Affaire viol : Ces crimes qui défient la raison,la morale,la décence et les droits humains doivent être punis lance Dr Morissanda Kouyaté
J’espère que l’une des premières actions que prendra notre tout nouveau Président, sera de réagir efficacement et vigoureusement à ces crimes qui défient la raison, la morale, la décence et les droits humains.
1) Veuillez vous vous présentez aux lecteurs et lectrices de notre canard d’informations www.actuconakry.com.
Je suis Dr Morissanda Kouyaté, Directeur Exécutif du Comité Inter-Africain sur les pratiques traditionnelles affectant la santé des femmes et des enfants ; Expert des Nations-Unies.
2)www.actuconakry.com : Les guinéens viennent de traverser ou traversent en ces moments une semaine malheureusement triste due à cette affaire de viol d’un artiste sur une jeune fille, vous qui luttez contre les mutilations génitales féminines et toutes formes de discriminations à l’égard des femmes et des filles, quel est votre regard sur cette affaire qui éclabousse les guinéens ?
Dr Morissanda Kouyaté : Effectivement, dans notre pays, cette semaine, une fille a été violée et assassinée ; une autre a été menacée de mort, déshabillée, humiliée, violée postée sur le web et chassée de son travail pour avoir été une telle victime. Cela me révolte. L’impunité est la plaie béante de notre pays, comme je le répète toujours. Je lance donc, un appel à toutes les guinéennes, à tous les guinéens, aux récents porteurs de pancartes, de banderoles pendant la campagne électorale de la présidentielle, qui clamaient haut et fort que leurs candidats seraient les meilleurs pour défendre les droits des femmes ; aux candidats eux-mêmes ; et surtout à notre Président nouvellement élu, le Professeur Alpha Condé pour que ces horribles actes soient dénoncés et punis de façon exemplaire.
Pour nous tous, politiciens, activistes de la société civile, citoyennes et citoyens, il ne suffit pas de dire : ‘’J’aime les femmes’’ ; il faut le prouver et le concrétiser. Les femmes ne peuvent pas continuer à servir seulement d’ascenseur pour atteindre les étages politiques, administratifs et sociaux, pendant qu’on les méprise lorsqu’elles sont confrontées aux pires cas de violences et de violations de leur intégrité physique et psychologique. Ces affaires sont d’autant gravissimes, qu’il s’agit de jeunes, censés avoir plus de respect pour les filles et les femmes.
J’espère que l’une des premières actions que prendra notre tout nouveau Président, sera de réagir efficacement et vigoureusement à ces deux crimes qui défient la raison, la morale, la décence et les droits humains.
Tant que certains d’entre nous, continueront impunément à violer, violenter, humilier les femmes, et à les reléguer au second rang servant d’objet sexuel, notre pays occupera toujours le bas de l’échelle en dépit de tous autres acquis économiques. Il est temps de passer à l’action contre les esprits tarés et moyenâgeux.
3)www.actuconakry.com :Malgré d’innombrables moyens investis dans la lutte contre les mutilations génitales, ce phénomène est de loin d’être éradiqué dans votre pays, quelles propositions faites-vous aux autorités actuelles pour mettre une fin à cette torture féminine ?
Sur invitation de l’Ambassade des États-Unis d’Amérique en Guinée, j’ai effectué un séjour de travail sur cette question en Guinée en septembre 2015. J’ai visité plusieurs préfectures avec le plaisir extraordinaire d’avoir rencontré mes compagnons de lutte contre les mutilations génitales féminines depuis 1984.
Comme vous le savez aussi, après que j’ai rendu plusieurs visites de travail et de plaidoyer auprès du Département d’État Américain à Washington, pour expliquer la situation inacceptable de notre pays, face à ce fléau, et avec l’appui de l’Ambassade des États-Unis d’Amérique en Guinée, le Gouvernement Américain a débloqué un montant d’un million cinq cent mille (1.500.000) Dollars US pour accélérer la lutte contre les mutilations génitales féminines en Guinée. Ce projet a commencé depuis un an et je profite de l’occasion pour remercier le Gouvernement Américain et tous les autres partenaires qui s’investissent contre les MGF.
Notre gouvernement s’est aussi, fortement impliqué dans la lutte à travers le Ministère de l’Action sociale, au point que le Président de la République, le Professeur Alpha a dénoncé les mariages d’enfants et les mutilations génitales féminines au cours de son entretien avec les étudiants de l’Université Général Lansana Conté. La société civile guinéenne est aussi très engagée. Mais malgré le fait que la Guinée soit pionnière dans cette lutte et que beaucoup de pays nous ont imités avec des résultats très encourageants obtenus par ces derniers, la Guinée occupe malheureusement et honteusement le deuxième rang sur la liste des pays affectés par cette pratique. La Guinée est classée deuxième pays avec 97% de femmes excisées, juste après la Somalie, je dis bien la Somalie qui a 99%.
www.actuconakry.com : Quelles sont les causes de ce paradoxe ?
1)Dr Morissanda Kouyaté : Le pays est pris en otage par certains leaders religieux autoproclamés qui ont des agendas cachés portant la couverture du Saint Coran. Allahou Akbar ! La punition divine est implacable. Ceux-là ont greffé les MGF, une pratique pharaonique, donc anté-christianisme et anté-Islam, à la parole sacrée du Tout-Puissant Allah dans le Saint Coran. Les mutilations génitales féminines ont existé 1770 ans avant l’Islam. Cette pratique ne cherche qu’à tenter de maitriser la sexualité féminine. Le comportement des femmes et des filles dépend de leur éducation mais pas de la présence ou non d’un organe précieux dont Dieu le Tout-Puissant les a dotées avec des fonctions biologiques et physiologiques importantes.
2)La deuxième cause de ce paradoxe est encore, l’impunité. Je dis bien l’IMPUNITÉ. Alors que notre pays s’est doté depuis 2010 d’une loi qui interdit et punit la pratique des mutilations génitales féminines, des files indiennes de filles excisées courent les rues de Conakry ; des danses folkloriques supportant la pratique sont organisées avec des uniformes et encore des marabouts-charlatans qui font l’apologie de l’excision sur les médias y compris les médias d’État. Vous vous souvenez de la levée de bouclier récente des marabouts contre le policier Bakary, Directeur de l’OPROGEM qui a arrêté une exciseuse ? Il y en a même qui décident de la longueur de l’organe féminin à couper. ‘’Il faut couper un peu’’ disent-ils. Ils pensent parler au nom d’Allah. Pourquoi Allah lui-même n’a-t-il pas coupé un peu à l’origine ? Dieu aurait-il oublié ? Malheur à ce qui tentent de corriger la parfaite créature divine.
La solution c’est la sensibilisation et l’application intégrale de la loi pour éviter que nos mères, sœurs et filles continuent de subir les affres d’une pratique sortie de la nuit des temps.
3)www.actuconakry.com : Ancien médecin chef dans les hôpitaux de N’Zérékoré, Kamsar, Siguiri et Donka ; Ancien Directeur national des hôpitaux, ancien Directeur des Relations Extérieures du Ministère de la Santé et premier rénovateur de l’hôpital Donka, quel constat aviez-vous fait sur les structures sanitaires du pays lors de votre récent en Guinée ?
Je suis venu en Guinée avec un modeste soutien au plus fort de l’épidémie à virus Ébola et récemment comme je l’ai dit plus haut. Le constat sur notre système de santé est amer. Jusqu’à la survenue de cette terrible épidémie, nos planificateurs et économistes avaient complètement placé la santé dans le domaine des secteurs non rentables. Ils passaient leur temps à nous cuiter avec les mêmes termes atrabilaires : taux de croissance, macroéconomie, taux de rentabilité, taux de pénétration des marchés, indice de pauvreté (jamais de richesse d’ailleurs) etc. ; toutes ces acrobaties intellectualistes sont faites pour cacher une simple réalité : la priorité de tout pays qui se respecte se résume en quatre secteurs : Éducation, Santé, Agriculture et Sécurité. Il a fallu Ébola pour que nos savants qui avaient considéré le secteur de la Santé comme budgétivore insatiable, cessent de se serrer la main, de se réunir, de voyager, et finalement décident de prononcer la phrase la plus logique : la santé est importante au-delà de son coût. Espérons qu’ils ne l’oublieront plus.
Mais nous, personnels de santé, sommes pas tous blancs dans cette fâcheuse situation. En exerçant du privé dans du public, en faisant du patient une source impatiente d’argent, au mépris du serment d’Hippocrate, nous avons achevé d’enterrer la sacro-sainte confiance que les populations plaçaient en nous.
4)www.actuconakry.com : Quelle Proposition de solution ?
Dr Morissanda Kouyaté : La solution ? Elle est unique : Reconstruire massivement et durablement le système de santé à travers les infrastructures, les équipements, les médicaments, les vaccins, le personnel qualifié et motivé, et surtout une gestion drastique, une déontologie imposée et rigoureusement contrôlée.
Quand un État décide d’investir sérieusement dans un secteur prioritaire, il doit absolument éviter de fixer à l’avance un pourcentage du budget national à affecter à ce secteur, comme j’entends souvent 15%, 8%, 11%, X%. Non, c’est l’inverse qu’il doit faire: déterminer les actions à mener et les mesurer en terme de pourcentage par rapport au budget national.
Par absence de formation continue, certains de nos économistes planificateurs continuent de nous gérer avec les farfelues recettes du fameux Programme d’Ajustement Structurel des années 80. Cela vous rappelle quelque chose ?
Je vis en Éthiopie, un des pays africains qui était considéré extrêmement pauvre. En dix ans j’ai regardé jalousement ce pays se métamorphoser avec des routes extra-larges, des gratte-ciels, le métro, le plus grand barrage hydroélectrique africain en construction, un système financier et monétaire stable et dynamique, une propreté irréprochable, et pour rester dans la mesure, un taux de croissance de 10% depuis 5 ans. Et pourtant l’Éthiopie n’a aucune richesse dans son sous-sol. Rien. La matière première de ce pays c’est le sérieux dans la gestion et la confiance des investisseurs.
6) www.actuconakry.com : Le mot de la fin ?
Dr Morissanda Kouyaté : C’est plutôt le mot du début de la rigueur, du sérieux, du respect des institutions et des lois, et surtout de la présence effective de l’Etat au service du bien-être et de la sécurité des populations dont il a la charge.
Entretien réalisé par Sidimé Alpha Kabinet
Directeur de la publication de www.actuconakry.com
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