Guinée / Affaire Simandou : Vous avez dit « corruption » ?
Une fois de plus le fer de Simandou fait parler de lui. Pas dans le cadre de son exploitation ou de sa mise en valeur mais dans une obscure affaire de soupçons de corruption.
En résumé, un présumé proche du Président Alpha Condé a reçu 10 millions de dollars d’un dirigeant de Rio Tinto. Ledit dirigeant a été suspendu et Rio Tinto a ouvert une enquête interne. Le communiqué émis par Rio Tinto au sujet de ce paiement informe qu’il concernerait les négociations autour du gisement de fer de Simandou.
La presse internationale s’est aussitôt saisie de l’affaire et la transformée en « scandale de corruption » « éclaboussant » le Président Alpha Condé. La presse guinéenne, jamais en reste de sensationnel mais avec un sens du discernement très approximatif, a également repris l’affaire allant jusqu’à dire que des « preuves accablantes » existent contre le Président guinéen (africaguinee.com).
Revoyons tout ceci avec un peu plus de recul en relisant les dépêches des agences de presse sur le sujet:
Dans son communiqué, Rio Tinto a évoqué des « paiements suspects » dans un cadre « contractuel ». Jamais le mot « corruption » n’est employé.
Le bénéficiaire des paiements, François De Combret, est un français « camarade de classe du Président guinéen ». Jusqu’à preuve du contraire, il n’a ni mandat officiel de négocier au nom de la Guinée, ni un décret le plaçant parmi les conseillers du président Alpha Condé. Ce qui est étonnant c’est la manière dont les médias qualifient ce monsieur au fur et à mesure de l’évolution de l’affaire ; au début c’était « un ami » du Président, ensuite « un proche », puis « un intermédiaire » enfin « un conseiller ». Le choix des mots n’est pas fortuit et ce glissement sémantique progressif est tout sauf innocent. Pour rappel le communiqué de Rio Tinto, quant à lui, parle d’un « consultant conseillant le groupe (Rio Tinto) ».
Enfin, personne n’a pour l’instant produit une quelconque preuve de l’implication d’un officiel guinéen dans ces « paiements suspects ». Les fameuses preuves de France 24 sont des enregistrements de De Combret et de lui seul.
En attendant la suite de l’enquête interne de Rio Tinto (dont les conclusions ont été réclamées par la Guinée), il y a lieu de se demander ce que signifie cet acharnement médiatique sur le fer du Simandou et, particulièrement sur le gouvernement guinéen et son Président.
Jamais, depuis le retrait des blocs de Vale-BSGR, le fer du Simandou n’a autant fait parler de lui. Il serait naïf de ne pas faire un lien entre cette récente « affaire » et celle qui a entraîné la chute du groupe de Benny Steinmetz en Guinée. Tout ce battage ressemble malheureusement à une tentative de décrédibiliser le traitement qui a été réservé en son temps à BSGR et ce, dans la perspective de son traitement judiciaire.
La puissance financière de Benny Steinmetz lui permet d’entretenir des lobbys et des groupes de campagne médiatique à très grande influence. Quand la Guinée peine à mobiliser ses maigres ressources pour des communiqués purement formels, Benny Steinmetz dispose d’une armada de communicants qui écument les médias internationaux. Pour s’en faire une idée, le groupe FTI Consulting qui s’occupait de la communication de BSGR au début de son bras de fer avec la Guinée dispose d’un capital de 1,4 milliards de dollars et emploie 4600 travailleurs à travers le monde.
Pour le moment la seule affaire de corruption mise à jour en Guinée avec des preuves irréfutables établies par des autorités étrangères est bien celle concernant BSGR.
Parallèlement, sur Rio Tinto, la Guinée, grâce à son Président, a récupéré 700 millions de dollars et obtenu 35% des actions (contributives et non contributives) sur le projet. La Guinée a retiré 800 permis miniers et publie l’intégralité de ses conventions minières sur le net. On a vu pire en terme d’état corrompu.
Vivement que les enquêtes, procédures et autres jugements en cours ou en perspectives rendent leurs verdicts ou leurs conclusions.
Mamadou Aliou Bah, Ancien haut fonctionnaire
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