Depuis quelques jours maintenant, des voix se lèvent de plus en plus appelant à un report des élections législatives du 16 février prochain, la dernière en date est celle des autorités religieuses (Imamat et Archevêché de Conakry) demandant au Président de la république un report, pour dit-on, au nom de la paix. Mais la paix recherchée a pour totem (adversaire) le non-respect des lois de la république notamment celles relatives aux délais légaux constitutionnels en matière électorale.
La
situation politique actuelle de la Guinée est la résultante du peu de
considération à l’égard des lois doublée d’une dose de mauvaise foi des acteurs
politiques. Et pour une solution à la crise, le chemin doit être celui des
urnes, pour dire que ce ne sont pas les religieux encore moins les acteurs
politiques qui doivent dicter le cycle électoral d’un pays.
Le non-respect des lois doublée de la
mauvaise foi des acteurs à l’origine des crises
Le président
de la républiquepar un décret du 11 janvier 2019 procédait à la prorogation du
mandat des députés jusqu’à l’installation d’un nouveau parlement et ce conformément à l’article 2 alinéa 5 de
la loi organique numéro L 2017 030 AN du 04/07/2017 portant règlement intérieur
de l’Assemblée nationale qui dispose que : le mandat des députés de
l’Assemblée nationale expire à l’installation de la nouvelle Assemblée, et
consécutif à un avis de la cour constitutionnelle (gardienne de la constitution)
du 10 janvier 2019.
Conformément à l’article 60 de la constitution
du 7 mai 2010, la durée du mandat des députes est de 5 ans, en combinant
celui-ci à l’article 125 du code électoral, l’élection législative devrait
avoir lieu au plus tard avant la fin de l’année 2018. Ce qui n’a pas été le cas
à cause de la propension des acteurs politiques guinéens à privilégier les
accords de cuisine au détriment des lois de la république.
Le plus dramatique dans cette situation peu
glorieuse pour notre pays, c’est que ces accords sont souvent signés au nom de
la paix et de la stabilité politique. Au final la Guinée n’a ni paix ni respect
du cadre des élections (la loi). Victor Hugo disait que « le droit et
la loi, telles sont les deux forces : de leur accord nait l’ordre, de leur
antagonisme naissent les catastrophes ». Les acteurs politiques
semblent privilégier la seconde option de cette citation, c’est-à-dire
l’antagonisme entre le droit qu’a chaque acteur politique de peser sur le
destin de son pays et le respect de la loi qui s’impose en lui comme
contrepartie de ce droit politique.
La mauvaise foi à laquelle je fais allusion
dans cette analyse est illustrée dans les propos des deux principaux leaders de
l’opposition. AUCUN parti politique quel qu’il soit n’a été exclu du
processus, ceux qui ont décidé de boycotter ces élections législatives ont un
autre agenda politique. Ils veulent que la Guinée n’organise en 2020 que les
élections qu’ils souhaitent à savoir la présidentielle. Le chef de l’opposition
Cellou Dalein Diallo affirmait dans une récente tribune en date du 15 janvier
dernier, je le cite : ‘’Sinon, pourquoi, compte tenu de la proximité
des deux élections [législatives et présidentielle] qui se tiennent la même
année, ne pas concentrer tous les efforts dans la préparation judicieuse de la
présidentielle et reporter, après ce scrutin majeur, les élections législatives ?’’.
En sous et en gras ce qui veut dire pour CellouDalein qu’il reviendra au
prochain président de la république d’organiser les législatives.
Pour Sidya Touré président de l’UFR, également pas question chez
lui non plus d’organiser des élections législatives en 2020. Alors la question
qu’il conviendra de se poser est de savoir, pendant ce temps le pays doit-il s’arrêter
de fonctionner ?Dans un pays sans parlement légitime, aucun partenaire sérieux
ne risquera y investir, parce-que nous savons que les accords de financement
des projets publics sont toujours soumis à une condition de ratification par
l’assemblée nationale.
Ils faut donc qu’on voit au travers des législatives, non pas une logique
politicienne mais une logique développementaliste, c’est-à-dire un moyen de
légitimation de la gouvernance et surtout un chemin rendant le pays crédible
auprès des partenaires.
Force doit rester à la loi
au-delà de la volonté des chefs religieux
Dans le fronton des institutions publiques, on peut souvent y
lire ‘’Dura lexsedlex’’ qu’on peut traduire littéralement par ‘’la loi est dure
mais c’est la loi’’, et nul ne doit, quel que soit son statut et son rang
social, remettre en cause l’application des lois qui gouvernent la république,
même pas les religieux.
L’article 1er de notre constitution est très clair
« la Guinée est une république laïque » et il n’est pas question que
ce principe soit remis en cause par la volonté des religieux au nom d’une
hypothétique paix, dont la violation en réalité, découle du comportement
anti-républicain de tous les guinéens, TOUS, y compris les chefs religieux.
Cette partie de mes propos s’adresse au président de la
république. Monsieur le Président, vous avez une chance historique d’offrir à
la Guinée son premier parlement rajeuni et féminisé, ce serait une première non
seulement dans notre pays mais également dans la sous-région. Aucune pression
ne doit vous flétrir de cette mission qui s’offre aujourd’hui à vous. La Guinée
vous sera éternellement reconnaissant et l’histoire moderne de notre pays vous
glorifiera dans les manuels scolaires. Monsieur le président, il est fréquent
qu’un homme soit incompris par ses contemporains mais l’histoire finira par le
rétablir. Mandela a été incompris jusqu’à ce que le temps le rétablisse, et
quel rétablissement !
Les élections législatives du 16 février doivent avoir lieu même
si le taux de participation se chiffre à 20%.
Reculer, repousser l’échéance du 16 serait le triomphe de l’anarchie sur
la démocratie que les impatriotes ont toujours voulu instaurer dans notre beau
pays. Face à la demande pressante de l’histoire du moment qui s’écrit de la
plus belle des manières, un chef ne doit pas avoir la main qui tremble,
conscient du virage reluisant qu’il souhaite léguer aux futures générations, il
doit foncer la tête dans les objectifs.
Pour terminer, la Guinée a certes une société fortement
religieuse, mais notre pays n’est ni un Etat islamique encore moins un Etat
ecclésiastique.
Par Alexandre Naïny BERETE, étudiant guinéen en Master 2 de droit à l’Université de Nantes, IAE Bordeaux.
Force doit rester à la loi au-delà de la volonté des chefs religieux, si la loi n’est pas mis côté …