Tibou Kamara s’exprime: Alpha doit être reconnu, et Cellou respecté
Je considère que cette élection est un échec, non une défaite. Un échec dans la mesure où il pensait pouvoir réussir, peut-être, aurait pu réussir si les conditions étaient différentes, on n’en sait rien. Je ne considère qu’il a perdu puisque la légitimité de son combat et son audience dans le pays ont été établies par une campagne électorale formidable. Mais je dis que la Guinée a besoin autant de Alpha Condé, qui a été déclaré Chef de l’Etat, autant que Cellou, qui est le chef de file de l’opposition. Il faut donc, et c’est mon humble avis, qu’il y ait une reconnaissance et un respect mutuels entre M. Alpha Condé et Cellou Dalein Diallo. La légitimité de l’un doit être reconnue et le respect du poids électoral de l’autre, doit être également reconnu. Il que M. Alpha Condé, puisque tel est le verdict de la cour, soit reconnu comme le Chef de l’Etat du pays mais il faut que M. Cellou Dalein Diallo soit reconnu également étant comme un acteur incontournable de la scène politique et démocratique de notre pays. Si l’un respecte et reconnaît l’autre, on peut, en ce moment, envisager un dialogue, ou éventuellement un partage du pouvoir, ou à tout le moins, une cohabitation pacifique. A eux d’en décider. Mais l’un ne doit pas continuer à éviter l’autre, l’un ne doit pas chercher à neutraliser l’autre. Ce n’est pas bon pour la stabilité du pays, ni pour l’avenir de notre démocratie S’ils s’entendent, Alpha sera encore plus libre pour gouverner et Cellou pourra mieux préparer l’avenir. Mais il n’est pas question, à mon avis, qu’Alpha Condé considère que Cellou est un leader comme les autres et que l’UFDG est un parti égal aux autres. Après les élections, les guinéens ont tranché. Ils ont décidé presque de la bipolarisation politique en Guinée. Aujourd’hui, à l’issue des élections, c’est le RPG au pouvoir et l’UFDG dans l’opposition. La Guinée a besoin que ces deux forces puissent parvenir à un accord minimum pour l’avenir et la stabilité et pour que le mandat actuel s’exerce en toute tranquilité.
« On ne peut pas rencontrer Cellou comme on rencontrerait un autre »
A mon avis, les concertations entamées par le Chef de l’Etat ne peuvent aboutir de sens et aboutir des résultats probants que si ces concertations tiennent compte du rapport des forces politiques et électorales dans le pays. Je ne crois pas qu’un parti soit égal à un autre, qu’un leader soit égal à un autre. La légitimité d’un leader est déterminée par son poids ou ses résultats aux élections. La place d’un leader sur l’échiquier politique national est déterminé par le nombre des électeurs ou des sièges obtenu aux différents élections. On ne peut pas rencontrer un Cellou Dalein comme on rencontrerait n’importe quel leader. On ne peut pas traiter l’UFDG sur le pied d’égalité que les autres partis. Donc, Alpha Condé en tant que Chef de l’Etat est libre de rencontrer qu’il veut, de discuter avec les différentes forces politiques et sociales du pays mais il doit tenir compte de la légitimité personnelle de Cellou et du poids politique de l’UFDG, lorsqu’il s’agit de conclure des accords, ou faire éventuellement des alliances utiles et importantes pour la stabilité du pays et pour la tranquillité de son mandat parce que L’UFDG est un acteur incontournable de la vie politique et démocratique de notre pays. Je pense que si M. Alpha Condé a évité le second tour, c’est pour être libre de tout engagement lié à des alliances qu’il aurait conclu pour le deuxième tour. Aujourd’hui, apparemment, il a toutes les cartes en main, mais cela ne suffit de discuter pour discuter, de faire des alliances pour faire des alliances parce que si le but est d’isoler l’UFDG ou d’affaiblir Cellou, je pense que ces concertations ne feraient que reporter la crise que le pays n’a pas connu au lendemain de la présidentielle. Mais s’il s’engage dans un dialogue franc, ouvert et sincère avec le leader de l’UFDG et tient compte de ce que l’UFDG représente sur la scène politique, en ce moment, la politique de la main tendue aura un sens et profitera au pays.
Nouveau Premier ministre : Alpha a deux choix
Il n’est pas de mon ressort, ni dans mes prérogatives de désigner le futur premier ministre ou de décider de celui que sera le locataire de la Primature. Mais en tant qu’observateur, je dirais lointain, le Chef de l’Etat doit nécessairement tenir compte de certains équilibres et respecter les différences s’il veut parvenir un mandat plus tranquille que le premier et consacrer son énergie et ses moyens au progrès à notre pays.
Aujourd’hui, il y a une véritable course ouverte pour la primature, ce qui est normal. Au lendemain d’une élection présidentielle, la compétition pour les différentes est ouverte. Aujourd’hui, Alpha Condé n’a pas à imposer des interlocuteurs et les interlocuteurs n’ont pas à s’imposer à lui. Un Chef d’Etat est comme un entraîneur de football. Il a sa feuille de route. C’est à lui de choisir les joueurs et de leur attribuer des postes sur le terrain. Mais on a vu un joueur s’imposer à un entraîneur et choisir son poste sur l’aire de jeu. Donc, il appartient à Alpha Condé de décider qui sera son prochain premier ministre. Mais de ce point de vue, il a deux choix. Soit, il s’agit un de la majorité, qui l’a accompagné ces cinq dernières années ou un autre de la majorité qui lui a facilité le deuxième mandat. En ce moment, ce débat est interne au RPG et au pouvoir. Et le choix viendra de la majorité actuelle. Soit, il décide de faire un coup politique spectaculaire et de donner des gages de bonne foi d’ouverture mais en ce moment, l’ouverture ne peut pas se faire à des partis ou à des leaders dont le poids électoral ne contribuera non seulement à renforcer la majorité en tant que telle mais ne contribuera en rien à l’apaisement politique. Je ne vois pas de profil en dehors de la majorité d’Alpha Condé, qui pourrait être premier ministre ou du profil en dehors de l’opposition incarnée par l’UFDG. Autrement dit, soit Alpha renforce la majorité en récompensant ceux qui l’ont aidé les cinq dernières années ou l’ont aidé à faire réélire, soit, il fait une ouverture politique comme beaucoup ont tendance à le lui demander mais cette ouverture doit concerner le premier interlocuteur dans l’opposition, qu’est forcément l’UFDG. Je ne vois pas en quoi le choix d’un premier ministre de l’opposition, alors qu’il a une majorité, si cette opposition n’est pas significative, ni représentative, peut lui être utile. Je n’en vois pas l’intérêt.
C’est le droit et la responsabilité du Chef de l’Etat d’envisager toutes les solutions possibles pour la paix et la stabilité du pays. Il est de la liberté et du droit de chaque parti de prendre la décision qu’elle croit être utile pour son avenir et pour contenter sa base électorale. Mais moi, par principe et par conviction, je ne vois aucun guinéen qui serait opposé à un partage de pouvoir, à une ouverture en direction des autres forces politiques mais naturellement, cela doit se discuter et les conditions doivent en être définies. Il ne s’agit pas des discussions informelles ou des propositions artificielles. Il faut ouvrir de véritables concertations, discuter des questions de fond. Aujourd’hui, la réélection d’Alpha Condé n’est pas une préoccupation mais c’est l’après-élection, qui est le souci majeur. Parce que si l’UFDG a une attitude de fermeté et d’intransigeance, c’est parce qu’elle a estimé, et j’en ai discuté avec Cellou lui-même, qu’il y a eu une mascarade électorale et un déni de démocratie et que les résultats proclamés ne reflètent pas le choix des électeurs. C’est une violation de la souveraineté du peuple. Donc, il y a un contentieux, qu’il faut vider pour créer les conditions de confiance, du dialogue et éventuellement de la cohabitation politique. Aujourd’hui, la préoccupation n’est pas de faire campagne pour les postes. Est-ce le chef de l’Etat ou l’Assemblée, il n’y pas d’élection pour le premier ministre, ni pour les ministres. C’est un choix discrétionnaire du chef de l’Etat.
« Je ne fais pas de la politique-fiction »
Je ne fais pas de la politique-fiction. Je n’anticipe pas non plus sur l’avenir. Attendons que la question soit posée. Un Chef d’Etat est comme un entraîneur de football. C’est lui qui décide de quel joueur placer et à quel poste. Personne ne peut s’imposer devant un entraîneur ou choisir son poste. Attendons que la question soit posée. En ce moment, je ferais connaître solennellement et officiellement mon choix. Mais si vous me demandez si j’accepterais, c’est comme si j’avais une ambition ou que j’ai été sollicité, c’est de la politique-fiction. Restons dans la réalité.
Qu’est-ce qui a manqué à l’opposition pour remporter les élections ?
L’opposition guinéenne, sans offenser ceux qui l’incarnent avec courage, a manqué souvent de lucidité et de réalisme et a été souvent victime de sa bonne foi, de sa naïveté et de cette bienveillance sans cesse renouvelée à l’égard du pouvoir. On peut dire même que l’opposition s’est fait avoir par la CENI. Je reproché à l’opposition, particulièrement au chef de l’opposition, Cellou a tellement recherché l’unité et la cohésion au sein de l’opposition, que son action personnelle s’en est trouvée dénaturée, et que lui-même, en tant que leader, en a été dépersonnalisée. Il a privilégié l’unité de l’opposition, malheureusement, qu’il n’a pas pu réaliser compte tenu des rivalités en son sein mais il y a aussi la duplicité de certains leaders qui se trouvent au sein du collectif de l’opposition. Donc, Cellou, en ayant privilégié l’unité de l’opposition, a affecté l’efficacité de son combat. C’est une leçon à tirer pour l’avenir. Ensuite, la deuxième difficulté de l’opposition, c’est la confusion dans les mots d’ordre. Aujourd’hui, elle revendique la recomposition de la CENI. Demain, c’est le départ d’Alpha Condé. Après, c’est la tenue des communales avant les présidentielles. Enfin, c’est la recomposition des délégations spéciales. Finalement, les partisans de l’opposition ne se sont pas retrouvés dans ces mots d’ordre, brouillés, embrouillés, incertains, aléatoires. Cela a nui à la puissance des mobilisations.
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