Impliqué en Guinée, le roi du diamant s’est mis à l’abri en Israël
Accusé de corruption par le régime guinéen, Beny Steinmetz n’est pas près d’être rattrapé par la justice. Le dossier s’enlise
L’histoire peut se résumer ainsi : en 2008, la société minière Beny Steinmetz Group Resources (BSGR) obtient pour 165 millions de dollars la concession des blocs 1 et 2 de Simandou, en Guinée, le plus vaste gisement de fer non exploité du monde. C’est apparemment une fort belle affaire puisque 18 mois plus tard, BSGR revend 51 % de ses parts au groupe brésilien Vale pour 2,5 milliards de dollars ! Seulement voilà, pour obtenir cette concession, Beny Steinmetz, qui réside alors à Genève, est soupçonné d’avoir soudoyé Mamadie Touré, la quatrième femme du feu président guinéen Lansana Conté. En 2013, un homme d’affaires français, Frédéric Cilins, est arrêté aux États-Unis : il a tenté d’acheter pour cinq millions de dollars le silence de Mamadie Touré.
Une fortune estimée entre 6 et 8 milliards de dollars
Or, Frédéric Cilins est surnommé par le Wall Street Journal « le lobbyiste de BSGR ». Beny Steinmetz sent le vent du boulet : il préfère vendre à son frère Daniel ses parts dans Steinmetz Diamond Group Resources (Le Point Afrique du 19 août 2014). D’autant qu’il sait qu’il a face à lui un magistrat particulièrement pugnace, le procureur genevois Claudio Mascotto, en charge de l’instruction. Fils d’un tailleur de diamants, Beny Steinmetz, né en 1957 en Israël, a d’abord prospéré en mettant la main sur des concessions diamantaires en Namibie, en Angola, au Botswana, en Sierra Leone, avant de s’intéresser au cuivre, au cobalt, au minerai de fer, au pétrole, au gaz. Sa fortune est évaluée entre 6 et 8 milliards de dollars.
Départ de Genève en avril 2016
Alors, deux ans et demi plus tard, le roi du diamant a-t-il commencé à rendre des comptes à la justice ? Pas le moins du monde. Comme le souligne le quotidien suisse Le Temps, Beny Steinmetz a quitté son bel appartement du quai du Mont-Blanc, face au lac Léman, en avril 2016 pour retourner en Israël. « L’enquête qui le vise à Genève est l’un des facteurs expliquant cette décision. Mais la révision du forfait fiscal dont bénéficiait le milliardaire a aussi pesé dans la balance », ironise le journal.
Mutisme du principal témoin
Plus ennuyeux encore, le procureur Claudio Mascotto n’a toujours pas pu entendre Mamadie Touré, qui vit aujourd’hui aux États-Unis. De nombreux documents recueillis par l’instruction semblent démontrer que BSGR a su se montrer, à plusieurs reprises, particulièrement généreux envers la quatrième épouse de l’ancien président guinéen Lansana Conté. Seulement voilà, la veuve risque d’être à son tour mise en examen. Elle ne se bouscule donc pas pour venir témoigner, d’autant que Washington lui a promis un passeport américain…
Une fondation au Liechtenstein
Et même si Mamadie Touré acceptait (enfin) de témoigner, Beny Steinmetz pourrait toujours prétendre qu’il n’a jamais été le propriétaire de Beny Steinmetz Group Resources (BSGR). C’est ce que nous avait expliqué Marc Bonnant son avocat suisse. « BSGR appartient à des sociétés qui elles-mêmes appartiennent ultimement à la fondation Balta à Vaduz au Liechtenstein. Beny Steinmetz n’exerce aucune influence ni dans les faits ni statutairement sur la fondation Balta. » Marc Bonnant, en revanche, est l’un des administrateurs de la fondation Balta.
Lu sur http://afrique.lepoint.fr/