À l’issue de la procédure ouverte par le décret D/2019/0194/PRG/SGG du 13 juillet 2019, portant lancement de l’appel d’offre pour l’attribution d’un titre minier sur les gisements de minerai de fer des blocs 1 et 2 de Simandou, la Guinée, a affiché ainsi, sa détermination à enterrer tout espoir relatif au retour desdits blocs dans le portefeuille des partenaires historiques du projet Simandou.
Pourtant, le 24 octobre 2018, le cabinet Orrick, avait dans le cadre de son assistance au gouvernement guinéen, entamé la reprise du projet d’exploitation des ressources en fer du Mont Simandou par Chinalco.
Il avait clairement indiqué que les plus grandes compagnies ayant pour activité l’exploitation du minerai de fer, Rio Tinto, BHP Billiton et FMG ne semblent pas avoir d’intérêt significatif pour les blocs de Simandou nord.
Quant à Vale, la situation est plus complexe. Les permis de recherche BSG-Resources leurs ont été retirés unilatéralement par l’État guinéen. Si un contentieux est en cours devant le CIRDI à l’initiative de BSG-Resources, aucune disponibilité d’informations sur le possible renouveau de l’intérêt de Vale pour les blocs Simandou nord.
Ajoutant que Chinalco, qui démontre un intérêt pour les blocs Simandou nord en plus des blocs Simandou sud, n’a pas d’expérience ni d’actifs dans le secteur du minerai de fer. Or, le développement du Mont Simandou nécessite des connaissances pointues dans tous les domaines de l’exploitation des mines de minerai de fer. Sur sa liste des compagnies qui ne seraient pas intéressées, Orrick a mentionné Vale, Rio Tinto, BHP Billiton, Fortescue Metals Group, Anglo Ameriacan, ArcelorMittal, Cleveland Cliffs et MetalloInvest.
Le Cabinet Orrick soutient, qu’«à première vue, les grandes compagnies pouvant avoir le poids financier, nécessaire au développement des blocs Simandou nord ne sont pas intéressées par ce projet, à l’exception éventuellement de Vale, voire des sociétés américaines. Parmi les plus petites compagnies, l’intérêt potentiel paraît donc limité. Sur le plan international, l’abandon du projet par une société de premier plan comme Rio Tinto aura également nécessairement pour effet de rendre les investisseurs potentiels plus circonspects ».
Si cette position du Conseil de la Guinée était acquise, qu’est-ce qui justifierait cet
appel d’offre ? Au regard des frais de retrait du cahier des charges fixés à 300 000 $US
et remboursables en cas d’échec aux 2/3. Ne faudrait-il pas craindre un
arrangement préalable à l’ouverture officielle de la procédure ?
Serait-il nécessaire d’accorder une attention particulière à des
intérêts brésiliens, suisses, mauritaniens, russes ou indiens ?
Le conseil de la Guinée croit savoir que « les compagnies minières chinoises centrées sur la production de minerai de fer n’ont pas, à notre connaissance, la capitalisation nécessaire pour supporter un projet comme Simandou, à fortiori si les quatre blocs sont à nouveau réunis. Elles ont, en outre, une faible connaissance des investissements miniers dans
les marchés émergents ».
Et comme on devrait le savoir, depuis le 17 août 2012, lors d’une mission gouvernementale au Brésil, des officiels guinéens seraient en contact avec des investisseurs brésiliens, tels que BTG Pactual, B&A exploitation minière, AGN Investment et AOS. Sans oublier que par ailleurs, la société Énergie, Environnement et Mines (E2M) du mauritanien Taleb Abdivall, était devenue influente dans le secteur énergétique du pays. L’administration guinéenne, par cet appel d’offre, se réconcilierait-elle avec la société AIOG, détentrice d’un accord de financement des infrastructures de Simandou, jamais appliqué.
La comédie dans l’arène de Simandou ? Le 5 juillet 2016, peu après l’annonce par
M. Jean-Jacques Sébastien, de la décision de Rio Tinto de geler le
projet de minerai de fer de Simandou sud, le ministre des mines et de la
géologie, M. Abdoulaye Magassouba a écrit
au directeur général de Rio Tinto Mining & Exploration Limited, au directeur général
de Simfer S.A et au secrétaire du conseil d’administration de Simfer S.A, pour leur signifier
« sa vive préoccupation suite aux récentes déclarations du Chief
executive of officer de Rio Tinto Plc ». Rappelant les obligations de
Rio Tinto contenues dans le contexte « du cadre d’investissement » signé
le 26 mai 2014, M. Magassouba a exigé, la poursuite du projet Simandou
sud, dans le respect du calendrier contractuel, pour atteindre la date
cible de
la première production commerciale.
Le
ministre Magassouba a rappelé à la direction générale de Rio Tinto,
qu’il lui incombe de mobiliser les investisseurs pour le financement des
infrastructures, au lieu d’annoncer
la réduction des investissements et de l’effectif du projet.
Dans ce contexte et conformément aux obligations contractuelles des partenaires privés, M. Magassouba a ainsi, insisté dans sa lettre, « je vous enjoins d’une part, de remettre à l’État dans les plus brefs délais, les versions complètes et en langues françaises, de l’étude de faisabilité bancable de la mine et de l’étude de faisabilité bancable des infrastructures, afin de permettre à nos services et consultants d’en prendre connaissance et d’autre part, d’organiser au plus vite, une réunion afin que vous puissiez présenter à l’État les résultats de vos études (…) ».
Le ministre Magassouba n’a pas exclu, la mise en évidence des solutions alternatives appropriées, afin que le projet surmonte les obstacles, tout en exigeant le respect du calendrier convenu. Il a pour la circonstance été catégorique « dans cette attente, je vous mets en demeure de renforcer vos moyens humains et financiers afin d’être en mesure de respecter vos engagements contractuels et de vous abstenir de toutes déclarations publiques et décisions contraires à nos accords, aux lois et règlements en vigueur en République de Guinée (…) ».
Du 12 au 16 mars 2018, le gouvernement guinéen accompagné de la Société Guinéenne de Patrimoine Minier (Soguipami) et le groupe Chalco ont ténu une série des réunions à Paris en France, pour négocier la convention minière afférente au projet de bauxite de Boffa sud et nord dont la réussite conditionnerait la relance du développement du projet d’extraction du minerai de fer de Simandou sud.
Selon un membre de la délégation guinéenne, « ces réunions sont une suite des rencontres précédentes, entre la Guinée et la partie chinoise, à Pékin en Chine, du 25 au 31 janvier 2018 » et « aux commentaires des avocats de Chalco sur les 47 points en suspens, pour la conclusion rapide de la convention minière du projet de Boffa qui, conditionne la reprise du projet Simandou sud qui est, la seconde partie du partenariat stratégique sino-guinéen ».
Selon une version du procès-verbal de cette réunion consultée par l’enquête, « durant ces négociations, il a été discuté, du régime fiscal et douanier ainsi que des modalités de mutualisation du fleuve Fatala/Rio Pongo. Le groupe de travail est parvenu à un accord sur la quasi-intégralité du régime fiscal et douanier à l’exception de la durée de la stabilisation de 25 ans, demandée par Chalco en lieu et place de celle de 15 ans prévue par le code minier en vigueur. Chalco souhaite que le champ d’application dudit régime de la convention s’applique à toutes les sociétés partenaires comme Cosco et Yantai Port ».
Les parties aux négociations à Paris ont décidé de quelque chose d’étrange, notamment en matière de transparence. Précisant qu’« une fois l’ensemble des étapes ci-dessus réalisées, le secrétaire général du ministère des mines et de la géologie se rendra à Pékin, pour rencontrer, en tête-à-tête (sans avocats ni équipes de support et sans autre personne qu’un interprète indépendant), le PDG de Chalco et, trancher l’intégralité des points laisser en suspens ».
De son côté, M. Magassouba, Ministre des mines et de la géologie qui avait toujours refusé de renouveler, pour une année de plus, le protocole d’accord axé sur la relance du projet Simandou, signé sous l’égide du Chef de l’État guinéen en octobre 2016, était en Chine pour, affirme une source proche du dossier, « discuter de Simandou avec la direction de Chalco ». Cette source confirme que « durant la période du 21 au 29 mars 2018, le ministre Magassouba devrait rencontrer, à Singapour le PDG de Chalco. Tout comme M. Magassouba y rencontrerait M. Sun Xiushun, PDG du consortium SMB-Winning et Madame Wu Wei, PDG de la société TBEA Guinée ».
En septembre 2018, des hauts cadres de l’administration guinéenne étaient également mobilisés, à Conakry et Paris, pour l’analyse technique du rapport d’étude final réalisé par Orrick, dans le cadre de « l’assistance au gouvernement de la République de Guinée pour la reprise du projet d’exploitation des ressources en fer du mont Simandou par Chinalco ».
Du 3 au 4 septembre 2018, plusieurs chefs d’État et gouvernements africains ont participé à Beijing, « aux travaux du forum sino-africain sur la coopération » ; parmi lesquels, le guinéen Alpha Condé. Mais ce séjour en Chine du chef de l’État guinéen, n’avait rien changé dans les relations tendues entre l’administration guinéenne et les partenaires, Rio Tinto et Chinalco, tous engagés dans la mise en œuvre de la restructuration de l’actionnariat de Simfer Jersey, qui est le véhicule d’investissement du projet d’extraction du minerai de fer de Simandou sud.
Une source rapporte que « la
rencontre entre Alpha Condé et une équipe de Chinalco conduite par Ge
Honglin a été assez courte, car le président Condé avait compris qu’il
ne pouvait rien obtenir de nouveaux, de ces investisseurs chinois ».
Cette source informe que
« le ministre Magassouba était si fâché
contre Chinalco, que le 10 septembre 2018, il a adressé une lettre
commune aux actionnaires de Simfer pour leur annoncer que la République
de Guinée ne peut que marquer son désaccord ». Quant aux affirmations
comme quoi, Simfer S.A serait en conformité stricte avec ses
obligations, Simfer S.A est et demeure, à ce jour, en défaut par rapport
à ces obligations prévues par le cadre d’investissement et, plus
récemment, sur la caractérisation de plusieurs des cas de retrait de la
concession prévue par le code minier applicable au projet de Simandou
sud.
Cette source qui a consulté cette correspondance de Magassouba avec pessimisme mettant en exergue la colère du ministre et, qui est parvenue à la conclusion qu’« au-delà de toute posture, l’état actuel du projet manifeste indiscutablement une défaillance des actionnaires privés de Simfer S.A et, la Guinée estime avoir fait preuve, dans ce dossier, de toute la patience et de l’esprit constructif requis pour une exécution de bonne foi de nos accords ».
- Magassouba, cité par un de ses collaborateurs a noté, non sans amertume que, « par ailleurs, Simfer S.A et ses actionnaires ont à nouveau pris le parti de ne pas donner suite aux demandes formulées dans mon précédent courrier quant à la fourniture de certains documents essentiels, à la ténue des discussions éclairées sur le développement ultérieur de ce projet ».
Pour un autre collaborateur de Magassouba, suite à la déception consécutive aux rencontres de Beijing suivie d’une concertation entre le ministre Magassouba et le Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana, le gouvernement a convenu qu’« un tel comportement, s’il devait perdurer, ne pourrait qu’être analysé comme manifestant une volonté de blocage du processus de développement du projet Simandou sud, dans l’intérêt de seules parties privées et en violation des engagements envers la Guinée ». Le gouvernement guinéen cité par notre source, trouve qu’« il n’est en effet pas convenable, que des discussions entre actionnaires sur la modification de l’actionnariat d’une société minière aboutissent à un blocage complet de toute activité sur le terrain pendant près de deux ans. Il n’est pas davantage concevable qu’un actionnaire repreneur, qui figure au capital social de Simfer S.A depuis des nombreuses années, refuse d’initier des discussions avec l’État sur les futures modalités de développement du projet repris, avant d’avoir effectivement signé avec son coactionnaire des accords de reprise ».
Le
gouvernement guinéen semblait désormais résolu à affronter les
actionnaires de Simfer sur la base des clauses compromissoires, par le
fait qu’il soit déterminé à mettre un terme aux droits découlant du
cadre d’investissement signé avec le groupe Rio Tinto. Selon une lettre
aux partenaires du Simandou du ministre des mines et de la géologie, «
la Guinée maintient ainsi intégralement sa position, selon laquelle,
elle n’aura pas d’autre choix que de mettre un terme aux droits accordés
à Simfer S.A en contrepartie d’engagement qui n’ont pas été ténus et en
considération de capacités techniques et financières dont Simfer S.A ne
dispose plus en pratique, si un accord global
et définitif satisfaisant pour la Guinée n’est pas trouvé très rapidement au plus tard le
28 octobre 2018 sur la reprise du développement du projet Simandou sud ».
Le gouvernement ne ferme toutefois pas entièrement, les portes à la discussion, ceci étant, « dans un esprit constructif, nous sommes prêts, a écrit M. Magassouba, à vous donner une ultime chance de sauvegarder les droits de Simfer S.A sur le projet Simandou sud, sous réserve que le ministère reçoive, d’ici le 30 septembre 2018, les éléments suivants :
- Un engagement signé par chacune de vos sociétés acceptant la date du 28 octobre 2018 comme date limite à la signature de l’accord final de cession des actions détenues dans le projet par le groupe Rio Tinto ;
- Un projet d’avenant au cadre d’investissement actant le changement d’actionnariat de Simfer S.A ainsi qu’au chronogramme de développement du projet et traitant uniquement de ce qui est strictement nécessaire pour la relance et le développement effectifs du projet ;
- Et, les autres documents visés dans mon courrier du 13 juillet 2018 ».