Conakry et les ordures, c’est une histoire de fidélité sans faille !

Il fut un temps, Conakry était appelée la perle de l’Afrique de l’Ouest. Au fil des annéees, la capitale guinéenne s’est forgée à devenir un dépotoir d’ordures à ciel ouvert. De nos jours, pas un seul carrefour, pas une seule ruelle, pas un seul caniveau n’est épargné par l’insalubrité. Conakry est sale. De Kaloum – la commune qui abrite les sièges des institutions républicaines et la plupart des grandes entreprises – à KM 36, des montagnes d’immondices ont fait leur apparition. Il n’est plus possible de respirer de l’air pur ; partout, l’on est accueilli par une odeur nauséabonde.

Au cours de la dernière décennie, les nominations intervenues à la tête du gouvernorat de Conakry n’ont pas pu apporter une solution à l’épineuse question d’insalubrité. Les PME qui se lancent dans la collecte, le transport et le traitement (il n’existe toujours pas une usine de traitement de déchets) des ordures ménagères sont vite rattrapées par la réalité : les difficultés financières. Et le tout soutenu par la bénédiction de l’inconscience citoyenne. En effet, peu sont les ménages qui se souscrivent au service d’une de ces entreprises, car les prix de leur prestation sont jugés onéreux (généralement 40 000 GNF par mois, environ 4€).

Selon le SPTD (service public de transfert de déchets), les 2 500 000 habitants de Conakry produisent quotidiennement 8 000 tonnes d’ordures. Par manque de politique de salubrité, elles se retrouvent rapidement dans la nature. Dans les marchés, les produits alimentaires dont certains sont destinés directement à la consommation – sans aucune possibilité de les laver donc – cohabitent en parfaite harmonie avec les saletés. Rares sont les lieux publics qui sont à l’abri du phénomène. Conakry offre à ses visiteurs un visage hideux.

Cette situation de ville sale a favorisé l’émergence de toute sorte d’insectes (piquant ou non) : moustiques, mouches, cafards, etc. Mais aussi de chiens errants, de grenouilles et de chats se baladent partout. D’après les aînés, avant l’indépendance, on procédait fréquemment à la pulvérisation – eh pardon j’avais oublié que le mot pulvérisation est devenu synonyme d’exécuter les otages ! – des lieux publics pour les séparer de moucherons.

Tout le monde est coupable

Si Conakry est autant sale, c’est parce que tout le monde a laissé la situation pourrir. Tout d’abord, le gouvernorat continue à gérer directement la question, au lieu de jouer le rôle de superviseur. Ailleurs dans les grandes villes pendant que de structures – privées – se chargent de l’assainissement, ici c’est le SPTD, un service qui est rattaché à la première autorité de Conakry qui continue à valider l’image d’une ville insalubre… C’est cela qui doit changer.

La décentralisation des pouvoirs permettrait de retrouver l’image d’antan, dont les Conakrykois étaient fiers. En effet, en chargeant aux autorités locales (maires, chefs de quartiers, présidents de délégation spéciale) de veiller au maintien de leur environnement sain, où il ferait bon d’y vivre, le gouvernorat de Conakry pourrait débarrasser sa circonscription de toute saleté. Pour y arriver, il peut même mettre sur pied une forme de compétition entre les cinq communes qui composent la ‘zone spéciale de Conakry’, décerner un prix chaque mois à la ‘meilleure commune’ et sanctionner le(s) mauvais élève(s). Imaginez que le président d’une délégation spéciale apprend au journal de 20h 30′ de la télévision nationale qu’il est limogé à cause des ordures qui jonchent les rues de sa commune… Je ne pense pas que les autres resteraient bras croisés, ne serait-ce que pour garder leur poste.

Ensuite, les autorités locales ne se sentent toujours pas concernées par la question et préfèrent la laisser à celles du gouvernorat. Pourtant, au niveau de chaque marché, il y a une commission – sortie de nulle part – qui rançonne les vendeuses chaque jour pour officiellement financer le nettoyage dudit lieu. Mais aucune trace de leur travail n’est visible sur le terrain. Ces marchés dégagent une odeur pestilentielle.
L’attitude expectante des élus locaux ne cesse de croître.

Enfin, les citoyens – qui produisent ces ordures – ne se soucient pas de leur devenir. En toute saison, Conakry est sale. Ici, les caniveaux ne sont pas des canaux d’évacuation de l’eau de ruissellement, au contraire, ce sont des trous où l’on se débarrasse de ses ‘collis gênants’. En saison hivernale, on attend la pluie pour balancer les ordures dans les caniveaux dans l’espoir que l’eau qui y coule les traînera jusqu’en hauteur mer. Conséquence : beaucoup d’entre eux ont fini par boucher, donnant ainsi lieu à des inondations dans certains quartiers de la capitale. Pas surprenant quand on sait que la pluviométrie atteint 4 200 mm d’eau par an.

Un caniveau rempli de déchets à Conakry -Crédit photo : DR.
En saison sèche, les ordures accumulées sont brûlées dans les concessions, offrant une image de volcan en activité avec une longue fumée qui monte vers le ciel, accompagnée de conséquences environnementale et sanitaire désastreuses. D’autres par contre attendent l’éclipse du soleil pour aller les déposer sur la chaussée. Aujourd’hui, il n’existe pas une rue propre à Conakry. Et la population ne semble pas se préoccuper du sort de leur environnement.

Des images d’automobilistes qui jettent leurs ordures par les vitres de leur véhicule ou des occupants d’immeubles qui se séparent de leurs déchets en les jetant par les fenêtres sont devenues de choses banales.

Une question juteuse

Contrairement à la stratégie de Sekou Resco Camara – gouverneur de Conakry entre 2010 et 2014 – qui favorisait l’emploi de la force, son successeur, Soriba Sorel Camara, nommé en mars dernier, a opté pour la distribution généreuse de billets de banque. Selon un rapport rendu public récemment, l’assainissement de la ville a coûté 7,5 milliards de Francs guinéens (plus d’1 million de dollars us) pour la simple période allant d’avril à juin 2014. La moindre action est récompensée par des millions de Francs. Des images de jeunes ou femmes balayant telle ou telle autre rue d’un quartier sont fréquemment diffusées à la RTG (radio télévision guinéenne) sans qu’il n’y ait de résultats concrets sur le terrain. Cela dit, un groupe de jeunes gens coincés dans le chômage peut se regrouper en une association de ‘balayeurs’ et demander aux autorités de lui venir en aide. Non seulement sa demande sera accédée dans un bref délai, mais aussi tous les supports médiatiques de l’État seront à sa disposition. Finit la galère !!!

Tant pis si on découvre au petit matin des ordures dans le quartier assaini la veille. L’important est que la propagande des autorités locales ait passé auprès de leur hiérarchie et – surtout – l’argent ait coulé à flot.

Malgré la quantité importante d’argent jeté dans la recherche d’une ville salubre, la capitale guinéenne ne semble pas être prête à offrir un environnement immaculé : Conakry et les ordures, c’est une histoire de fidélité sans faille !

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