La Cour suprême de Guinée a rejeté mardi le pourvoi
partiel formulé par les parties civiles contre la requalification en « crimes
ordinaires » du massacre du 28 septembre 2009 et le non-lieu en faveur d’officiers
militaires. Cet arrêt, qui ne peut faire l’objet d’aucun recours, clôt
définitivement l’instruction et ouvre la voie à la tenue du procès, « s’il y a
une réelle volonté politique », selon l’avocat des victimes.
C’est un tournant pour l’affaire dite du « massacre
du 28 septembre 2009 » en Guinée. La Cour suprême guinéenne a confirmé mardi la
clôture de l’enquête sur ce massacre qui a coûté la vie à 157 personnes et
durant lequel 109 femmes ont été violées dans un stade de Conakry par des
militaires. Il n’y a désormais plus aucun obstacle juridique pour la tenue du
procès.
Bloquée par des contraintes, notamment financières,
l’ouverture du procès était également paralysée par un recours partiel formulé
par les parties civiles contre l’ordonnance de renvoi devant la juridiction de
jugement prise le 29 décembre 2017 par le pool de juges d’instruction.
Formulé le 9 janvier 2018 par les avocats des
parties civiles, le recours rejeté auparavant par la Cour d’appel de Conakry
contestait le non-lieu accordé au général Mathurin Bangoura, actuel gouverneur
de la capitale guinéenne et à Bienvenu Lamah, commandant d’une milice
stationnée au camp de Kaléah (préfecture de Forécariah, au sud de Conakry).
Dans son ordonnance de non-lieu, le pool des juges
d’instruction n’a pas retenu « de charges suffisantes contre eux », regrette la
Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH). « Plusieurs
dizaines des ses recrues [de Bienvenu Lamah, ndlr], en tenue civile et armées
d’armes blanches, ont participé au massacre », estime-t-elle.
Requalification en « crimes ordinaires »
L’autre contestation portait sur la requalification
des chefs d’accusation de « crimes contre l’humanité », qui pèsent sur les auteurs
présumés du massacre du 28 septembre 2009. « La Cour suprême a déclaré les
parties civiles mal fondées dans leur pourvoi. Elle a donc adopté la position
de la Cour d’appel, qui a considéré le massacre du 28 septembre comme étant des
“crimes ordinaires” », explique Me Hamidou Barry, coordinateur du collectif des
avocats des victimes du massacre. Ce 28 septembre 2009, le massacre avait
officiellement fait 157 morts, 109 femmes violées et 89 disparus parmi des
opposants au chef de la junte, Moussa Dadis Camara, réunis au stade de Conakry
pour s’opposer à son éventuelle candidature à la présidentielle de 2010.
Et pourtant, « le rapport des Nations unies qui a
été versé au dossier de la procédure a qualifié le massacre de crimes contre
l’humanité, défend Me Barry. L’affaire est sous examen préliminaire de la Cour
pénale internationale depuis octobre 2010. La preuve en est que la procureure
Fatou Bensouda a effectué 16 missions en Guinée depuis cette date. Enfin,
messieurs Moussa Dadis Camara et Toumba Diakité [aide de camp de ce dernier,
détenu à la Maison centrale de Conakry, ndlr] ont été inculpés sur le fondement
de l’article 28 du Statut de Rome du 17 juillet 1990 ».
Retour de Dadis et indemnisation des victimes
L’arrêt de la Cour suprême ne pouvant être
contrattaqué, l’avocat des victimes entend désormais faire valoir ses arguments
lors du procès dont l’ouverture ne dépend plus que « d’une réelle volonté
politique ». Toutefois, Me Hamidou Barry confie que ses clients tiennent au
retour de Moussa Dadis Camara, en exil au Burkina Faso, et à l’examen par la
Cour d’appel de la plainte contre Sékouba Konaté, deuxième personnalité de la
junte au pouvoir au moment des faits, qui n’a toujours pas été entendu sur son
implication présumée.
L’autre demande de l’avocat porte sur «
l’indemnisation provisoire des victimes comme l’ont été les opposants ».
Molestés dans le stade ce 28 septembre, Cellou Dalein Diallo, chef de file de
l’opposition et de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), Sidya
Touré, leader de l’Union des forces républicaines (UFR) et Jean-Marie Doré,
l’ancien président de l’Union pour le progrès de Guinée (UPG) – depuis décédé
-, avaient chacun été indemnisés à hauteur de 2 milliards de francs guinéens.