Ebola ou l’histoire d’un virus qui attend son heure

Depuis 40 ans, des chercheurs traquent un virus tueur et furtif. Où se cache-t-il entre deux flambées épidémiques? Alors qu’Ebola reflue en Afrique centrale, son histoire est loin d’être terminée La Sierra Leone retient son souffle. Dans quelques jours, si aucun nouveau cas d’Ebola n’y est diagnostiqué, l’OMS annoncera la fin, dans ce pays, de l’épidémie responsable de la mort de 12 000 personnes en Afrique centrale depuis un an et demi. La fête qui s’annonce autour du gigantesque fromager de Freetown sera amplement méritée. Mais ne croyons pas pour autant qu’Ebola a été vaincu, comme la peste bubonique s’est éteinte en Europe au XVIIIe siècle. Ce virus des forêts d’Afrique centrale ne meurt pas, il reflue, il se cache et réapparaîtra un jour. Où se terre-t-il? Et comment survit-il? Une poignée de scientifiques téméraires le traquent depuis plusieurs décennies. David Quammen s’est à son tour plongé dans les mystères de ce virus tueur et hyper furtif. Dans son livre récemment traduit, ce journaliste américain et grand voyageur raconte ses expéditions et ses entretiens avec les spécialistes. On se laisse volontiers embarquer dans cette enquête passionnante, très accessible, qui va des forêts épaisses d’Afrique subsaharienne aux labos hi-tech. Contre les idées reçues «Ebola, histoire d’un virus mortel» (Grasset) a aussi le mérite d’agir en vaccin face à certaines idées reçues. Non, les malades ne pleurent pas des larmes de sang et leurs organes ne «fondent» pas, comme le prétendait Richard Preston dans son apocalyptique «Virus» (éd. Plon, 1995). La fièvre hémorragique Ebola – du nom d’une rivière qui passe près du village de Yambouckou où la première manifestation du virus a été recensée en 1976 – est, pense-t-on à ce jour, un virus zoonotique, qui se transmet via un animal. Lequel? Épineuse question que celle du «réservoir-hôte», l’animal qui porte et transmet la maladie sans en être lui-même affecté. Fin décembre 2014, des épidémiologues allemands ont pointé un suspect: les chauves-souris insectivores. C’est une colonie de ces chiroptères qui aurait infecté un jeune garçon près de Guéckédou en Guinée, où s’est déclarée la maladie en mars 2014. Dans plusieurs autres cas de «zoonose» – transmission de virus par un animal – les chauves-souris ont aussi été identifiées comme vecteurs: en 2008, une touriste hollandaise est décédée du virus de Marbourg – cousin d’Ebola dans la famille des Filoviridae – après avoir visité une grotte en Ouganda infestée de chauve-souris à tête en marteau. Les difficultés des chercheurs Cette histoire documentée d’Ebola frappe par la difficulté des chercheurs à dénicher et cartographier le virus dans son habitat, hostile pour l’homme, avec de surcroît des financements aléatoires. Quand il se contente de tuer des grands singes, ceux-ci généralement «meurent loin de la science» – l’auteur a été témoin de l’extinction d’une population de gorilles dans une vaste réserve entre le Gabon et le Congo dans les années 2000. La seule possibilité d’étudier Ebola se présente lors d’épidémies de grande ampleur comme celle de 2014, qui a touché les grands centres urbains pour la première fois. Et les scientifiques ne sont pas d’accord sur le mode de propagation. Est-ce un très ancien virus, qui ressurgit à intervalles réguliers? Ou Ebola avance-t-il, par vagues, conquérant de nouvelles zones, mutant pour être plus meurtrier? La dernière flambée lui a donné une belle occasion de se transformer en «quelque chose qui, pour l’instant, n’existe que dans nos cauchemars», écrit Quammen. Une contagion étendue à la planète? Rien n’est exclu, et les zoonoses, prédit Quammen, seront plus fréquentes dans un XXIe siècle globalisé. «La revanche de la forêt vierge?» Et l’homme, quelle est sa part de responsabilité? Il semblerait que les bouleversements de l’écosystème fassent aussi sortir le virus de son trou. Peut-on alors parler de la «revanche de la forêt vierge»? Habité de rationalité scientifique, l’auteur se défend d’une telle vision: «[Ces virus] ne se lancent pas contre nous. D’une certaine façon, c’est nous qui allons vers eux.» Non, Ebola n’est pas méchant. C’est un organisme comme les autres, qui veut vivre et se développer. Refluant dans sa tanière, il attend simplement la prochaine opportunité d’en sortir. http://www.letemps.ch]]>

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