Je suis Fatoumata Chérif, de la République de Guinée (autrefois Rivières du Sud située en Afrique de louest), un pays riche en diversité culturelle, en biodiversité et en ressources variées.
Je suis Bloggeuse-Activiste, Consultante en Communication et Présidente de lONG FEMMES, POUVOIR ET DEVELOPPEMENT-FEDEP, une organisation qui milite pour la promotion de la place des femmes dans les instances de prise de décision, le leadership, la lutte contre les violences faites aux filles et aux femmes, la Consolidation de la paix et la prévention des conflits, la justice sociale, l’accès aux NTICs, la protection de lenvironnement et le développement durable.
Je suis récipiendaire du Prix Femme leader d’exception 2016 décerné par une organisation guinéenne pour ma contribution à lémancipation de la femme guinéenne.
Parlant de mon parcours académique, après le BAC jai été orientée en Sciences Economiques et Gestion à cause de mes bons résultats en Sciences Exactes mais jai toujours eu un penchant pour la communication. J’ai donc suivi des cours post-universitaires en Marketing/Management et en Management des Médias.
Aujourd’hui, j’exerce un métier libéral en tant que Consultante Indépendante en communication par le biais duquel je travaille avec les organisations tant sur le plan national, qu’international.
Militante écologiste et fervente défenseure des Droits de l’Homme, je m’intéresse aux causes liées à l’environnement, aux droits humains, à la gouvernance et la justice sociale.
2- Qu’est ce qui vous a poussé à vous engager au sein de votre communauté ? Quelles sont les valeurs qui sous-tendent vos actions
Il faut dire que jai été influencée très tôt par mes parents à cause de leur rigueur, leur volonté de bien faire, de donner de leur temps, de leur avoir et de leur savoir. J’ai grandi aussi en voyant mon grand père maternel (paix à son âme) très actif dans sa communauté, exerçant différents métiers en même temps, soccupant de ses enfants, des enfants d’autrui, très altruiste.
Cela a développé en moi, des aptitudes, de la motivation pour apprendre, agir et partager mon savoir avec les autres à l’école, comme dans la vie courante.
Quand je voyais ou entendais des choses se produire, cela suscitait mon attention pour savoir les causes, les conséquences et ce qui pourrait être fait pour changer les choses de façon positive.
De fil en aiguille, j’ai continué à m’impliquer bénévolement dans certaines organisations, en proposant des idées, en innovant. C’est d’ailleurs comme ça que jai eu mon premier boulot. Le coordonateur de cette organisation se posait la question de savoir comment je pouvais faire tout cela, avoir des capacités à cet âge (21 ans à l’époque).
C’est dire que mon engagement est né de ma volonté à contribuer à améliorer les conditions de vie des personnes vulnérables, de renforcer les capacités des jeunes et des femmes et à participer au développement de mon pays en passant de spectateur à acteur.
De nos jours, je suis membre de plusieurs organisations nationales, sous-régionales et au plan africain. Notamment la Plateforme des jeunes pour la paix, la sécurité et la cohésion sociale en Afrique de l’Ouest, la Plateforme de la Jeunesse Africaine pour la Justice Climatique / African Youth Plateform for Climate Justice (AYPCJ), la Plateforme de Blogueurs MONDOBLOG affiliée à RFI, l’Alliance Panafricaine des Médias sur le Changement Climatique et tant d’autres.
3- Quelles sont les valeurs qui vous définissent?
La vision d’une Afrique meilleure, l’altruisme, l’excellence, l’humilité, l’intégrité, l’audace, la persévérance et la foi.
4- Quelles sont les difficultés que vous rencontrez au quotidien en tant que jeune activiste ?
Il est vrai que lorsqu’on défend certaines causes, on est souvent confronté à des difficultés. Au début les gens ne comprennent pas forcement ce qu’on entend faire parce qu’ils le voient autrement, ou pensent qu’en dénonçant certaines causes, on met leurs intérêts en danger. Il y a aussi la pression sociale, la famille car il ne faut pas oublier que certaines actions peuvent influencer directement votre entourage surtout dans le contexte africain où l’action posée par quelquun devient un qualificatif (positif ou négatif) pour toute la famille.
Dans mon pays, nous sommes dans une société où la voix des jeunes ne porte pas (socialement parlant), la parole est donnée aux adultes, et ce qu’ils disent doit être fait même si on est pas daccord. Donc essayer de poser des actes en tant que jeune surtout en tant que femme, demande beaucoup de courage.
Il faut juste être convaincu de ce quon veut surtout de ce qu’on dit. Faire les choses de façon empirique, ne pas faire les choses au hasard. Surtout ne pas se décourager car beaucoup de personnes obligent les jeunes à baisser les bras en leur prodiguant des conseils négatifs, en les effrayant de ce qui pourrait les attendre, en leur miroitant des rêves, en changeant leur vision des choses. Il ne faut jamais se laisser distraire. Il faut poser des actes qu’on est prêt à assumer.
Moi personnellement, quand je suis parmi les adultes, je fais en sorte de défendre mes idées dans le respect, de proposer des actions concrètes. Si l’approche est bonne, ce n’est pas ma jeunesse qu’ils voient, mais mes idées qui ont contribué à faire avancer les choses. Je note que très jeune, jai géré une entreprise où la majeure partie du personnel avait deux à trois fois mon âge. Mais nous avons collaboré et cela positivement.
C’est dire que même si nous sommes jeunes, c’est à travers notre comportement, nos actions, nos façons de faire que nous pouvons trouver notre place dans tous les domaines.
L’expression des jeunes qui pensent que les vieux ne veulent pas d’eux, moi personnellement je ne suis pas d’accord. Ces doyens sont de bonne foi et veulent toujours nous apprendre. Il suffit qu’on soit patient, qu’on accepte de corriger nos erreurs et quon sache que malgré nos diplômes, ils peuvent avoir plus d’expériences que nous. Cest seulement comme ça que nous pourrons avoir un héritage intellectuel sur la base duquel, nous pouvons innover et avancer.
5- De quelle manière les actions que vous posez inspirent-elles les personnes qui vous observent ?
Comme je le disais tantôt, mon ambition n’est pas d’être meilleure parmi les nuls, mais meilleure parmi les meilleurs. Je veux dire par là, que depuis très longtemps, j’ai toujours voulu apprendre, partager ce que j’ai appris, amener les jeunes à se dépasser, à s’améliorer à apprendre, à faire des choses ensemble.
Je pose également des actes fédérateurs car je veux que chacun contribue à sa façon selon son profil à poser des actes dans sa communauté, pour son pays. En montrant le bon exemple, en agissant positivement, en restant ouvert aux autres, aux propositions, aux critiques, on aura la chance d’aller de l’avant et poser des actes qui inspirent.
Dans cet élan, jai même été choisi mentor du programme WIPNET du WANEP-Guinée dans le cadre de son projet « Sensibilisation sur la protection et la promotion des femmes et filles pour une paix durable« .
Etant activiste, il faut amener les jeunes à mieux connaitre les chartes et principaux instruments sous-régionaux, régionaux et internationaux qui promeuvent le rôle et la place des jeunes.
Jai été récemment nominée par la Fondation Phenomenal Africa Woman (#PAW) dans le cadre de son programme I.C.E. [Inspire|Celebrate | Empower] qui promeut les femmes africaines inspirantes. Les objectifs de cette organisation internationale convergent avec ceux de l’Union Africaine (UA) qui a déclaré l’année 2015 comme année de l’autonomisation et du développement de la femme #Agenda2063.
Dans le cadre de mon engagement en faveur du climat, jai lancé une campagne appelée #SelfieDéchets , une campagne d’alerte, de plaidoyer, de sensibilisation et d’actions contre l’insalubrité dans la capitale. Cette campagne a retenu l’attention de plusieurs médias sur le plan international et a inspiré dautres jeunes qui sont en train de le mettre en oeuvre en Mauritanie, en RDC, au Burkina et bientôt dans d’autres pays.
L’opération #SelfieDéchets que mène Fatoumata sur les RS consiste à prendre un selfie devant un tas d’ordures afin d’attirer l’attention des politiques sur l’insalubrité dans nos villes
C’est dire quil faut accepter de partager ses connaissances, ne pas être fermé à la communication, accepter que les gens vous approchent, l’Afrique a d’ incroyables talents. Il serait donc plus constructif, si ces belles idées sont partagées. Même si vous n’êtes pas dans la mise en oeuvre, si cela peut faire avancer votre communauté, votre pays, tant mieux. Le moi ne doit pas dominé.
Mon objectif est de fédérer les jeunes et les femmes autour d’actions qui contribueront à développer notre pays.
6- Quelle (s) figure (s) africaine (s) daujourdhui ou dhier est (sont) votre source dinspiration ? Pourquoi ?
De dynamiques femmes comme la Guinéenne Jeanne Martin CISSE, ancienne Institutrice, première femme à présider le Conseil de sécurité des Nations unies, première vice-présidente de l’Assemblée nationale guinéenne, ancienne Ministre et ancienne secrétaire générale de l’Union panafricaine des femmes.
Le Prix Nobel de la Paix Feu Nelson MANDELA, symbole de la lutte contre l’apartheid, Tony ELUMELU entrepreneur qui a su se démarquer sur le plan africain et mondial et classé parmi les plus influents.
Ces personnalités ont su par leur savoir, leur grandeur dame, leur performance, poser des actes forts sur le continent. Ils inspirent la jeunesse, leurs paroles assagissent, encouragent et nous poussent aller de lavant, à ne pas baisser les bras.
Outre ces figures emblématiques, je suis inspirée par les braves femmes de Guinée qui se lèvent aux aurores pour se battre pour leurs familles, pour changer leurs situations, par ces personnes qui, malgré leur handicap moteur, parfois visuel, entreprennent, étudient pour sortir de la mendicité, pour sortir du stigmate que la société leur impose. Je suis inspirée par les jeunes de Guinée qui malgré toutes les difficultés de développement, ne baissent pas les bras.
7- Jusqu’où pourriez-vous aller pour défendre vos idées ?
Je suis prête à tout pour défendre mes idées. C’est d’ailleurs ce qui fait de moi ce que je suis aujourd’hui car dans n’importe quelle situation, je fais en sorte de ne pas perdre de vue mes objectifs, mes idées tout en apprenant de mes erreurs. Donc, s’il faut le faire devant le Président de mon pays, aux Nations Unies et toutes puissances du monde, je le ferai. Quand nous sommes convaincus de l’action quon mène avec conviction, on est prêt à tout sans hésitation.
L’Afrique a besoin de jeunes, de femmes qui vont au-delà des intérêts personnels.
8- Pouvez-vous raconter un évènement qui vous a marqué dans laccomplissement de votre tâche en tant qu’activiste ?
Positivement ? C’est quand l’année dernière à la COP22 à Marrakech, dans mes actions de sensibilisation de ma campagne #FemmeVision2030 qui vise à vulgariser les ODDs et faire des jeunes et des femmes des acteurs pour leurs mises en oeuvre, jai rencontré par hasard l’envoyée spéciale du Secrétaire Général des Nations Unies pour les Objectifs de Développement Durable (ndlr Dessima Williams), qui a été agréablement surprise de voir une jeune africaine défendre les mêmes causes. Elle a dit « You are the next generation of africans women leaders. I’m very proud of you« . Vous savez, on le néglige parfois, mais autant les mots peuvent blesser autant les mots peuvent encourager. Il faut donc être motivée et motiver autour de soi. Cette rencontre m’a galvanisée et m’a motivée davantage à poser des actions concrètes. Je suis une Ambassadrice de mon pays, de l’Afrique, il faut donc que je porte l’étendard en posant de bonnes actions avec une incidence sur les jeunes et les femmes.
Négativement, C’est quand je vois que malgré tous les efforts des activistes, les jeunes filles continuent à être violées, que l’environnement continue à être dégradé, que des jeunes migrants continuent à mourir dans l’océan, que des journalistes sont tués, que des blogueurs dans certains pays sont privés de leur liberté d’expression.
9- Que pensez-vous de l’Union Africaine actuelle et de la politique africaine ?
Elle est assez politique et devrait s’intéresser davantage aux questions qui touchent directement les populations notamment les questions environnementales, d’énergie, d’éducation, de terrorisme, d’immigration. Je crois qu’à ce stade, après une cinquantaine dannées, nous avons pris assez de temps pour rédiger, l’heure est à l’application. Il faut que l’Union Africaine fasse participer les jeunes aux différentes commissions, s’ouvrir aux pays les moins avancés, fasse en sorte que les voix africaines soient portées sur le plan international. Que l’Afrique soit unie, une et indivisible. Sur le continent africain, on a parfois l’impression qu’il est divisé en plusieurs semi-continents tant les réalités sont différentes selon les régions (sud, nord, subsaharienne, est). Mais je crois que l’espoir est permis.
Je profite pour féliciter le Président de la République de Guinée, pour sa récente élection à cette Institution.
10- De quelle façon les jeunes africains peuvent-ils être un moteur de changement pour le continent ?
En se formant, en s’impliquant dans la Gouvernance locale de leur communauté. Une jeunesse instruite, ne peut être manipulée. Pour être bien instruit, il faut que les programmes du système éducatif soient réévalués pour une meilleure adéquation avec les emplois. C’est dans ce cadre d’ailleurs que jai lancé une pétition pour l’introduction des objectifs de développement durable dans le système éducatif guinéen pour que les cours dispensés tiennent comptent des nouveaux défis de la mondialisation.
Je demande aux parents, de ne pas influencer le choix des filières d’études à leurs enfants. Ils doivent les laisser s’exprimer dans le domaine qui les inspire et qui leur convient tout en les aidant à mieux cadrer ce choix.
Les nouveaux médias sont aujourd’hui le cinquième pouvoir. En les utilisant à bon escient, on peut influencer les décideurs, on peut créer des startups, poser des actions citoyennes et s’auto-employer.
11- Si vous aviez un message à passer à la jeunesse africaine, que diriez-vous ?
Nous devons profiter de notre diversité culturelle, de notre sens de l’innovation pour booster les choses dans nos pays. La jeunesse africaine doit être en réseau pour ne pas agir de façon isolée. Avec peu de moyens et dans des conditions parfois très difficiles, nous arrivons à poser des actes concrets, à évoluer. C’est dire que nous sommes résilients avec une forte capacité d’adaptation. Parfois c’est en se mêlant aux autres que nous pouvons découvrir notre passion, notre potentiel, travailler sur nos faiblesses. Il faut souvent sortir de sa zone de confort pour découvrir de nouvelle chose, ici et ailleurs. C’est une chance d’appartenir à cette jeunesse.