Ce qu’on sait de l’agression du député sénégalais à Lomé dimanche

http://Actuguinee.org / Les images de l’interruption, à Lomé, de l’allocution du député sénégalais ont fait le tour de la toile. On apprend plus tard qu’il a été victime d’une agression physique ainsi que les autres participants qui étaient sur place.

« Il y a une de ces violences dans les coups qu’ils nous ont assénés », témoigne au micro de BBC Afrique, Mme Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson, député togolais, Coordinatrice de la Dynamique de la majorité du peuple (DMP.) Il s’agit du regroupement de partis politiques de l’opposition et des organisations de la société civile, organisateur de la rencontre citoyenne à laquelle participait dimanche le député sénégalais Guy Marius Sagna.

Cette rencontre au cours de laquelle le député sénégalais et de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), devrait entretenir des citoyens togolais sur le rôle du Parlement de l’institution sous-régionale, a tourné au drame.

Des individus, identifiés par les organisateurs comme des nervis, ont pris d’assaut la rencontre, tabassant tous les participants, arrachant téléphones portables, matériels de travail des journalistes, saccageant les matériels de sonorisation et caillassant les véhicules des responsables de l’opposition.

Sur les images sur place, on peut voir des chaises cassées, l’apatam dressé pour la circonstance mis à terre et déchiré et d’autres éléments qui témoignent de la violence du passage de ces nervis.

« Ils nous jetaient des cailloux et nous envoyaient tout ce qu’ils pouvaient pour nous blesser », ajoute Mme Adjamagbo-Johnson qui regrette cette « violence inqualifiable ». Et pourtant, la rencontre avait bien commencé, selon elle, au siège de la Convention démocratique des peuples africains (CDPA), parti dont elle est la première responsable.

Une rencontre infiltrée selon les responsables de la DMP

Le député sénégalais est à Lomé, la capitale togolaise en marge de la session extraordinaire du Parlement de la CEDEAO. Il a profité de l’occasion pour répondre à une invitation que lui adressée le regroupement de partis d’opposition togolaise pour une rencontre citoyenne. Il était question d’évoquer avec les citoyens togolais des sujets concernant la communauté de destin CEDEAO.

Environ dix (10) minutes après le début de la rencontre, des coups ont commencé par pleuvoir sur les participants et des chaises envoyées vers la table d’honneur.

« La réunion a commencé calmement. Guy Marius était en train d’expliquer pourquoi il était là, et remerciait les Togolais parce qu’il sait que les Togolais soutiennent son combat », confie la Coordinatrice de la DMP.

C’est au moment où le député sénégalais a entonné l’hymne national togolais que des chaises s’envolaient vers sa direction et celle des responsables des partis d’opposition togolaise présents à la rencontre.

« C’est comme si c’est l’élément déclencheur, ça a déclenché une fureur, vu comment les chaises volaient ».

Des blessés et des dégâts matériels

La violence perpétrée par « des nervis » selon la DMP, a fait des blessés et des dégâts matériels. Le député sénégalais a été blessé à la tête et à la main et conduit dans une clinique non loin des lieux de l’incident.

La coordinatrice de la DMP, Mme Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson et d’autres responsables de ce regroupement de partis d’opposition ont également été blessés et conduits à l’hôpital.

Dans un communiqué rendu public ce lundi, la DMP a dressé le bilan de cette violence. Il s’agit donc de :

  • quatre ouvertures du crâne avec hémorragies nécessitant des points de suture ;
  • un traumatisme sévère, possiblement une fracture du pied ;
  • une vingtaine de blessés par plaie ouverte aux pieds ou aux mains ;
  • une trentaine de personnes ayant subi des contusions ;
  • l’honorable Guy Marius Sagna, le visage ensanglanté, est transporté en urgence à dos d’homme vers une clinique pour recevoir des soins à une commotion cérébrale et une plaie ouverte;
  • messieurs Targone et Satchibou de la DMP, violemment battus, ont subi un traumatisme crânien;
  • la députée DMP Adjamagbo-Johnson a une contusion sur le front, elle n’a dû sa survie qu’à son chauffeur, qui en la protégeant a encaissé tous les coups qui lui était destinée.
  • Aucune nouvelle du secrétaire permanent de la CDPA qui fût sérieusement bastonné

Le communiqué indique aussi des dégâts matériels importants :

  • deux véhicules, dont celui du député Adjamagbo-Johnson, ont eu leurs vitres brisées ;
  • des portables de nombreux participants furent arrachés ;
  • des journalistes présents sur place ont été ciblés, leurs matériels confisqués et jetés dans un puits ;
  • l’apatam monté pour l’occasion, ainsi que 300 chaises louées ont été saccagés.

Une rencontre interdite par les autorités togolaises ?

Les organisateurs de la rencontre disent se porter en faux contre cet argument. Ils indiquent qu’ils n’ont jamais été informés d’une quelconque interdiction de la rencontre.

Toutefois, cette réunion, qui devrait préalablement se tenir dans une salle réservée et payée au sein de la paroisse Saint Augustin d’Amoutivé (Lomé) a été délocalisée. La secrétaire de la paroisse ayant appelé les responsables de la DMP la veille pour leur signifier que la salle n’est plus disponible.

En outre, selon les organisateurs, le bureau du Parlement de la CEDEAO a informé le député sénégalais Guy Marius Sagna que le ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Chefferie traditionnelle du Togo l’avait saisi par courrier l’informant que le député allait participer à une rencontre interdite.

« Aucune interdiction ne nous a été formellement notifiée », insiste l’un des responsables de la DMP.

Guy Marius Sagna pas surpris

Le député sénégalais, membre du Parlement de la CEDEAO indique qu’il est victime des critiques qu’il a toujours formulées à l’endroit du pouvoir de Lomé.

« Je suis choqué, scandalisé et traumatisé comme tous les Togolais qui étaient présents, mais je ne suis pas surpris. Vous vous rappelez, il y a quelques mois au Parlement de la CEDEAO, j’ai dénoncé la situation au Togo », déclare M. Sagna quand BBC Afrique l’a joint depuis Lomé.

Il ajoute qu’il était loin de savoir qu’il sera victime de la situation au Togo.

En effet, lors de la session de ce parlement qui s’est déroulée il y a quelques mois à Abidjan, le député sénégalais a ouvertement critiqué le changement constitutionnel au Togo, appelant le chef de l’Etat togolais à laisser le pouvoir.

Selon le député sénégalais, c’est cette position qui lui vaut ces représailles à Lomé. Une affirmation que partagent les responsables de la DMP.

La réaction des autorités sénégalaises

Dans la soirée de ce dimanche, le gouvernement sénégalais, par le biais du ministère de l’Intégration africaine et des Affaires, a réagi à travers un communiqué, qualifiant ces événements d’« agression violente dont a été victime l’honorable député du Sénégal et de la CEDEAO ».

« L’honorable député Sagna est au Togo pour prendre part à la troisième session extraordinaire de la commission du Parlement de la CEDEAO. Il a profité de l’occasion pour participer à une réunion organisée par des citoyens togolais qui sont aussi ses mandants. Selon le député, cette agression brutale par des nervis a lieu dès l’ouverture de cette réunion », réagit le ministère sénégalais des Affaires étrangères.

Tout en souhaitant un prompt rétablissement au député, le ministre sénégalais des Affaires étrangères a demandé à son homologue togolais de prendre toutes les dispositions afin de garantir l’intégrité physique du député Guy Marius Sagna.

Pour le moment, les autorités togolaises n’ont pas encore réagi à ces événements ni communiqué sur les causes et les auteurs de cet incident.

Une interdiction systématique des manifestations pacifiques au Togo

Depuis quelques années, les partis politiques de l’opposition et des organisations de la société civile ont du mal à organiser des manifestations publiques pacifiques au Togo. Même des réunions prévues au siège de ces partis sont interdites par les autorités du pays.

Il y a une semaine, le sit-in et la journée de prière et de solidarité envers les prisonniers politiques prévus par le front « Touche Pas A Ma Constitution », une organisation de la société civile togolaise, a été interdite.

Un mois plus tôt, Novation International, une autre organisation de la société civile, a vu ses meetings interdits.

Ces interdictions frappent également les partis politiques de l’opposition.

Pour l’incident de ce dimanche, la Coordinatrice de la DMP appelle le gouvernement togolais à ouvrir une enquête indépendante pour situer les responsabilités.

Avec BBC

 

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