période de grève ».
Toutefois sur le motif « d’intérêt général » et face à la faiblesse voir l’incapacité des organisations de la société civile et de consommateurs, comme en (2006-2007) les syndicats sont bien au-delà de leurs prérogatives (acte qui ne fait pas forcement l’unanimité) surtout quand nous avons en face un manque d’argumentation et des actions du gouvernement rendant le quotidien du Guinéens plus difficile (hausse de la TVA, et ses effets) et comme à l’accoutumée la thèse liée à l’épidémie Ebola refait surface, hors aucun audit de la gestion de la crise sanitaire Ebola n’a été fait enfin de présenter un bilan plus ou moins réel aux guinéens, puisque c’est sur la base d’un bilan chiffré que nous pouvons comprendre réellement les entrées et les sorties et l’usage qui en a été fait, afin de déduire l’impact économique de cette crise.
Dans ce bras de fer mêlé à l’orgueil et la fierté des parties au dialogue social le peuple est, comme on le dit dans le jargon populaire guinéen, « pris en otage ».
Paul BANGOURA Juriste d’affaires
Email: gbangoura49@gmail.com.