La nouvelle affaire qui menace Nicolas Sarkozy
Une nouvelle enquête judiciaire, portant sur des faits d’abus de biens sociaux et de recel, pourrait inquiéter Nicolas Sarkozy, selon les informations du Monde. Une juge d’instruction marseillaise s’intéresse ainsi aux conditions dans lesquelles ont été organisés plusieurs vols privés transportant l’ancien président entre décembre 2012 et mars 2013.
Chargée du volet français du dossier baptisé « Air Cocaïne », un trafic de drogue entre la République dominicaine et la France via des vols transatlantiques privés, la juge Christine Saunier-Ruellan, vice-présidente à la juridiction interrégionale spécialisée, a chargé, mi-juillet, un expert aéronautique d’une mission « d’analyse et de décryptage » de l’ensemble des plans de vol figurant dans son dossier.
Dans son ordonnance de commission d’expert, la juge demande à Claudine Oosterlinck, expert agréé par la Cour de cassation, de passer au crible les vols suspectés d’avoir transporté de la cocaïne entre la République dominicaine et la France ainsi qu’une série de liaisons entre Antigua, Le Bourget et le petit aéroport belge de Sint Truiden. La juge ajoute à sa liste « des vols facturés à Lov Group », la société de l’homme d’affaires Stéphane Courbit. Un premier vol Le Bourget-Doha (Qatar) du 9 au 11 décembre 2012, un second Le Bourget- Teterboro (New York) du 30 janvier au 3 février 2013 et un Le Bourget-Abou Dhabi du 26 au 27 février 2013 ont été empruntés par Nicolas Sarkozy. Le premier l’a transporté à Doha pour participer au Forum mondial du sport Doha Goals au Qatar. Le tarif évoqué pour ce vol est de 95 000 €, selon des documents saisis lors de l’enquête.
Deuxième déplacement, l’aller-retour pour Teterboro, dans le New Jersey, aux Etats-Unis : M. Sarkozy, était accompagné pour l’occasion de son épouse, Carla Bruni. Le troisième voyage en cause a donc eu pour cadre Abou Dhabi, aux Emirats arabes Unis. Nicolas Sarkozy était invité au Global financial markets forum, organisé par la banque nationale d’Abou Dhabi. Il y donna une conférence, le 27 février.
« AIR COCAÏNE »
Ces trois vols ont été affrétés par la Société nouvelle Trans Hélicoptère Service (SNTHS) dirigée par Pierre-Marc Dreyfus, l’un des dix mis en examen dans le dossier français d’« Air Cocaïne », placé sous mandat de dépôt du 10 septembre 2013 au 28 août dernier avant une libération sous contrôle judiciaire. Cette société lyonnaise spécialisée dans les vols d’affaires et la gestion d’avions privés est l’affréteur des vols suspects et notamment du Falcon 50 appartenant au lunetier Alain Affelou, intercepté le 19 mars 2013 sur l’aéroport international de Punta Cana (République dominicaine) avec trente-six valises à son bord contenant 682 kilos de cocaïne. Quatre Français étaient interpellés, dont Alain Castany, qui se présente comme le troisième pilote. Les enquêteurs ont découvert dans son portable les numéros de téléphone personnels de nombreuses personnalités, notamment celui de Nicolas Sarkozy.
Par ailleurs, en consultant le téléphone portable de Franck Colin, un quadragénaire soupçonné d’avoir affrété le vol intercepté en République dominicaine (et interpellé en avril 2013 à Paris), les policiers de l’Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS) – dessaisis en juillet 2014 de l’enquête au profit des gendarmes de la section de recherches de Paris – ont constaté qu’il était en contact avec Pierre Sarkozy, l’un des fils de l’ancien président de la République. Le jeune homme est enregistré dans le répertoire sous le nom de « Dj Jed Sarkosi ».
C’est en cherchant à découvrir l’identité des personnes ayant financé les nombreux voyages effectués ces dernières années par le Falcon 50 que les enquêteurs ont découvert que trois vols, également affrétés par la société SNTHS – et effectués dans la même période que les vols liés au trafic de cocaïne – auraient été financés par Stéphane Courbit, via sa holding Lov Group industrie (LGI), au profit de M. Sarkozy. Le tout pour un montant total supérieur à 330 000 euros… Le nom de M. Sarkozy apparaît en effet sur certaines factures saisies en perquisition au siège de la SNTHS.
Interrogé par Le Monde, l’avocat de M. Courbit, Me Christophe Ingrain, a confirmé la prise en charge par Lov Group des trois déplacements qui intéressent la justice et a indiqué : « Ces vols avaient pour objet la création d’un fonds d’investissement auquel aurait participé l’ancien président de la République. Nous détenons tous les documents nécessaires pour le prouver. »
FACTURES DISPARUES
Les policiers ont par ailleurs découvert qu’un quatrième vol avait été affrété, au mois de mars 2013, par la société SNTHS, au profit de Nicolas Sarkozy. Il s’agissait de permettre à l’ancien président de se rendre à Bordeaux où il devait honorer, le 21 mars, une convocation… aux fins de mise en examen du juge Jean-Michel Gentil, chargé de l’affaire Bettencourt. Mais l’interception du Falcon 50 sur le tarmac de Punta Cana a contraint Nicolas Sarkozy à monter dans un autre avion, également mis à sa disposition par la SNTHS. Sauf que, cette fois, les factures indiquent que le vol a été pris en charge par l’Association de soutien à l’action de Nicolas Sarkozy (Asans).
L’examen de la comptabilité de la SNTHS a révélé que plusieurs de ses comptes clients avaient disparu, dont celui de LGI – qui constituait pourtant le client principal de la société d’hélicoptères – et celui de l’Association de soutien à l’action de Nicolas Sarkozy…
Me Pierre Ceccaldi, défenseur de Pierre-Marc Dreyfus, demandera, lundi 8 septembre, à la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence d’annuler tous les éléments du dossier ayant trait aux vols empruntés par Nicolas Sarkozy. « La juge est saisie d’un trafic présumé de stupéfiants entre la République dominicaine et la France, observe Me Ceccaldi. On ne comprend pas pourquoi on s’intéresse à des clients de SNTHS, fussent-ils aussi prestigieux que l’ancien président de la République, qui n’ont rien à voir avec l’objet de la saisine ».
Plusieurs sources ont indiqué au Monde que la procédure incidente concernant les vols suspects pourrait être dépaysée à Paris, dans le cadre d’une enquête préliminaire.
Le monde