Cellou: La seule chose qui me sépare de la présidence, ce sont les risques de fraudes électorales
Sa Guinée natale est peut-être petite: cela n’empêche pas Cellou Dallein Diallo de nourrir, pour elle, de grandes ambitions. De passage à Montréal, le chef de l’Union des forces démocratiques de Guinée, le principal parti d’opposition du pays, a parlé avec Métro de la «révolution tranquille» qu’il entend accomplir en Guinée s’il remporte les élections présidentielles de 2015.
Quels sont les objectifs de votre tournée à Montréal?
Je viens à la rencontre de la communauté guinéenne des États-Unis et du Canada [NDLR : environ 8 000 Guinéens habitent à Montréal] pour les sensibiliser aux enjeux de la prochaine échéance électorale. Nous avons besoin de leur soutien politique et financier pour sortir la Guinée de sa marginalisation et de son extrême pauvreté résultant de la mauvaise gouvernance instaurée depuis 2010 par l’actuel président, Alpha Condé.
L’an dernier, la croissance de la Guinée a stagné à 2,3%. La Sierra Leone et le Liberia, pendant ce temps, connaissaient des taux de croissance de 13% et de 9%. Mon pays, malgré l’annulation récente de sa dette, recule, notamment en ce qui concerne le respect des droits de la personne. Des assassinats ont été commis par les forces de l’ordre sans que les coupables aient été traduits en justice. Pour ajouter une ombre à ce tableau déjà sombre, la Guinée n’a jamais été aussi divisée. C’est ainsi que gouverne M. Condé: en divisant pour mieux régner, en favorisant une communauté au détriment de l’autre.
Les risques sont-ils grands que le pouvoir actuel, s’il est défait aux élections de 2015, cherche à se maintenir par la force?
Oui, ce risque est énorme, et c’est pourquoi je veux que la communauté internationale s’implique fortement dans le scrutin de 2015, pour éviter qu’Alpha Condé répète une mascarade électorale semblable à celle de 2010.
La mauvaise foi du pouvoir en place est d’ores et déjà palpable: la commission électorale nationale est inféodée au régime, et Alpha Condé demeure allergique à ce qu’il appelle «l’ingérence étrangère», c’est-à-dire la présence d’observateurs internationaux pour surveiller le bon déroulement du processus électoral. Quelqu’un voulant commettre un crime sans témoin ne s’y prendrait pas autrement!
La Guinée regorge de minéraux. Comment comptez-vous exploiter votre sous-sol de manière à ce que tous les Guinéens en profitent?
Il faut rassurer les investisseurs en établissant un cadre juridique qui préserve les intérêts de l’État guinéen tout en garantissant la rentabilité des investissements extérieurs.
Pour ce faire, je m’engage à m’appuyer sur une administration moderne, efficace, composée de fonctionnaires compétents et intègres. On ne peut pas tolérer le laxisme, l’impunité et la corruption au sein de notre administration: je veux moi-même en être l’exemple.
De plus, nos matières premières quittent présentement le pays à l’état brut: je veux encourager la transformation de nos ressources au sein même de la Guinée, pour offrir de meilleures retombées et de meilleurs emplois aux Guinéens.
Une de mes priorités sera par ailleurs la mise en place d’un système éducatif performant en Guinée [NDLR: à peine 40% des Guinéens savent lire et écrire]. Il est primordial de transformer nos écoles pour que nos jeunes profitent d’une éducation de qualité et pour que nos projets soient menés par des travailleurs compétents.
Vos réformes s’annoncent coûteuses. Sur quel levier financier comptez-vous vous appuyer pour mener à bien votre programme?
En premier lieu, sur les ressources fiscales. Après la révision complète des contrats d’exploitation, les retombées de l’industrie minière dans les coffres du pays devraient être plus importantes. Ensuite, grâce à des projets qui seront sérieux, structurés et bien documentés, nous comptons attirer l’aide internationale et les investissements privés directs.
La meilleure manière d’y parvenir, c’est de mettre en place un État de droit fort qui saura garantir la sécurité des capitaux. Ensuite, nous devrons développer des infrastructures de qualité pour devenir un État crédible.
Vos chances d’être le prochain président guinéen semblent grandes. Si vous accédez au sommet de l’État, quelle trace aimeriez-vous laisser dans l’Histoire?
J’aimerais qu’on se souvienne de moi comme du président qui aura instauré un État de droit en Guinée, qui y aura solidifié la démocratie et qui aura modernisé le pays. Ce que j’aimerais léguer à mon peuple, c’est la sécurité et la liberté.
Sebastian