Vincent Bolloré. La série noire en Afrique

Sombre période pour le Groupe Bolloré. Ses déboires judiciaires font l’actualité et peuvent nuire à son développement en Afrique. De plus, les méthodes de Vincent Bolloré, qui vient de céder la présidence de Vivendi à son fils, Yannick, semblent avoir un effet délétère sur Canal+.
S’il a voulu intimider les journalistes s’intéressant de trop près à ses affaires, il a raté son coup. Mardi dernier, le tribunal de grande instance de Nanterre a relaxé les reporters qui ont réalisé un reportage, diffusé dans le magazine « Complément d’Enquête », sur France 2, mettant en cause le groupe Bolloré pour ses pratiques professionnelles douteuses, au Cameroun. Pour faire bonne mesure, Vincent Bolloré avait ajouté à sa plainte pour diffamation une demande extravagante de 50 millions d’euros de dommages et intérêt, cette fois devant le tribunal de commerce.
Ce jugement intervient dans un contexte judiciaire décidément défavorable à l’homme d’affaires breton. C’est en effet le 24 avril qu’il a subi une garde à vue de 48 heures, toujours à Nanterre, dans les locaux de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF), suivie d’une mise en examen pour « corruption d’agent étranger », complicité « d’abus de confiance » et « faux et usage de faux », par les juges Serge Tournaire et Aude Buresi.
Un essor lié au continent noir
Vincent Bolloré, qui a les nerfs solides, ne cesse, depuis lors, de se défendre avec véhémence, comme il l’a fait dans une tribune au JDD où il s’indigne de l’image caricaturale ainsi donnée du continent noir.
De quoi s’agit-il ? De deux des quinze concessions portuaires que le groupe a obtenu en Afrique, entre 2007 et 2012 : celle de Conakry, en Guinée, et celle de Lomé, au Togo. Des décisions directement imputées aux deux chefs d’État concernés, Alpha Condé et Faure Gnassingbé. Deux Présidents qui, par ailleurs, ont eu recours aux services de l’Agence Havas, autre composante du groupe Bolloré, pendant leurs campagnes électorales. En question, les actions promotionnelles favorables aux deux futurs chefs d’État.
L’Afrique est à la fois le passé, le présent et l’avenir du groupe Bolloré. Sa saga en témoigne. Elle commence, au début des années 80, lorsque le jeune Vincent reprend les papeteries familiales, sur les bords de l’Odet, près de Quimper. Une fois redressées, elles lui servent d’appui pour un essor spectaculaire qui tient à une parfaite maîtrise du jeu boursier. C’est ainsi qu’en 1986, il prend le contrôle de la SCAC (société commerciale d’affrètement et de combustible), puis, en 1991, de l’armateur Delmas-Vieljeux, puis en 1996, du groupe Rivaud, etc. Autant d’entreprises dont les activités étaient en lien avec l’Afrique où il a progressivement abandonné le transport maritime pour se concentrer sur la manutention portuaire et la logistique.
Une aubaine pour la concurrence
La méthode Bolloré est bien rodée. Il entre d’abord par la petite porte, en achetant quelques actions, puis dévore progressivement sa proie jusqu’à en prendre le contrôle. Après avoir promis la stabilité pour rassurer les personnels, il remplace les principaux cadres, afin d’y placer ses hommes et surtout restructure, en cédant ce qui n’est pas stratégique à ses yeux, rentabilité oblige. À ce jeu, même quand il perd il gagne. Car, lorsque ses offensives boursières se heurtent à plus solide et déterminé que lui, le contraignant à renoncer, comme ce fut le cas lors de ses assauts sur TF1 ou Ubisoft, il revend les actions déjà acquises, encaissant au passage des plus-values qui se comptent en centaines de millions d’euros.
Pour renforcer son implantation en Afrique, qui représente encore la principale source de profit de son groupe dont le chiffre d’affaires, en 2017, dépassait les 18 milliards (en intégrant Vivendi), Vincent Bolloré a pu aussi compter sur les fameux réseaux dits de la Françafrique, même s’ils ne sont plus ce qu’ils étaient. Autre atout, son influence auprès des présidents de la République successifs, conscients que sur ce continent, les entreprises françaises sont livrées à des concurrents de plus en plus rudes, au premier rang desquels les Anglo-Saxons et les Asiatiques. Des concurrents qui ne peuvent que profiter des déboires judiciaires de l’industriel breton.
Image dégradée
C’est bien le problème de telles procédures : quelles que soient leurs issues, elles sont surtout préjudiciables à l’image de celui qui est en cause. Or, Vincent Bolloré, qui s’était bâti une réputation d’audacieux conquérant, doit d’autant plus être attentif à cette image dégradée que son groupe, devenu un poids lourd du paysage médiatique, est désormais au centre de tous les regards.

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