Guinée : Galerie de portraits des présumés responsables du 28 septembre

Moussa Dadis Camara :  L’art d’entrer dans l’Histoire par effraction.Il rêvait de donner à la Guinée, en forte déliquescence depuis la mort du Général Conté, des attributs dignes d’un État ; mais il n’aura réussi qu’à la faire effondrer. Pour mieux caricaturer, il y a cette boutade du Pr Alpha Condé à sa prise de pouvoir : « J’ai hérité d’un pays, non d’un Etat », répétait le président Condé à tous ses visiteurs. Dadis Camara incarnait à lui seul tout ce que la nation compte de démagogues, nostalgiques d’une Guinée des années 70.
Revanchard et anti-impérialiste exubérant, c’était un gros admirateur de feu Thomas Sankara. Le Capitaine Dadis a donné son pays en spectacle à l’opinion mondiale, à coups de bouffonneries. Alternant coups de gueule contre ses collaborateurs et diatribes contre l’Occident.
Ancien président du CNDD, Chef de l’Etat et Commandant en chef des Armées, la responsabilité de Moussa Dadis Camara dans le massacre ne fait, logiquement, l’ombre d’aucune controverse ; même si l’ex-N° 1 de la transition continue d’instrumentaliser la polémique sur son cas par presse et réseaux de lobbyistes interposés. «En tant que commandant en chef des Forces armées, le Président Camara a l’ultime pouvoir de commandement sur toutes les forces de sécurité engagées (…). La Guinée est (…) sous le contrôle d’un Gouvernement militaire qui a pris le pouvoir à la faveur d’un coup d’État. Le Gouvernement est intégré dans une structure hiérarchique militaire, avec le Président en position de commandant suprême. (…).» Conclusion de la Commission d’enquêtes : « Il existe des raisons suffisantes de présumer une responsabilité pénale directe du Président Moussa Dadis Carnara, voire une responsabilité de commandement, pour les faits qui se sont produits dans le contexte de l’attaque et les jours suivants. »
Toumba Diakité : L’homme par qui la parenthèse militaire a été refermée.
Dans le carré d’As des ténors les plus en vue du CNDD, Toumba Diakité restera (devant Dadis, Konaté et Tiégboro) la grande énigme à déchiffrer. Toumba n’était pas la figure de proue certes, mais il restera le symbole emblématique d’un régime qui cristallisait haine, méfiance et rejet. L’énigme Toumba tient tout à la fois du mystère, voire du mystique, et de la brutalité qu’il répandait. Sa disparition rocambolesque – qu’on dit mystique – après avoir attenté à la vie de son ex-patron accrédite l’idée. On le voit bien, que l’ancien garde du corps de Dadis, friand d’amulettes et de magie noire, reste un personnage mystérieux. Alors que tous les témoignages insistent sur sa présence au stade, baïonnette à la main et donnant des injonctions à des hordes de milices déchainées, Toumba, lui, soutient le contraire. Pour l’ONU, « La responsabilité pénale directe du lieutenant Aboubacar Sidiki Diakité (dit Toumba), (s’établit aisément en raison) de sa responsabilité de commandement, pour les faits qui se sont produits dans le contexte de l’attaque du 28 septembre et les jours suivants. » Pour ces faits, le rapport supporte « qu’il existe une présomption suffisante de responsabilité pénale directe du lieutenant Toumba dans les crimes commis lors des événements du 28 septembre et des jours suivants. »
Toto Camara : L’homme qui se rêvait Président N uméro 2 du CNDD, et patron de la Police
Le général Mamadouba Toto Camara offrait l’image de l’officier discret et effacé jamais repu de pouvoir. Rarement en porte-à-faux avec les idées générales. Même si contre mauvaise fortune, il faisait bon cœur, lui l’officier bon teint, instruit et formé dans les meilleures académies. Toto voulait être président, avant de reculer devant le chaos ambiant créé par de jeunes militaires fougueux. Ces derniers lui ont préféré d’ailleurs un des leurs, plus jeune. En réalité, pour avoir longtemps flirté avec le pouvoir de Lansana Conté – dont on dit affectivement proche -, et pratiqué ses arcanes, Général Toto était pétri de ruse et attendait sans doute son heure. Pour l’ONU, le patron de la Sécurité ne saurait être ignorant de l’implication de ses hommes aux violences: « Le Ministre de la Sécurité publique, le général de division Mamadouba Toto Camara, ainsi que les cadres de la Police nationale, en particulier en ce qui concerne l’implication de la police dans les événements.»
Général Sékouba Konaté :
L’héritier parricide C’est l’homme par qui la controverse sur les rôles et responsabilités des ténors de l’ex-junte dans le massacres a pris corps. Depuis l’extradition de Toumba, Konaté, le Général « en attente », a cru bon de sortir de sa réserve pour porter, le premier, l’estocade à ses anciens amis. Dans un discours à l’emporte-pièce, haché, l’ex-homme fort de la junte dénonçait certains de ses anciens collaborateurs de responsabilités graves dans le massacre. Mais l’homme est connu pour ses revirements. 48 heures plus tard, face au tollé suscité par sa sortie retentissante et la rage de ses anciens alliés, le Général a cru bon de jeter l’éponge. Soupçonnant quelques mains rancunières derrière la diffusion des extraits sonores de sa propre sortie. Absent de Conakry au moment des faits, Sékouba Konaté a, disent les mauvaises langues, précipité la mise à mort du CNDD. Dès son retour à Conakry, il s’est livré à un violent réquisitoire contre son ex-ami Dadis, l’accusant ouvertement d’avoir trahi les idéaux originels du CNDD. Mais l’homme est connu pour son opportunisme, surtout, disent ses détracteurs, pour ses frasques légendaires. En raison de son ascendance accrue sur ses ‘‘gendarmes’’, et en sa qualité de ministre en charge de la Défense, Konaté ne peut récuser les accusations l’impliquant, via ses troupes dans les tueries, le déplacement des cadavres, et dans les autres événements qui ont eu lieu dans les camps de Samory Touré et de Koundara. Mais le rapport de l’ONU veut bien croire que seule « une enquête approfondie sera nécessaire pour déterminer le degré de leur implication et d’envisager une responsabilité individuelle découlant de leurs actions. »
Colonel Chérif Diaby
colonel diaby
L’illustre inconnu M inistre de la Santé sous la junte, le colonel Chérif Diaby est aussi nommément cité dans le rapport d’experts, qui lui attribue une éventuelle responsabilité pénale directe, voire aussi une responsabilité de commandement. La Commission d’enquêtes a admis « que les traitements médicaux et l’accès aux soins ont été refusés aux victimes blessées, et qu’il y a eu de surcroît manipulation de la documentation médicale pour dissimuler l’origine des blessures et des décès. » Faits graves s’ils étaient confirmés, après enquêtes judiciaires, l’ONU avance que : « Le ministre de la Santé a été vu à l’hôpital alors qu’il agressait verbalement le personnel soignant, leur demandant « qui vous a donné l’ordre de soigner ces gens? », donnant un coup de pied à un blessé, fermant la pharmacie et confisquant les médicaments sur les patients qui en ressortaient. »
Fodéba Isto Keira: L’éboueur du stade du 28 septembre
Il a refusé de démissionner du Gouvernement, au contraire de nombre de cadres de sa génération, aux lendemains du massacre. Cette attitude avait en son temps suscité de nombreuses interrogations au sein de la couche juvénile. Pour cet ami des jeunes, grand organi-sateur d’événements horspairs qui aimait faire la fête, l’attitude était inconcevable. L’ex-organisateur de soirées récréatives, bombardé ministre par un Dadis plus que nostalgique était jusque-là absent des répertoires officiels des tueurs. L’ONU vient de lever le voile sur cet ancien Ministre de la jeunesse et du sport. Son implication, selon le document, est en relation avec le nettoyage du stade et la destruction subséquente des preuves du massacre.
Claude Pivi alias Coplan
Le ‘‘Dur à cuire’’ A utre prouesse, celle du capitaine Claude Pivi alias Coplan. A la faveur de la présidentielle de 2010, il a réussi à s’infiltrer dans l’escarcelle du pouvoir, s’attirant les bonnes grâces de la République. Même s’il détient un blanc-seing provisoire qui l’éloigne des projecteurs de la justice, le Capitaine Pivi sait qu’il passera à la trappe de l’appareil judiciaire. Le garde des Sceaux a d’ailleurs prévenu : « Tous … tous seront mis en congé pour répondre à la justice ». Pivi continuera-t-il de bénéficier de la mansuétude du pouvoir, pour se soustraire d’une interpellation du tribunal ? En raison de son poste assez stratégique dans l’appareil sécuritaire présidentiel d’alors et sa position dans la hiérarchie militaire (Ministre de la sécurité présidentielle), aucun argument ne peut disculper ce fidèle d’entre les fidèles de Dadis d’avoir été ‘‘renseigné’’ sur le massacre en cours de planification. Même s’il tend à se disculper, le jugement de l’Onu, à son égard, est sans appel : « Suivant la hiérarchie officielle et conformément à ce qui a été rapporté à la Commission, le capitaine Pivi est le supérieur hiérarchique du lieutenant Toumba dont les subordonnés font partie de la sécurité présidentielle, placée sous le commandement de Pivi ». L’Onu nuance cependant : « Leur rôle et leur degré exact d’implication dans les événements du 28 septembre et des jours suivants devraient être examinés dans le cadre d’une enquête judiciaire. »

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